[Critique] Stardust le mystère de l’étoile – Matthew Vaughn

Caractéristiques

  • Réalisateur(s) : Matthew Vaughn
  • Avec : Claire Danes, Michelle Pfeiffer, Robert DeNiro, Ben Barnes, Ian McKellen...
  • Distributeur : Paramount Pictures France
  • Genre : Fantasy, Conte
  • Pays : Royaume-Uni, Etats-Unis
  • Durée : 127 minutes
  • Date de sortie : 24 octobre 2007
  • Note du critique : 7/10

Neil Gaiman, un conteur moderne aux nombreux talents

Après avoir vu Coraline, le film de Henry Selick d’après le roman de Neil Gaiman, j’en ai profité pour enfin voir Stardust, autre adaptation de l’auteur de fantasy. Connu et reconnu dans le domaine grâce à la série de comics Sandman dont il est le créateur, puis pour ses nombreux romans mêlant fantastique, mythologie et réflexion politique, dans une certaine mesure (son roman American Gods sur les dieux des mythes anciens
qui affrontent les mythes de notre société de consommation), Gaiman est devenu une icône de la pop culture et un auteur très respecté dont les œuvres sont de plus en plus adaptées sur petit et grand écran: actuellement, pas moins de six projets de films d’après ses livres sont en développement.

Prolixe et éclectique, il sait aussi écrire des histoires plus légères et de très bons livres pour enfants de tous âges, ne se cantonnant ni à un seul domaine ni à un ton unique. J’ai d’abord découvert cet auteur singulier par le biais de la chanteuse et pianiste américaine Tori Amos, dont vous avez sans doute remarqué que je parle beaucoup sur ce blog.Les deux artistes se sont rencontrés vers 1991, peu de temps avant que Amos ne perce dans l’industrie musicale. Rantz Hoseley, ami de la chanteuse et passionné de comics, avait en effet été voir l’auteur de Sandman lors d’une séance de dédicace pour lui remettre une cassette comportant une première version du premier album de la jeune femme, sur laquelle figurait la chanson « Tear in Your Hand » où elle fait référence à Neil et au Dream King (le héros de Sandman).Devenus amis, ils s’amusent depuis à se faire mutuellement référence dans leurs oeuvres respectives et Gaiman a écrit de nombreuses préfaces et mini-nouvelles dans les programmes de tournées de la chanteuse ou encore pour le 1er livre de comics inspiré de ses chansons, Comic Book Tattoo, paru en 2008. Ils partagent tous deux un intérêt pour l’histoire et surtout la religion (dans une visée anthropologique) et les mythologies des différentes cultures. La manière dont ces différents mythes sont présents dans notre civilisation et ont modelé notre système de pensée (ce qui implique également que certains aient pu être instrumentalisés par le pouvoir) est une problématique qui les intéressent tous deux et qui est centrale chez Tori Amos. « Une culture qui ignore ses mythes est impuissante » disait le célèbre anthropologue américain Joseph Campbell, maintes fois cité par Amos et dont les ouvrages, tels que Le héros aux mille visages ont entre autres inspiré George Lucas dans la création de sa saga Star Wars. Je développerai plus en détail les parallèles entre l’oeuvre de Neil Gaiman et celle de Tori Amos dans un article prochainement.

Une vision des contes originale

Stardust: une histoire de conte de fées à priori classique mais avec une vision singulière et remplie d'humour

Revenons à Stardust. Paru en 1999, le roman est une pure histoire de fantasy mêlant un jeune mortel aux personnages d’un monde parallèle fantastique: sorcières, étoiles filantes, pirates volants, princes attirés par le pouvoir… Désireux de séduire une jeune et belle villageoise qui se joue de ses sentiments, le naïf Tristan franchit le Mur interdit qui sépare son petit village anglais du royaume de Stormhold afin de ramener à sa bien-aimée une étoile tombée du ciel en gage d’amour. Mais l’étoile s’avère être une jolie jeune fille convoitée par trois
sorcières en quête de jeunesse éternelle et de frères ennemis se battant pour prendre la succession de leur défunt père au trône. Une histoire qui réunit donc tous les ingrédients des contes, mais avec une belle inventivité et beaucoup d’humour. Je n’ai pas encore lu le roman, mais le film (dont Neil Gaiman est producteur exécutif) semble être manifestement dans le même esprit que celui-ci et est une excellente surprise pleine de panache et d’humour parmi l’abondance de films du genre, qui ne s’embêtent souvent pas beaucoup pour tenter d’ attirer le public
en masse dans les salles.

Michelle Pfeiffer et Robert DeNiro dans des rôles jouissifs

Michelle Pfeiffer en redoutable sorcière en quête de jeunesse éternelle dans Stardust, le mystère de l'étoile
L’histoire, nous l’avons vu, est assez traditionnelle dans l’univers de la fantasy lorsqu’on la résume dans ses grandes lignes mais ce qui fait l’originalité du film (qui vient donc manifestement du roman) est la vision originale et décalée, pleine d’humour qui est appliquée à cet univers. Certaines personnes ayant lu le livre ont regretté que le film ait enlevé les zones d’ombre présentes dans celui-ci pour qu’il puisse être accessible à tous. Comme je n’ai pas lu le roman, je ne pourrai pas trop me prononcer sur la question mais en tout cas, si le film reste en effet léger, il n’est en aucun cas superficiel et les nombreux sous-entendus sexuels, peu politiquement corrects, raviront les adultes. Dans une bonne partie des films grand public américains, l’humour est trop souvent plat, conventionnel ou pipi-caca or, ici, le sens de l’absurde et du décalage est assumé brillamment sans trop en rajouter et fait des merveilles, rendant inventifs et jouissifs certains passages qui, réalisés par d’autres, auraient pu s’avérer du dernier cliché. Le film ne se prend pas au sérieux et cela fait plaisir à voir dans un genre qui aurait parfois tendance à ressasser ses histoires de manière prise de tête pour au final pas grand chose.

Les personnages sont en outre farfelus et interprétés avec un plaisir manifeste par de très bons acteurs. La seule présence de Michelle Pfeiffer dans le rôle d’une démoniaque sorcière, vingt ans après Les sorcières d’Eastweek et de Robert De Niro dans le rôle d’un pirate d’infâme renommée qui cache une âme d’homosexuel sensible vaut le détour, bien que ce  ne soit la seule qualité du film, loin de là. Mais Pfeiffer trouve ici son meilleur rôle depuis bien longtemps et il faut voir De Niro (dont le personnage est, il faut préciser, éloigné de celui de Johnny Depp dans la saga Pirates des Caraïbes) vêtu d’un costume à plumes roses se pavaner sur un air de cancan avec des moues et des gestes à mourir de rire. L’acteur, qui a l’air de s’ennuyer depuis de nombreuses années sur le grand écran où on lui demande de singer mécaniquement des rôles qu’il a déjà tenus maintes fois prend manifestement son pied dans le rôle du capitaine Shakespeare (!) et sa présence bien que finalement assez réduite sur les
2h10 du film, fait partie de ses grands moments.

Une belle réussite qui se démarque des films du genre

Le rythme ne fait jamais défaut au film et on reste scotchés du début à la fin. Le film est par ailleurs bien construit alors qu’il aurait été facile, avec une telle abondance de personnages et de moments fun, d’aboutir à un gros merdier informe se contentant d’aligner les séquences avec des personnages secondaires farfelus, le tout parsemé de vannes. Point de tout cela ici: la structure de l’histoire, ainsi que ses tenants et aboutissants sont sommes toutes assez classiques, comme nous l’avons relevé mais c’est justement cela qui fait que le tout se tient. Avançant sur
des bases solides, le film incorpore ses éléments singuliers et absurdes au sein même de son histoire sans avoir besoin de bifurquer ou de faire des pauses dans l’action, de type: le héros poursuit sa quête quand, tout à coup, il se sent fatigué et s’arrête à tel endroit où il va rencontrer telle créature et où il va vivre telle chose sans que cela ait la moindre conséquence dans le reste de l’histoire ou pour lui-même. Un peu comme les personnages des petits animaux tout mignons dans les dessins Disney qui n’interviennent que très peu dans l’action même
mais sont là pour divertir les plus petits.

Stardust est donc un film de fantasy très réussi et jouissif qui vient à nous faire regretter la frilosité (pour ne pas dire le cynisme) des productions actuelles depuis qu’un petit sorcier tiré d’une très bonne saga littéraire a commencé à faire des ravages sur les écrans. Parmi tous ces clones ultra marketés, le film de Vaughn, qui ne se prend pas au sérieux tout en possédant de nombreuses qualités absentes des films merveilleux destinés à la jeunesse, fait figure d’agréable exception.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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