[Critique] Nicky Larson et le parfum de Cupidon : Surprise, surprise !

Caractéristiques

  • Réalisateur(s) : Philippe Lacheau
  • Avec : Philippe Lacheau, Elodie Fontan, Julien Arruti, Tarek Boudali, Didier Bourdon, Pamela Anderson, Gérard Jugnot...
  • Distributeur : Sony Pictures Releasing France
  • Genre : Comédie
  • Pays : France
  • Durée : 1h30
  • Date de sortie : 6 février 2019
  • Note du critique : 6/10

Entre hommage franchouillard au Club Dorothée et ode sincère à l’oeuvre d’origine

En voilà une sacrée surprise ! Des mois de bad buzz ne nous avaient pas nécessairement prédisposés à un véritable enthousiasme à l’égard de l’adaptation de City Hunter (Nicky Larson dans le Club Dorothée) par Philippe Lacheau, et pourtant ! Malgré les commentaires assassins suite à la diffusion des bandes-annonces, malgré nos propres craintes à voir un Français s’emparer d’une œuvre japonaise culte, le résultat est là : Nicky Larson et le parfum de Cupidon nous a agréablement surpris et parvient à jouer de la nostalgie pour l’époque du Club Dorothée tout en rendant hommage au manga d’origine !

image nicky larson braque une infirmière nicky larson et le parfum de cupidon
© Sony Pictures France

Ainsi, dès le début, on retrouve de nombreux gags visuels cartoonesques volontairement potaches qui font souvent mouche et que n’aurait pas renié Tsukasa Hojo, le papa de Ryo Saeba (Nicky Larson) et Kaori Makimura (Laura). Il ne faut pas oublier que si le doublage français nous a laissé une image potache mais assez naïve de l’oeuvre (les love hotels de la V.O. étant remplacés par les fameux « restaurants végétariens »), dans sa version non censurée, le célèbre détective privé était souvent plus explicite dans les dialogues, et parfois violent, notamment dans les premiers épisodes de la série et le premier volume du manga. Côté noirceur justement, au début, on est un peu frustrés d’un certain manque de contraste, pourtant fortement présent dans City Hunter, Philippe Lacheau s’intéressant surtout au côté potache de Nicky Larson dans toute la première moitié du film.

image tarek baudali dans le rôle de mammouth nicky larson et la parfum de cupidon
© Sony Pictures France

Cependant, c’est aussi l’occasion pour lui de rendre hommage au Club Dorothée et aux fameuses AB Productions à travers des vannes aussi bêtes qu’excellentes : le ton de l’ensemble fait sitcom, les dialogues sont à l’avenant même quand l’action est un peu plus costaud, les clins d’oeil aux animés et séries s’enchaînent avec un vrai plaisir (on vous laisse les découvrir…), et les acteurs occidentaux sont censés interpréter des personnages japonais (aux prénoms français, comme dans la VF) dans un Tokyo décidément très français, tandis que résonnent les thèmes originaux . On n’est certes pas là devant une comédie new-yorkaise sophistiquée mais, disons-le franchement : l’ensemble est rafraîchissant et souvent enthousiasmant, d’autant plus que Lacheau insère avec à propos des références au manga et à la série qui dépassent le simple fan service.

Un style visuel qui embrasse le style de l’anime et du manga

image nicky larson tire en s'accrochant aux bas de laura nicky larson et le parfum de cupidon
© Sony Pictures France

Ces références passent aussi bien par la mise en scène — de nombreux plans sont de clairs hommages aux cases du manga et à la réalisation de l’anime — que l’intrigue en elle-même, qui reprend différents éléments de l’oeuvre originelle en les transposant au sein d’une intrigue originale. Si la séquence flash-back de la mort du frère de Laura nous a un peu frustrés dans la première partie — elle apparaît bien moins sombre dans le ton et moins « esthétique » que dans l’original — Lacheau fait mouche à chaque fois que sa réalisation s’inspire de l’anime et du style de Hojo. On saluera par exemple la danse entre Laura et Nicky, très élégante et fidèle à l’un des passages culte du manga, ou encore la scène d’action finale avec ses tirs croisés dont la réalisation reprend là encore celle du dessin animé.

On se rend alors compte que, contrairement à nos craintes — et celles de nombreuses personnes qui ont bondi en voyant la première bande-annonce — il ne méprise aucunement le matériau de base, au contraire ! Son Nicky Larson et le parfum de Cupidon respire l’hommage sincère à l’oeuvre de Tsukasa Hojo pour laquelle il entretient visiblement une vraie tendresse, ce qui ne l’empêche pas pour autant de s’approprier l’oeuvre pour y apposer sa patte caractéristique.

Cupidon manque parfois d’entrain…


Alors, bien sûr, tout ne fonctionne pas — ce qui explique que nous ne soyons pas plus généreux dans notre notation finale — à commencer par une assez grande partie des gags liés au parfum de Cupidon. Si l’intrigue de Lacheau est parfaitement dans le ton d’un épisode de Nicky Larson (avec une ingénieuse résolution finale), le comportement des gens infectés par le parfum — qui les rend fous de la personne qui le porte et dont ils s’approchent — n’est souvent pas particulièrement drôle, à quelques exceptions près — comme l’excellente scène du train — et donne lieu à quelques incohérences. Ainsi, Nicky est infecté et tombe « amoureux » d’une personne du même sexe (on vous laisse découvrir qui), mais son obsession est bien plus légère et aléatoire que celle de l’admirateur de Laura, qui colle aux basques du duo durant 1h30.

image pamela anderson dans nicky larson et le parfum de cupidon
© Sony Pictures France

Alors, bien entendu, il fallait que le héros reste un obsédé sexuel envers la gente féminine, mais du coup, on a parfois l’impression que ce choix scénaristique est surtout là pour justifier, en gros, deux scènes comiques — l’une plutôt réussie sans être hilarante, l’autre, sur fond de tube de variété 90’s, tombant à plat. Le passage avec Pamela Anderson est assez bêta sans être vraiment drôle à 1 ou 2 images près, certains dialogues en milieu de métrage de même, et la réalisation, en dehors de ses excellents gags et références visuelles peut parfois (brièvement) paraître un peu brouillonne, même si Lacheau joue aussi volontairement avec ce côté AB Productions, notamment au tout début…

Des contrastes dans l’esprit de l’oeuvre de Tsukasa Hojo

image nicky laura avec une ceinture d'explosifs et leur client nicky larson et le parfum de cupidon
© Sony Pictures France

Il n’en reste pas moins que, malgré ces défauts, le positif l’emporte dans notre expérience globale : les 1h30 passent à une vitesse folle et, juste au moment où l’on pense que Philippe Lacheau se concentrera uniquement sur le côté potache et burlesque de l’oeuvre, il nous surprend en introduisant enfin une certaine noirceur et une vraie émotion entre Nicky et Laura, le temps d’une séquence suspense s’inspirant de la très belle fin du manga, allant jusqu’à jouer sur la même ambiguïté que Tsukasa Hojo lors de la séquence finale. On s’aperçoit alors qu’il y a eu un glissement progressif et que la profondeur des sentiments entre les deux héros, tels que les amateurs de l’anime et du manga la connaissent, est bel et bien présente et retranscrite. L’alchimie entre Lacheau et Elodie Fontan (qui fait une excellente Laura) est bien là et, si le fait que les deux acteurs soient un vrai couple dans la vie aide, on ressent aussi la tendresse du réalisateur pour ces deux personnages cultes.

image philippe lacheau viseur nicky larson et le parfum de cupidon
© Sony Pictures France

Voilà donc un film que tout le monde se préparait à détester, et qui n’a rien du naufrage annoncé ! Philippe Lacheau effectue un bon mix entre hommage franchouillard au Club Dorothée et aux 90’s — y compris avec un petit clin d’oeil aux Inconnus et l’un de leurs sketchs, Didier Bourdon jouant par ailleurs le rôle du client de Nicky et Laura — et hommage sincère au manga d’origine et à l’anime, dont il s’inspire pour sa réalisation et ses gags visuels cartoonesques souvent très bons. L’esprit AB Productions est respecté (on notera même un petit caméo de Dorothée), comme celui de l’oeuvre de Tsukasa Hojo, qui avait d’ailleurs donné une masterclass avec Philippe Lacheau lors du dernier Comic Con français.

Et, lorsqu’un étonnant rebondissement surgit vers la fin, on est agréablement surpris de voir une certaine émotion nous saisir, même si le film n’embrasse pas, sur la longueur, la même noirceur que pouvait receler le manga en dehors de sa dimension cartoonesque potache. Quoi qu’il en soit, les fans peuvent dormir tranquilles : Nicky Larson et le parfum de Cupidon est une adaptation aussi libre que sincère à City Hunter. Quant à ceux qui étaient soit trop jeunes soit trop vieux pour adhérer à l’anime du temps du Club Dorothée, ils découvriront une comédie certes imparfaite, mais cohérente et souvent inspirée.

A lire pour aller plus loin : Nicky Larson : Souvenirs, souvenirs ! ; City Hunter (manga) : critique du volume 1, volume 2 et volume 32 (le dernier).

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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