[Critique] Capitaine Fripouille — Alfred & Olivier Ka

Caractéristiques

  • Auteur : Alfred (scénario, dessin) & Olivier Ka sScénario)
  • Editeur : Delcourt
  • Collection : Les enfants gâtés
  • Date de sortie en librairies : 31 mai 2017
  • Format numérique disponible : Oui
  • Nombre de pages : 26 pages
  • Prix : 14,50€
  • Acheter : Cliquez ici
  • Note : 7/10

Nouvel album de la collection Les enfants gâtés (Le maître des tapis…) de Delcourt Jeunesse, Capitaine Fripouille est une courte bande-dessinée racontant, sur un mode humoristique et fantaisiste, le combat contre la standardisation de la culture. Dans un petit bourg italien imaginaire, un jeune couple dirigeant une librairie indépendante est harcelé par Federico Jabot, un banquier véreux qui possède toute la ville… ou presque. Il ne lui reste plus qu’à acquérir leur librairie afin d’y proposer des ouvrages qu’il aura lui-même édités, afin de contrôler ce que lit le peuple qu’il maîtrise, et faire encore plus de profit. Alors qu’ils sont sur le point de céder, le père de la jeune femme, le Capitaine Fripouille, refait surface, bien décidé à mettre son ancien ami Jabot hors d’état de nuire.

Une fable contre la standardisation de la culture et de la pensée

image planche 4 capitaine fripouille alfred olivier ka delcourt jeunesse
© Delcourt

La BD d’Alfred et Olivier Ka, qui ont déjà réalisé plusieurs albums ensemble — dont Pourquoi j’ai tué Pierre, qui reçut le Prix du public et le Prix essentiel à Angoulême en 2007 — plongée dans un univers intemporel, se base en partie sur un constat assez alarmant et on ne peut plus actuel : la mainmise qu’exercent certaines grandes chaînes sur la vente des produits culturels, avec le risque de tuer les petits commerces et de signer la fin d’une culture hétéroclite. Si les libraires de ces chaînes, par exemple, possèdent parfois une certaine liberté, qui leur permet aussi de mettre en avant des ouvrages ne faisant pas partie des têtes de gondoles, on a tous été confrontés à ce moment gênant où, en nous aventurant entre les rayons de plusieurs boutiques, on trouve les mêmes best-sellers programmés mis en avant. A cela s’ajoute le problème complexe de la vente en ligne à des coûts plus avantageux pour le client — et permettant aussi parfois de trouver des articles, y compris en import, difficilement disponibles en boutique — mais qui se fait parfois au détriment des librairies et commerces indépendants, bien plus fragiles, où les employés, passionnés, se font une joie de nous conseiller et faire découvrir des pépites passant entre les mailles de certains algorithmes.

Si tous ces points précis, Capitaine Fripouille ne les aborde pas puisque l’histoire prend la forme d’une fable, les auteurs parviennent à faire partager leur message avec simplicité et humour. Ainsi, le terrible Jabot a rebaptisé tous les commerces de la ville à son nom, et sa seule obsession est d’avoir le monopole absolu, tandis que le Capitaine Fripouille et sa famille prônent le partage et l’échange, dont tout le monde ressort gagnant. Jabot veut transformer les habitants du village en esclaves consentants, Fripouille veut les libérer, en libérant le savoir et en trouvant un système où personne ne sera laissé pour compte, même s’il possède des centres d’intérêt tout à fait marginaux. Au-delà de la question des grands groupes et des petits commerces, l’intrigue se pose ainsi comme une métaphore plus large de la société, où les grands de ce monde méprisent le petit peuple, tant et si bien qu’ils ne voient pas venir la rébellion de ces petites gens qu’ils pensaient soumis et ignorants.

Une BD jeunesse remplie d’humour et de fantaisie

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© Delcourt

Le tout est réalisé de manière dynamique et très fantaisiste, avec un rebondissement cartoonesque dans la dernière partie que n’aurait pas renié Terry Gilliam. D’ailleurs, le personnage du Capitaine Fripouille n’est pas si éloigné de la version du baron de Mündchausen tel que l’avait mis en scène le cinéaste dans son film des années 80, et ce n’est sans doute pas un hasard : face au cynisme d’un système mortifère, l’imagination folle que libère ce drôle de héros pirate se révèle salvatrice, et la fantaisie dont il fait preuve ravira les enfants de 8 ans et plus. Fâché avec sa fille plus terre-à-terre lorsque le récit commence, le Capitaine s’entend tout de suite à merveille avec sa petite-fille, qui va trouver en lui un modèle de détermination et de courage. Le dessin d’Alfred, à la fantaisie réjouissante, joue sur la dimension caricaturale avec brio, et privilégie de belles couleurs profondes pour les scènes nocturnes. Le résultat est ainsi particulièrement vivant. Le texte, rempli d’humour, permet quant à lui de délivrer le message de l’histoire de manière simple, sans le surligner à outrance.

En tout juste 26 pages, Capitaine Fripouille parvient donc à faire passer, avec fantaisie et humour, son message en faveur d’une culture riche et hétéroclite, ouverte, loin de la standardisation culturelle à tout crins qui nivelle le niveau par le bas, et aboutit à une standardisation de la pensée. Surtout, à travers cette histoire de grand-père justicier pirate, l’album d’Alfred et Olivier Ka stimule l’imagination des enfants et les encourage à faire preuve de curiosité, peu importe si ce à quoi ils s’intéressent fait partie du courant dominant… Une jolie BD en grand format dont on quitte les personnages avec regret.

Article écrit par

Diplômée en Lettres Modernes, Natacha Fleurot rejoint la rédaction de Culturellement Vôtre fin 2015. Spécialisée dans les oeuvres jeunesse, young adult ainsi que la fantasy, elle réalise de nombreux articles dans les rubriques Livres et Cinéma. Passionnée de cuisine, elle teste aussi régulièrement des livres de cuisine et écrit dans la catégorie Food de la rubrique Lifestyle.

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