Dollhouse: critique de la 1ère saison

Eliza Dushku est Echo, Une nouvelle série attendue avec autant d’excitation que d’angoisse par les fans de Joss Whedon

La 1ère saison de la nouvelle série de Joss Whedon (le créateur des séries cultes Buffy contre les vampires, Angel et
Firefly) vient de s’achever sur la Fox le 8 mai dernier, au terme de 12 épisodes. La série avait suscité, avant même sa diffusion,
autant d’attentes que de craintes de la part des admirateurs de Whedon. Il faut dire que Dollhouse est diffusée aux Etats-Unis sur la
Fox, une chaîne nationale qui a une tendance reconnue à annuler ses séries au premier signe de faiblesse, valorisant plus les taux d’audience que la qualité ou la singularité des
programmes. Le créateur de Buffy (qui était diffusée sur le câble) avait d’ailleurs eu quelques soucis avec la chaîne puisque celle-ci avait annulé sa série de
space-opera, Firefly, au terme de 11 épisodes seulement en 2003 (alors que par ailleurs 15 avaient été tournés), et ce malgré un public certes restreint (les
férus de science-fiction principalement) mais fidèle et d’excellentes critiques. Les attentes pesant sur les épaules de Whedon (arriver à faire de l’audience tout en faisant une
série de qualité telle qu’il a su les faire jusque-là) étaient donc grandes lorsque le pilote de la série (qui dût être retourné quelques mois avant sa diffusion pour mieux répondre aux exigences
de la chaîne) fut diffusé en février dernier.

Une intrigue de science-fiction complexe et enthousiasmante

Echo (Eliza Dushku) et Topher: un petit tour dans le fauteuil suffit à effacer la personnalité de la poupée dans DollhouseLe sujet de la série avait, du moins sur le papier, de quoi enthousiasmer les amateurs de science-fiction. Dollhouse narre l’histoire d’une mystérieuse organisation
privée, la Dollhouse (« maison de poupée ») qui embauche des agents ou « poupées » pour répondre aux besoins les plus divers de clients fortunés : strip-tease, braquage,
sécurité, expertise… Une sorte de « Charlie et ses drôles de dames » me direz-vous ? Non. Car les personnes engagées au sein de la société comme agents sur la base du volontariat
subissent en fait un lavage de cerveau radical qui consiste à balayer purement et simplement leur personnalité véritable, qui se retrouve stockée sur un disque dur archivé dans une remise. Ainsi
dociles et sans la moindre volonté propre, on leur attribue des noms de codes tels que Echo, Sierra ou Whiskey et, lorsqu’un client a un besoin particulier, l’informaticien de la société implante
une personnalité pré-programmée aux agents pour remplir une mission. A la fin de la mission, la personnalité utilisée est effacée de leur mémoire et ils retournent à leur état de légumes
végétatifs de luxe (les « dolls » disposent de spas, piscine personnelle, cours de yoga, etc. dans un cadre luxueux) jusqu’à leur prochaine mission. Nous suivons plus particulièrement
les aventures de Caroline, une jeune femme qui, suite à des ennuis non spécifiés avec la justice se porte volontaire pour cinq ans au sein de la Dollhouse. Une fois lavée de sa véritable
personnalité, elle se nomme Echo et devient rapidement le meilleur agent de la société. Nous nous apercevrons vite qu’elle est différente des autres : elle garde par moments de vagues
souvenirs de ses personnalités antérieures et agit parfois lors des missions d’une manière qui n’avait pourtant pas été strictement programmée. Un agent du F.B.I., obsédé par la Dollhouse et
fermement décidé à prouver à l’opinion publique l’existence de cette organisation qui passe pour un mythe urbain, se lance alors sur les traces de Caroline.

Des premiers épisodes qui peinent à captiver mais une deuxième moitié de saison excellente

A la vue de ces 12 épisodes, un constat s’impose : la série est excellente mais ne démarre vraiment qu’en milieu de saison, à l’épisode 6 pour être plus précis. Les premiers épisodes, s’ils
sont dans l’ensemble assez plaisants et augurent d’excellentes choses à venir, laissent clairement percevoir un certain manque de rigueur et quelques fautes au niveau du rythme, qui semble assez
hésitant. Peut-être (ou sûrement) est-ce dû au remaniement de la trame narrative qu’a dû effectuer Whedon à la demande de la Fox, qui trouvait le pilote obscur
et voulait plus d’action. Quoi qu’il en soit, on attend plus d’explications sur la Dollhouse, une présentation plus longue lors des premiers épisodes alors que dès le pilote, Echo se lance
directement dans une mission qui ne permet qu’à moitié au spectateur de rentrer dans l’histoire. Les épisodes suivants regorgent de bonnes idées mais on sent que le créateur et les scénaristes
étaient soucieux de donner plusieurs histoires d’action fermées au public, sans doute pour ne pas repousser le grand public avec trop de réflexion ou d’intrigues alambiquées. Or, cela tend a
disperser quelque peu l’attention et, durant ces cinq premiers épisodes, certains personnages semblent assez convenus, pas encore assez fouillés, tels que le policier, qui peine à exister, ou
encore la directrice de la Dollhouse qui ressemble trop à la Miss Parker du Caméléon, l’informaticien Topher qui rappelle le gentil geek « Mr Gadget » de
Alias, etc.L’identité et l’individu au sein de la société en question.

Mais la patience a du bon car dès le 6ème épisode, la série prend réellement de l’ampleur et on sent que Whedon peut enfin laisser libre court à son imagination et développer la
trame complexe et passionnante de la série. A partir de là, chaque épisode est fort, nous en apprend un peu plus sur la Dollhouse et possède même une dimension métaphysique assez flippante. Car
la véritable question qui sous-tend Dollhouse est la notion d’identité au sein d’une société qui tend à considérer les individus comme des numéros, une masse dont on
peut disposer à souhait pour faire du profit. Derrière son intrigue alambiquée de science-fiction à la Philip K. Dick, la série s’interroge donc sur ce qui fait l’identité d’une
personne. La Dollhouse peut-elle simplement « effacer » une personne en ne laissant de son âme qu’un fichier dans un disque dur? L’intrigue dérange également, car les employés de la
Dollhouse (ceux qui ne sont pas des « poupées ») paraissent souvent assez sympathiques. Même un personnage à priori très antipathique comme celui de Adele DeWitt, la directrice, finit
par dévoiler un visage des plus humains malgré ses décisions moralement douteuses dans le 9ème épisode de la série, « A Spy in the House of Love » qui est l’un des plus troublants de
cette première saison. La réalisation se fait également plus riche, mieux maîtrisée, plus nerveuse et la série ne nous lâche plus à partir de là, la majorité des éléments qui posaient problème
dans les cinq premiers épisodes (la sous-intrigue et le personnage du policier, qui deviennent enfin crédibles et intéressants, entre autres) étant relevés avec brio. La fin de la saison est
assez sadique, pas parce-qu’elle s’achève sur un cliffhanger (ce n’est pas le cas, Whedon voulait donner une fin satisfaisante au cas où la série ne serait pas renouvelée) mais
parce-qu’elle reste pessimiste malgré une lueur d’espoir, les changements qu’on pensait voir survenir nous ramenant de manière impitoyable au point de départ.

Un concept difficile à faire adhérer au grand public mais bien exploité

Les audiences de la série aux Etats-Unis, qui était programmée le vendredi en deuxième partie de soirée après The Sarah Connor Chronicles, étaient assez faibles pour une
chaîne nationale (dans les 3 millions et quelques) mais la série fut sans doute sauvée par le fait qu’elle a très vite fait mieux que cette précédente série de science-fiction, qui passait en
prime time. Il faut dire que le concept de la série est de ceux qui auraient tendance à rebuter un public de masse. Car, si des séries telles que Heroes et
Lost remportent un franc succès tout en étant exigeantes artistiquement (Lost du moins et la 1ère saison de Heroes),
le public peut au moins s’identifier aux personnages tandis que le concept de Dollhouse implique qu’à chaque épisode les « héros » changent de personnalité, ne
se comportant qu’en légumes aux réflexes conditionnés par des phrases clés lorsqu’ils ne sont pas en mission. A partir de là, il peut sembler difficile de s’attacher aux « dolls » alors
qu’elles repartent à zéro à la fin de chaque épisode, même si Echo nous est désignée comme étant différente. Ceux qui n’accrochent pas avec la thématique qui sous-tend la série auront ainsi sans
doute du mal et, en cela, la série s’avère sans doute plus difficile à suivre, dans un premier temps du moins, que Buffy dont la qualité tenait, entre
autres, à la manière dont les personnages étaient fouillés et à leur évolution, très cohérente, qui était toujours en parallèle direct avec l’évolution de la série et de ses intrigues. Cependant,
au travers de cette saison et de la deuxième moitié des épisodes plus particulièrement, il y a une véritable cohérence et une véritable force qui se dégage de la série et les éléments ébauchés à
la fin de la saison nous laissent augurer du meilleur pour la deuxième saison, qui vient d’être confirmée par la Fox alors que l’avenir de la série était jusque-là incertain. Si
elle continue sur sa lancée, Dollhouse pourrait bien devenir une des séries les plus intéressantes qui soient actuellement. Vivement la rentrée, donc.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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