[Critique] Carbone : une magouille qui tient en haleine

Caractéristiques

  • Réalisateur(s) : Olivier Marchal
  • Avec : Benoît Magimel, Laura Smet, Gringe, Michaël Youn, Gérard Depardieu, Dani, Patrick Catalifo, Moussa Maaskri
  • Distributeur : EuropaCorp Distribution
  • Genre : Thriller
  • Pays : France
  • Durée : 104 minutes
  • Date de sortie : 1er novembre 2017
  • Note du critique : 7/10

Escroquerie, ou captivante réussite ?

image film carbone

Cinquième réalisation pour Olivier Marchal, réalisateur que l’on suit de près depuis son premier film, Gangsters, qui comprenait déjà pas mal de cette matière noire qu’on allait tant adorer par la suite. Carbone était tout de même attendu au tournant, six ans après Les lyonnais, qui s’était injustement fait dézinguer pas une certaine quantité de médias. Et le sujet qui accompagne ce retour en salles, mine de rien, avait de quoi titiller notre curiosité, tant il tranche, à première vue, avec les autres œuvres du metteur en scène. Bon, alors, c’était comment finalement ?

L’histoire de Carbone s’inspire de faits réels : une gigantesque fraude à la taxe, qui aura coûté la bagatelle de 1,6 milliards d’euros en France, et quasiment 10 milliards pour l’ensemble des pays européens. Un fait pas du tout divers (surtout pour le contribuable), qui a défrayé la chronique en 2009, et qui se retrouve au centre de ce film. On suit le cheminement d’Antoine Rocca (Benoît Magimel), patron d’une petite entreprise qui doit faire face à de grandes difficultés financières. Le dépôt de bilan est inéluctable, ce qui provoque le courroux de son beau-père, Aron Goldstein (Gérard Depardieu). Alors que son cas est désespéré, Antoine reçoit une petite somme d’argent, pour avoir été plus qu’en règle avec la législation du carbone. Ce gain va lui donner une idée folle. Avec son avocat (Michaël Youn), il se rend compte qu’une gigantesque escroquerie est possible. Pour la mettre en place, il va falloir de l’argent. Et c’est ici que l’affaire prend un tournant décisif…

Carbone n’est pas une histoire de casse comme une autre. Sans aller jusqu’à la comparer avec celle du Loup de Wall Street (Olivier Marchal n’a pas les mêmes moyens, bien évidemment), il y a dans ce film une substantifique moelle qui s’en rapproche. L’argent est au centre de tout : c’est ce qui met l’entreprise d’Antoine en faillite. C’est ce qui fait exploser son couple, par le biais d’un beau-père monstrueux. Et c’est aussi ce qui sert de rédemption au personnage, voire de modèle de vie pour ses acolytes. La monnaie, oui, mais virtuelle. Tout se joue sur un écran, les sommes sont aussi importantes que celles que l’on obtient dans un jeu vidéo. Le réalisateur ne s’attarde pas sur une critique de ce système, ça ne l’intéresse pas autant que d’autres thèmes développés, mais il est évident que son film est marqué par l’époque, et le rapport finalement très désenchanté qu’on a avec l’argent.

Si Carbone est une réussite, c’est parce que son réalisateur a su redéfinir les contours de son scénario. Quand il arrive sur le projet, d’autres réalisateurs (Emmnuel Naccache, pour être précis) avaient préparé le terrain, travaillé un script. Olivier Marchal a apporté sa patte, on la sent notamment dans la tonalité très noire de l’ensemble. Noire, mais pas totalement désespérée, du moins pendant le laps de temps du récit, car Antoine Rocca, le personnage principal, est traité de manière assez romantique, en fin de compte. Le réalisateur cherche à nous positionner de son côté, parfois avec un peu de maladresse (on n’a rien contre le rap d’Orelsan, mais cette musique ne s’accorde pas idéalement aux images d’une telle œuvre), mais cela fonctionne globalement. On ressent son besoin de prouver, avec les tripes, même si tout va prendre une tournure malheureusement dramatique.

Des thèmes qui fonctionnent, et un casting remarquable

image critique carbone

De Palma est omniprésent dans Carbone. On ne cesse de penser à Scarface tout du long, d’ailleurs le film est cité directement. À la différence de certains rappeurs (encore eux), qui ne comprennent pas grand chose de la moralité de cette histoire, Olivier Marchal en a capté toute l’amertume. Et ça se ressent particulièrement dans la seconde partie de l’œuvre, qui nous fait l’effet d’une pelote de laine que l’on défait, méthodiquement et fatalement. Car si l’idée de la fraude est vertigineuse, tant elle rapporte facilement et rapidement, celle d’emprunter de l’argent à une figure de la pègre, notoirement dangereuse, n’était pas des meilleures pour les personnages. Le spectateur ne peut que suivre la décadence qui s’annonce, avec pas mal de suspens, tant le réalisateur arrive à imprimer un rythme soutenu.

Olivier Marchal apporte une envie de parler des bandits, mais aussi des policiers, protagonistes toujours aussi réussis chez lui. Mais rien n’aurait pu être aussi savoureux sans un casting costaud, et la direction d’acteurs qui va avec, bien entendu. Carbone, c’est une somme de paris, qui paraissaient casse-gueule de notre point de vue. Benoît Magimel ne traverse pas la meilleure période de sa carrière. L’associer à Gérard Depardieu, ça pouvait réveiller les souvenirs (très) douloureux de la série Marseille. Gringe débute. Michaël Youn rame pas mal en temps normal, alors en contre-emploi ? Et Dani, où en était-elle ? Toutes ces questions, et ces craintes, sont assez vite balayées, tant ils sont tous remarquables. Magimel et Youn en particulier, car on est vraiment surpris par la qualité de leur prestation, alors que les autres ont quand même moins à prouver, en ce moment. Citons aussi Moussa Maaskri, qui dégage une énergie, une agressivité contenue, qui impose le respect.

Au final, Carbone s’inscrit parfaitement dans la filmographie d’Olivier Marchal, tout en se trouvant une tonalité qui diffère un peu de ses précédents films. Noire, l’histoire l’est, mais le sujet apporte une sorte de vent de révolte, ce qui équilibre l’ensemble. Certains jugeront que c’est un peu facile, de la part d’un réalisateur, que de démontrer une certaine colère contre, par exemple, le milieu de l’entreprise. Qu’elle soit maitrisée ou non d’ailleurs. Seulement, ce serait oublier (malhonnêtement) que le metteur en scène apporte des contrepoints. On pourra parfois pester contre certaines situations un peu faciles, un scénario qui survole certains éléments, mais globalement on tient là un thriller captivant.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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