Friends : Destins de la génération X de Donna Andréolle – critique du livre

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Les éditions puf ont lancé en 2012 une collection d’essais sur les séries télé écrits par des universitaires et destinés au grand public, afin de décrypter ces œuvres longtemps décriées comme de simples produits de consommation et qui ont fini par connaître une reconnaissance tardive, qui va en s’amplifiant avec les années. De Desperate Housewives à Six Feet Under, en passant par The Wire, l’éditeur propose au lecteur de se pencher sur une grande variété d’œuvres télévisuelles, aussi bien populaires que prisées par les critiques.

Un essai pertinent et accessible

Début 2015 est donc paru Friends : Destins de la génération X de Donna Andréolle, universitaire spécialiste de l’idéologie féministe et de ses manifestations dans la culture populaire (cinéma et littérature) et professeur en études américaines à l’université du Havre. Un essai qui analyse les dix saisons de la sitcom tout en étant étonnamment fin (tout juste 132 pages). Divisé en trois parties et de multiples chapitres assez concis, l’ouvrage analyse la série télé sous l’angle de la “génération X”, expression désignant les personnes nées entre 1965 et 1982 environ, cette génération qui succède aux baby boomers et était considérée, au moment où Friends débuta sur les écrans, comme une jeunesse “alternative”, “en rupture avec la société mainstream américaine”, comme le rappelle Donna Andréolle dès l’introduction du livre. Elle explore les différents aspects de cette génération et la manière dont ceux-ci se retrouvent dans la série culte des 90’s, en utilisant des exemples concrets. Ainsi, si l’auteur parle sociologie et gender studies (l’étude du genre dans la culture populaire), elle ne perd jamais son lecteur et utilise en permanence un langage simple et clair. Ceux qui craignaient un ouvrage trop théorique peuvent donc se rassurer ! La lecture de Friends : Destins de la génération X est aisée et agréable.

Cependant, les lecteurs plus avertis, qui pourraient s’attendre à un essai davantage “universitaire”, doivent être prévenus : le livre, tout en étant fourni et étayé, tient plus de la vulgarisation que d’une analyse approfondie. Il semble avoir vocation à rendre accessible au plus grand nombre une approche qui mêle différentes disciplines, qu’il s’agisse de l’analyse d’œuvres de fiction, la sociologie, les gender studies, etc. Cette collection d’essais s’adresse avant tout à un public mainstream, curieux d’apprendre à décoder les séries qu’il regarde. Ce qui fera la force de l’ouvrage pour certains constituera donc une faiblesse pour d’autres. A cela, il faut ajouter que, malgré une analyse pertinente, les résumés des différentes intrigues prennent beaucoup de place. Ces rappels sont évidemment utiles pour appuyer l’analyse de l’auteur et permettre au lecteur, qui ne se souvient plus forcément de tous les retournements de situation, de bien saisir les différents enjeux mais dans ce cas, on aurait été en droit d’attendre des analyses un peu plus longues et approfondies, afin d’équilibrer l’ensemble. En l’état, l’essai de Donna Andréolle demeure un peu superficiel : il propose un angle d’approche intéressant et des éléments de réponse, mais n’explore pas son sujet de manière aussi exhaustive qu’il aurait pu se le permettre. On reste du coup un peu sur notre faim en arrivant au terme de ces 132 pages, qui se lisent très vite.

Le genre dans Friends

Ceci dit, la deuxième moitié du livre, qui propose (entre autres) une approche du genre dans la série des plus intéressantes, est bien plus dense que la première partie et vient nuancer cette constatation. Donna Andréolle démontre notamment comment les auteurs de Friends ont su insérer des exemples de gender bending (le fait de retourner les stéréotypes assignés à un genre) dans l’intrigue, en attribuant certains traits masculins à Monica par exemple (sa force surhumaine) ou des traits féminins à Ross, Joey ou Chandler au détour de certaines scènes. Elle met en avant l’approche progressiste de la série, qui fut l’une des premières à montrer un mariage lesbien à la télévision américaine, en prime time. Les six amis de la série sont représentatifs de cette génération plus ouverte, qui a vu des bouleversements importants dans les relations hommes-femmes, a déserté les campagnes et banlieues pour la ville et s’est écartée du modèle parental. L’auteur interroge également le final de la série, où les héros semblent faire des choix finalement bien conventionnels (Rachel renonce au poste de ses rêves à Paris pour vivre avec Ross, Monica et Chandler s’installent en banlieue, etc.) et se demande si la génération X, une fois la jeunesse passée, ne finit pas par se fondre dans la société dominante.

Friends : Destins de la génération X est un essai pertinent et accessible qui devrait intéresser les fans de la série. Il leur donnera des clés pour mieux comprendre l’impact de la sitcom américaine sur la culture populaire, par-delà les frontières, onze ans après sa fin qui a ému des millions de téléspectateurs. Donna Andréolle opte pour une approche transversale, faisant aussi bien appel à des notions de sociologie, de gender studies ou d’analyse télévisuelle, sans jamais perdre son lecteur par une approche trop théorique. Cependant, ceux qui attendaient un essai plus pointu pourront regretter que l’auteur reste finalement en surface et perde trop de temps à résumer les différents arcs narratifs de la série. Un livre avant tout destiné au grand public, qui réussit à vulgariser des notions complexes.

Friends : Destins de la génération X de Donna Andréolle, Editions puf, 2015, 132 pages. 13 euros.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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