[Test DVD] Queen of Earth – Alex Ross Perry

image jacquette dvd potemkine queen of earth alex ross perryCaractéristiques

  • Réalisateur : Alex Ross Perry
  • Avec : Elisabeth Moss, Katherine Waterston, Patrick Fugit, Kentucker Audley…
  • Editeur : Potemkine
  • Date de sortie DVD : 19 janvier 2016
  • Durée : 90 minutes

Image : 5/5

Rien à redire sur la qualité impeccable de ce transfert. Le film a été tourné en 16mm et on pourra apprécier le grain propre à ce format, tout en bénéficiant d’un rendu très propre. Cette édition permet d’apprécier à sa juste valeur le travail du chef opérateur Sean Price Williams, qui a travaillé la lumière afin de donner à Queen of Earth un rendu proche de certains films des années 70, avec une image aux tons crémeux et aux couleurs légèrement délavées.

Son : 3.5/5

Le film est proposé uniquement en version originale sous-titrée, en Dolby 5.1. Souvent associé au mumblecore, un sous-genre du cinéma indé se caractérisant par une production fauchée et des personnages qui marmonnent (autant à cause de leur humeur maussade que des difficultés techniques que cela engendre), Alex Ross Perry a néanmoins fait appel à plusieurs techniciens pour obtenir un son de qualité. Écouté au casque, le rendu, sans être parfait, révèle un bon mixage.

Bonus : 2.5/5

Mis à part la bande-annonce de rigueur, le DVD compte un extrait de making-of de 7 minutes montrant la préparation d’une scène en compagnie du réalisateur, le directeur de la photo et les acteurs. Instructif mais un peu court.

Synopsis

Catherine traverse une mauvaise passe. Son amie d’enfance, Virginia, l’emmène dans la maison de campagne de ses parents, nichée au bord d’un lac. Le lieu semble idéal pour se ressourcer, mais l’état de Catherine se dégrade et ne tarde pas à prendre une tournure inquiétante.

Le film

Tourné en deux semaines dans l’ordre chronologique, Queen of Earth est le 4e long-métrage d’Alex Ross Perry. Restant fidèle aux thèmes que l’on retrouve dans le mumblecore, le jeune réalisateur américain de 31 ans puise également dans le cinéma des années 60 à 80 pour nous raconter la descente aux enfers de Catherine (Elisabeth Moss), venue se ressourcer dans la maison de son amie d’enfance Virginia (Katherine Waterston) suite au suicide de son père et sa séparation avec son petit-ami James (Kentucker Audley) et engloutie peu à peu par la dépression. Il y a du Bergman dans la confrontation de ces deux femmes, autant par le sens du cadrage dans certaines scènes que par l’approche minimaliste. La dégradation de l’état psychologique de Catherine, la paranoïa et l’angoisse qui l’assaillent de plus en plus ainsi que la musique menaçante, elles, évoquent davantage le Polanski de Répulsion (1965) ou du Locataire (1976).

Rempli d’une tension sourde, d’une menace qui gronde sans jamais s’abattre, Queen of Earth est dominé par la performance habitée de ses deux actrices principales. Face à l’interprétation tout en retenue de Katherine Waterston, qu’on avait pu apprécier en hippie dans Inherent Vice de Paul Thomas Anderson (2014), Elisabeth Moss (Mad Men, Top of the Lake) oppose un jeu plus démonstratif mais toujours convaincant, empruntant des virages abrupts au détour d’une phrase, passant d’une émotion à l’autre dans un continuel va-et-vient. Le film d’Alex Ross Perry, plutôt que de dresser le simple portrait clinique d’une dépression, ausculte cette amitié abîmée par l’amertume et la jalousie avec une rare acuité.

Glissant des piques aussi tranchantes que la pointe d’une lame affûtée, Katherine Waterston apporte une ambiguïté fondamentale au personnage de Virginia, dont le comportement laisse percer une rancœur tenace à l’encontre de cette amie dont elle admire le talent de peintre, tout en jalousant sa position de fille d’un artiste renommé. Comme la paranoïa de Catherine contamine progressivement chaque plan, chaque scène, Virginia apparaît aussi de manière récurrente comme une menace potentielle, tandis que le réalisateur joue avec nos nerfs au détour d’une réplique de Catherine : sa fragilité psychologique peut-elle la rendre dangereuse ? La musique de Keegan DeWitt joue à amplifier le malaise et accroître la tension, mais Queen of Earth, qui n’est en aucun cas un thriller, ne s’autorisera pas de retournements de situation vus maintes fois, quitte à décevoir les attentes des spectateurs en quête d’émotions fortes, qui pourront se sentir passablement déroutés par ces fausses pistes.

image queen of earth elisabeth moss katherine waterston

Drame psychologique intense et cruel, Queen of Earth porte un regard désabusé sur les relations amoureuses et amicales, fixant avec une rare acuité la détérioration de la relation entre les deux femmes. La réalisation d’Alex Ross Perry, d’une grande maîtrise, instaure une atmosphère pesante, aux silences lourds de sens. Clairement influencé par certains grands maîtres du cinéma, mais ne cédant jamais à la tentation de la citation gratuite, chacun de ses partis pris apparaît mûrement réfléchi, destiné à refléter au mieux le tourment intérieur de son héroïne.

Et puis, au milieu des sous-entendus assassins et des crises de larmes, il y a aussi ces instants suspendus, comme cette scène d’une grande justesse où les deux amies, complices, se confient longuement sur leur vie amoureuse, la caméra s’attardant plusieurs minutes sur le visage en gros plan de l’une, avant de glisser vers l’autre, captant l’incroyable photogénie de ces visages peu maquillés, comme illuminés de l’intérieur par les émotions tout en nuances qu’ils laissent transparaître. C’est dans des scènes comme celles-ci que la puissance de Queen of Earth se révèle, créant un équilibre délicat avec les scènes plus amères qui jalonnent le récit. Film d’actrices, entièrement porté par leur interprétation, entre force brute et subtilité, Queen of Earth déroule lentement sa toile, révélant (pour ceux qui le découvriront avec ce film) un excellent directeur d’acteurs et un réalisateur doué, Alex Ross Perry, nourri par des influences très bien digérées.

Queen of Earth d’Alex Ross Perry, Potemkine Films, DVD, sortie le 19 janvier 2016. 19,90

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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