[Test] Contra Rogue Corps : courageux mais approximatif

Un Twin stick shooter clivant

image test contra rogue corps
Les combats de boss restent de bons moments, assez difficiles.

Après avoir ravivé la flamme avec Contra Anniversary Collection, Konami enfonce le clou en lançant Contra : Rogue Corps, développé par Toylogic. Et si les premiers retours, après de courtes prises en mains, n’étaient pas folichonnes, on peut tout de même écrire qu’on attendait avec curiosité ce nouvel opus. Tout d’abord parce qu’il s’agit d’une licence culte : celle qui a donné ses lettres de noblesse au Run and gun, et ce dès ses débuts. Ah, ce fameux tir en diagonale qui changeait tout, ces différentes phases de gameplay qui rythmaient un cheminement d’une difficulté redoutable… On était en 1987, et Konami débutait son apogée. Bien des années plus tard, alors que l’éditeur a plus ou moins déserté l’industrie (non sans se rappeler à notre bon souvenir avec le PES annuel), Contra : Rogue Corps fait figure d’invité surprise.

Un invité qui a la bonne idée de ne pas arriver à la fête les mains vides. Oui, on était très enjoué par le fait que Nobuya Nakazato soit placé à la tête du projet. Ce nom n’est pas inconnu par les fans de la licence, car il figurait à a signature de Contra : Hard Corps, mais surtout de Contra 3 (que l’on a connu en Europe sous le titre de Super Probotector)  On pouvait donc penser que Contra : Rogue Corps se trouvait dans de bonnes et solides mains, de celles qui savent respecter le socle d’une série. En 2019, alors que le phénomène rétrogaming est toujours aussi fort, on s’attendait à une itération calquant les premiers épisodes. Il n’en est rien et, dans l’esprit, c’est très courageux. On aurait pu se retrouver avec un titre à scrolling horizontal, en 2D. Mais le soft opte pour de la 3D en vue changeante, principalement du dessus. Ce choix est évidemment tout sauf anodin, car il implique des sensations qui, de notre point de vue, ne peuvent se rapprocher de ce qui se faisait à la fin des années 1980. De l’audace donc, mais cela ne suffit pas.

Précisons d’emblée que Contra : Rogue Corps n’est pas, à nos yeux, la catastrophe annoncée. On y a trouvé quelques qualités, et ce même si certaines restent clivantes Tout d’abord, l’enrobage scénaristique. Oui c’est très anecdotique, grossier et superficiel, mais on est dans la droite lignée de ce que sait faire la licence. D’ailleurs, les fans de Contra 3 comprendront vite qu’on se trouve dans une suite presque directe, avec une action qui se déroule en pleine Cité Damnée, quelques années après la guerre contre les extraterrestres. La principale nouveauté est la possibilité de choisir son avatar, car c’est un groupe paramilitaire complètement (trop ?) farfelu qui va devoir sauver le monde. Ces cinglés sont au nombre de quatre : Kaiser, Miss Harakiri, GB (Grosse Bête) et Gentleman. Ils n’embarquent aucun background, mais apportent leur pierre à l’édifice du gameplay. C’est une bonne idée, car chacun propose ses spécificités en terme d’armement et de capacité spéciale. Par exemple, le Gentleman peut créer un trou noir afin de vider une bonne partie de l’écran.

Le Diable se cache dans les détails…

image gameplay contra rogue corps
La direction artistique ne nous a pas convaincus.

Ce qui fonctionne aussi, c’est l’impression de défourailler de l’extraterrestre belliqueux par dizaines : on ressent toute la puissance de l’avatar. De plus, Contra : Rogue Corps diversifie ses angles de caméra, comme pour rendre hommage à ce qui se faisait dans les premiers opus de la série. On peut aussi y voir un peu de NieR Automata, dans ces transitions de vues, mais sans en atteindre le génie. Les tirs, les sauts (les saltos font eux aussi référence aux anciens softs), l’achat de nouvelles armes, tout ça est une bonne chose dans l’esprit. Mais de bien regrettables maladresses viennent noircir le tableau. Tout d’abord, le manque de folie dans le level design nous a sauté aux yeux. La direction artistique joue à fond la carte du délire, pourquoi ne pas l’avoir accompagnée de niveaux complètement barjots ? En l’occurrence, ils sont plats et accumulent les arènes sans trop se fouler. Ajoutons la mauvaise idée de recycler ses parcours : on se retrouve avec des calques qui ne diffèrent que par les ennemis proposés. Argh. Heureusement, les patterns des vilains s’avèrent plutôt intéressantes, et mettent bien en valeur l’aspect bourrin d’un jeu qui, au final, se rapproche plus du Twin stick shooter que du Run and Gun. Cela se fait criant contre les phases de boss, ces derniers représentants d’ailleurs un challenge plutôt fun.

Contra : Rogue Corps n’est pas une daube, son game design reste clair et efficace sur le papier. Mais le Diable se cache dans les détails. Par exemple, on ne comprend pas ce choix d’avoir imposé une jauge de surchauffe. : cela va à l’encontre même du caractère bourrin du titre. Aussi, les menus forment un exemple parfait d’une ergonomie aux fraises. On a mis du temps à en comprendre les rouages, à nous retrouver dans ces sous-menus brouillons, ces informations en surplus. La simplicité est la sophistication suprême, et les développeurs auraient dû s’en rendre compte. Enfin, sachez que le jeu en coopération est possible mais étrange. Outre le fait que les serveurs sont malheureusement un peu déserts, la progression part d’une idée incertaine : faire cohabiter le solo et le multi. Ainsi, vous ne pourrez pas aller bien loin avec vos potes si vous n’avez pas, au préalable, bien avancé la campagne solo. Enfin, la durée de vie se révèle plus solide qu’espéré : huit heures pour terminer au plus vite l’histoire, mais deux à trois fois plus si vous désirez tout voir.

Venons-en à l’aspect visuel. Techniquement, Contra : Rogue Corps n’est clairement pas un foudre de guerre. C’est plutôt fluide, mais les textures font parfois très vieillottes. Les mouvements de caméra, si ils sont une bonne idée, s’avèrent trop brusques. Aussi, les animations font parfois peine à voir. Et la direction artistique est clivante au possible. On ne joue jamais à un Contra pour son bon goût formel, mais l’hommage à la bonne grosse série B doit tout de même atteindre un certain niveau qualitatif. Là, on a l’impression que les artistes en font parfois beaucoup trop (le character design…), et d’autre fois pas assez (les environnements). Par contre, les quelques cutscenes font office de belle respiration stylistique, tout en dessin à forte personnalité. Quant à la bande originale, elle figure parmi les réussites. On en a apprécié l’ampleur (plus d’une quinzaine de thèmes tout de même) et l’énergie. Par contre, le mixage audio reste inégal.

Note : 10/20

Contra : Rogue Corps peut au moins compter sur le courage de son game design, qui en fait un opus à part. On se tourne plus vers le Twin stick shooter que vers le Run and gun, mais on garde tout de même l’impression de puissance. Au rayon des qualités, on soulignera aussi la présence de quatre personnages, lesquels apportent des sensations et des attaques différentes. La durée de vie solide, la volonté de multiplier les angles de caméra, et la bande originale font aussi que ce soft ne prend pas totalement l’eau. Par contre, le résultat est techniquement douteux, l’ergonomie des menus est totalement à revoir. Le level design, lui, réussit le tour de force de marier platitude et recyclage. Alors certes, ce n’est pas la daube décrite dans les premiers retours, mais ce n’est pas non plus aussi fameux qu’on l’espérait.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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