[Critique] Les Aventures de Tintin : Le Secret de la Licorne – Steven Spielberg

tintin-spielberg-affiche1Une adaptation fidèle à l’esprit d’Hergé

Après de longs mois d’attente, le public français peut à présent découvrir l’adaptation des aventures de Tintin sur grand écran. Admiratrice du petit reporter belge comme de
Spielberg, j’étais partagée entre excitation et appréhension avant de me rendre au cinéma. Les premières photos du film ne m’avaient fait ni chaud ni froid et la bande-annonce,
un peu trop calibrée blockbuster, laissait craindre une certaine surenchère US éloignée de l’esprit de la B.D. d’Hergé. Mais au fond, je me disais bien que
Spielberg n’aurait jamais pu trahir cette œuvre et que la promo visait sans doute plus à attirer le public américain, qui ne connaît pas du tout Tintin, tout en mettant en avant
le côté spectaculaire censé vendre des tickets 3D.

Et en effet, les Tintinophiles n’ont rien à craindre : le ton et l’esprit de la bande-dessinée sont bien présents, les personnages sont réussis, à la fois fidèles à leurs modèles de
papier et très expressifs. Sur les premières photos du film, j’admets que j’avais un avis assez mitigé sur l’aspect de Tintin. Malgré la fidélité aux traits du héros et la volonté de coller
autant que possible au style ligne claire, cela me semblait faux, moins convaincant et attachant que sur papier.

Cependant, ce problème de la ressemblance du héros à son modèle de papier est fort bien amorcé par le cinéaste lui-même qui joue fort intelligemment sur cette question de l’identification du
spectateur européen à un personnage culte qu’il connaît déjà dès la scène d’ouverture du film, au moment de nous révéler son visage – Spielberg aime en général retarder le moment
où le visage du héros est révélé en début de film, mais ici c’est particulièrement approprié. Et, passé un moment, force est de reconnaître que cette incarnation de Tintin campée par
Jamie Bell est des plus convaincantes. Quant au capitaine Haddock, dès son apparition, il s’avère très fidèle à celui de la B.D. et le jeu expressif et subtil d’Andy
Serkis
sied à merveille à son tempérament volcanique.

Tintin à Hollywood : spectaculaire mais cohérent

tintin-spielberg11L’aspect visuel est assez bluffant, entre aspect cartoon et réalisme percutant et la réalisation est, comme toujours chez Spielberg, inventive et
très vivante, d’une fluidité hallucinante pour un film en motion-capture. C’est bien simple : au bout de quelques minutes d’acclimatation, on oublie complètement qu’on regarde un
film en images de synthèses.

Au niveau de l’histoire en elle-même, les admirateurs de la bande-dessinée se rendront vite compte que le film de Spielberg n’est pas une adaptation intégrale du
Secret de la Licorne, mais un mélange entre ce volume, Le Trésor de Rackam le Rouge et Le Crabe aux pinces d’or. D’où
un certain nombre de libertés prises par rapport au matériau d’origine… Si certains pourront le regretter, ce parti pris est plutôt audacieux et permet de condenser trois histoires de manière
ingénieuse tout en conservant l’esprit de l’œuvre d’Hergé.

 

tintin-spielberg41Certes, les scènes d’action ont été boostées pour apparaître dix fois plus spectaculaires et, en ce sens, il s’agit bel et bien d’un film hollywoodien et on peut dire que
Spielberg retrouve là son amour pour le cinéma « d’attraction » aux rebondissements jubilatoires, mais le cinéaste ne se permet jamais de changer la personnalité des
héros ou le fond de l’histoire. Il met parfois l’accent sur des éléments universels de l’intrigue pas forcément privilégiés par Hergé pour parler plus directement au grand public
et, oui, au public américain plus particulièrement, mais il ne fait pas l’erreur de tomber dans le cliché de base.

 

tintin-spielberg81Le seul point un peu manichéen réside dans l’affrontement de Haddock avec le grand méchant. Dans Le Secret de la Licorne, les méchants sont les frères Loiseau, que
Spielberg a préféré supprimer de son adaptation pour les remplacer par un autre personnage qui n’avait absolument pas cet emploi dans la B.D. et qui apparaît beaucoup plus
simpliste  ici. Pour les fans d’Hergé très exigeants, cela devrait être le principal point noir mais, dans l’ensemble, toute l’histoire passe très bien et se suit avec
beaucoup de plaisir.

Tintin et Spielberg : la fusion de deux universtintin-spielberg51

On a beaucoup rapproché Tintin d’Indiana Jones et Spielberg lui-même a toujours été le premier à reconnaître cette filiation et, en ce sens, le côté too
much
parfaitement assumé d’un certain nombre de scènes d’actions (dont celle en tyrolienne, dont tout le monde parle à raison) peut se voir comme une sorte d’hommage et une manière de lier
un peu plus les deux héros dans l’univers du cinéaste. Et, même si j’en vois déjà certains grincer des dents, cela reste constamment en cohérence avec l’univers d’Hergé, bien que
le cinéaste s’évertue à éviter les scènes de rebondissement trop « simples ». Mais il est après tout bien normal que Spielberg tire Tintin vers son univers à lui :
quel aurait été l’intérêt de vouloir coller à 100% au matériau originel (chose tout à fait illusoire, quoi qu’on en dise et vouée à l’échec) ?tintin-spielberg91

 

Ce Tintin et le secret de la licorne est une juste fusion entre l’univers singulier de deux artistes géniaux exerçant leurs talents dans deux domaines différents mais
dont le métier, au fond, est le même : celui de raconter des histoires et de nous faire rêver. Et le film ne fait pas défaut à cet objectif, loin de là, bien que je ne sois pas sûre qu’il
puisse avoir le même impact que les plus grands films de Spielberg. On y retrouve notre âme d’enfant mais, pour ma part, une seule chose me frustre peut-être un tantinet (et il
s’agit là d’un ressenti purement subjectif) : malgré ces deux heures de rires et de jubilation, aucune scène n’a vraiment réussi à égaler l’émotion et l’émerveillement ressenti devant le
générique animé absolument génial du film, qui fait référence aux aventures papier du héros avec invention et finesse. Ce qui ne m’empêchera pas de retourner voir une seconde fois cette
adaptation de Spielberg d’ici quelques semaines et de croiser très fort les doigts pour que le public américain se montre réceptif et rende possible la réalisation du deuxième
volet par Peter Jackson.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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