Cino, l’enfant qui traversa la montagne de Carlo Alberto Pinelli (2014) : critique du film

cino l'enfant de la montagneA la fin du 19e siècle, dans les Alpes piémontaises, le petit Cino, 9 ans, vit dans une pauvreté extrême avec ses parents et ses trois frère et soeurs. Pour rapporter un peu d’argent, ses parents décident de le confier à un charretier français qui doit le louer à un berger pour le faire travailler dans les alpages. Maltraité, le petit garçon décide de s’enfuir en compagnie de Catlin, une petite fille de son âge avec laquelle il établit un pacte : ils ne seront jamais séparés. Catlin est la fille d’une mère célibataire surnommée “la rousse” et semble entretenir avec la nature une relation particulière : elle parle des sorcières, voit et perçoit des choses qui restent invisibles aux yeux de Cino. Guidés par ses visions et ses intuitions, les deux enfants décident de traverser les Alpes pour rejoindre leurs maisons.

En salles le 17 décembre prochain, Cino, l’enfant qui traversa la montagne est le premier long-métrage de fiction du documentariste et alpiniste chevronné Carlo Alberto Pinelli, 77 ans, fils de Tullio Pinelli, qui fut scénariste pour Fellini. Le réalisateur, de passage il y a quelques années dans les vallées de Cuneo, recueillit le récit de vieux montagnards qui lui confièrent qu’au 19e siècle, un enfant de la région, loué à un berger français, avait fuit et traversé la chaîne des Alpes-Maritimes tout seul pour rejoindre sa famille. C’est là qu’il apprit qu’un millier d’enfants italiens avaient connu ce sort à l’époque. On lui raconta également qu’un charretier français transportait du marché de Saluzzo au marché de Barcelonnette les enfants les plus misérables, dont aucun riche agriculteur piémontais ne voulait. Ces récits lui inspirèrent l’histoire du film, dont il signa le scénario avec son père.

Des airs de Belle et Sébastien et de Projet Blair Witch pour enfants

CINO_Catlin-dans-la-fume-e_Takami-dist-jpgA mi-chemin entre Belle et Sébastien et un film fantastique pour enfants, Cino, l’enfant qui traversa la montagne est un film familial plein de charme, qui dépeint aussi de manière réaliste le sort misérable réservé aux enfants de l’époque, qui étaient vendus à des bergers et traités comme de la vulgaire main d’oeuvre. La montagne, aussi belle que dangereuse, est magnifiée et si Pinelli n’est pas pour autant un grand réalisateur, sa caméra nous emporte aux côtés de ses héros avec une facilité déconcertante. Les deux enfants, Stefano Marseglia et Francesca Zara sont tous deux très bons et leur naturel est pour beaucoup dans l’affection que l’on ressend pour les personnages et le film. L’histoire, peu crédible, assume quant à elle ses artifices, en faisant intervenir des forces invisibles dont on ne saura jamais, au final, si elles sont réelles ou non. A partir de là, peu importe que CIno escalade à mains nus et sans équipement adéquat un glacier et s’en sorte indemne ! Le film fait appel à la pensée magique dont nous faisons tous l’expérience enfant et joue avec elle.

Cela est bien trouvé, d’autant plus que nombreux sont les alpinistes qui vous diront que lorsqu’on passe du temps seul en montagne, la fatigue et la peur peuvent altérer la perception que l’on a du réel. Dans Cino, la montagne devient ainsi un personnage à part entière, bienfaitrice par moments avec ses champignons, ses marmottes (dont se nourrit le héros à un moment, au grand dam de Catlin) ou ses bouquetins, mais terriblement dangereuse à d’autres. L’intrigue surnaturelle autour de Catlin, qui devrait impressionner et intriguer les jeunes spectateurs, est quant à elle bien menée. Ce lien surnaturel est lui aussi à double tranchant et c’est là que le scénario résiste à la faciilité de permettre aux enfants de triompher des obstacles trop facilement grâce à ce deus ex machina en or. Parce-qu’elle révèle aux autres enfants une mystérieuse danse des sorcières secrète, la fillette est persuadée que celles-ci l’ont punie en la faisant tomber malade au début du film.

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Ce lien surnaturel avec l’invisible est ainsi vu autant comme une bénédiction qu’une malédiction et le réalisateur joue avec cette notion en plaçant sur le chemin des enfants des signes annonciateurs de malheur, figurant les sorcières et le Diable façon Projet Blair Witch pour enfants. En tant qu’adulte, on regrette d’ailleurs que Pinelli n’y soit pas allé un peu plus franchement de ce côté-là. Si de jeunes spectateurs seront sans doute tenus en haleine par ces signes, ceux-ci n’ont pas de quoi faire frémir les parents. Sans aller du côté de l’horreur (nous sommes bien dans un film pour enfants), on aurait aimé que le réalisateur joue un peu plus avec la réalisation et le hors champ pour créer davantage de suspense et de tension. Tel quel, cela reste un peu facile et gentillet, même si l’ensemble fonctionne plutôt bien.

Pour le reste, le film réussit à faire rêver et voyager avec des éléments plutôt simples, ce qu’il convient de saluer. La magie est bel et bien présente et les 1h25 de cette production franco-italienne passent très vite. Avec une sortie juste avant les fêtes de Noël, Cino, l’enfant qui traversa la montagne constituera une jolie sortie familiale qui changera un peu des gros blockbusters de la période.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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