[Critique] Lefranc T.27 : L’Homme-Oiseau – Roger Seiter et Régric

image l'homme oiseau guy lefrancLefranc repart de plus belle

Et voilà le vint-septième tome des aventures de Guy Lefranc, l’une des séries d’aventures les plus estimées de la bande dessinée européenne. Depuis La grande Menace, son premier album sorti en mai 1952, que de chemin parcouru pour le journaliste français, jamais épargné par les péripéties qui le font voyager autour du monde au cœur de la guerre froide… Depuis quelques tomes, Lefranc a revu le fond de ses histoires, est revenu à certains fondamentaux, notamment en refaisant d’Axel Borg un véritable antagoniste. Alors, comment cela prend forme à l’heure d’aborder une des îles les plus mystérieuses de notre monde ?

L’Homme-Oiseau nous installe en novembre 1959, en plein Pacifique Sud. Un petit cargo, l’Arturo Prat, s’approche de l’île de Pâques. Une équipe de scientifiques constitue la quasi intégralité de l’équipage, afin d’étudier la civilisation des Pascuans. Mais là où Guy Lefranc va, rien ne se passe comme prévu. Embarqué dans le voyage grâce à son amie Julie Lasalle, le journaliste va devoir faire face aux problématiques politiques de l’île. En effet, alors que tout ce joyeux monde accoste le territoire, un cadavre est découvert en mer pendant la manœuvre, ce qui a tendance à instaurer une certaine tension. Pendant ce temps, en orbite, un projet de navette top-secret est pris pour cible par le machiavélique Axel Borg, aux ordres du mystérieux Zhang…

C’est une habitude depuis 2006, Lefranc nous livre une aventure par an, cet Homme-Oiseau de belle tenue est donc le millésime 2016. Un album très typique de ce qui fait la grande force de la bande dessinée d’aventure “à la Jacques Martin” (non pas le présentateur, l’immense auteur). D’un grand sérieux dans la forme, que l’on dira même épuré au maximum afin de laisser vivre le récit avant tout, L’Homme-Oiseau est de ces œuvres qui rafraîchissent grâce à un fait contradictoire : le respect de codes qui ne datent pas d’hier. Roger Seiter, dont nous vous conseillons aussi ses travaux sur les trois tomes des Histoires Extraordinaires d’Edgar Poe, est clairement un choix payant. S’il met un point d’honneur à remercier François Dederen et Bernard Philippe, deux grands spécialistes de l’île de Pâques, c’est pour leur documentation sur ce lieu très fantasmé mais méconnu. C’est dire si le lecteur peut s’attendre à un univers précis, et des petites précisions bienvenues sur ce lieu finalement méconnu.

Un album qui renoue avec les codes du genre aventure

Le récit appliqué de L’Homme-Oiseau, qui s’exprime avec tous les moyens de la bande dessinée (de l’onomatopée au récitatif, en passant par l’idéogramme), est dans la droite lignée des œuvres typiquement “guerre froide”. Par contre, il ne n’est pas bêtement. Notamment, on n’a pas le droit à la figure du “méchant russe” qui avait pris d’assaut, par exemple, le cinéma d’action américain des années 1980 de manière bien lourdingue (et inespérément drôle avec du recul). En fait, ce conflit larvé est surtout une situation, qui profite au grand antagoniste Axel Borg. Celui-ci retrouve de sa superbe après quelques tomes passés à être utilisés un peu à contre-temps, et l’on a plaisir à revenir vers une figure plus énigmatique. Quand aux enjeux de L’Homme-Oiseau, ils sont à la hauteur de ce que le lecteur peut attendre de ce genre de bande dessinée. Avec l’intervention d’un personnage historique qui ne dévoile son identité que sur la fin, dont nous vous laissons le plaisir de la découverte. Pas vraiment de rebondissements cependant, on est dans un scénario qui ne recherche que l’efficacité.

L’autre paire de mains au travail sur L’Homme-Oiseau, Régric confirme d’album en album tout le bien que l’on pense de lui depuis son travail sur Les Voyages de Lefranc. Son trait précis fait merveille, peut-être davantage dans les plans plus ou moins rapprochés que dans les cadres d’ensemble. Particularité : Régric est décidément très intéressant dans son approche des moyens de locomotion. Voitures, motos, bateaux, tous font l’objet d’un soin particulier. Pour finir, ne surtout pas oublier de citer Bruno Wesel qui assure les couleurs de L’Homme-Oiseau avec talent, notamment sur les plans d’ensemble, ce qui ravive la qualité de ceux-ci, un chouïa en retrait si on les compare aux autres.

L’Homme-Oiseau est une aventure de Guy Lefranc solide de bout en bout. Assez bien scénarisé pour être tout à fait recommandé même pour découvrir la série, cet album est l’exemple typique, et de plus en plus rare, d’une bande dessinée qui vous offre l’occasion d’une évasion tout au long de son récit. Certes, ce n’est pas une histoire à retournements de situation ; on ne fait pas partie de celles et ceux qui ne jure plus que par cet effet de style donc cela nous contente amplement. L’Homme-Oiseau, et son héros Guy Lefranc, n’ont pas besoin de ce genre d’artifice pour proposer une bande dessinée de qualité.

Lefranc T.27 : L’Homme-Oiseau, par Roger Seiter et Régric. Aux éditions Casterman, 48 pages, 11.50 euros. Sortie le 13 avril 2016.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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