Caractéristiques
- Titre : C'est Pas Mon Jour !
- Titre original : Thursday
- Réalisateur(s) : Skip Woods
- Avec : Thomas Jane, Aaron Eckhart, Paulina Porizkova, Mickey Rourke
- Distributeur : Universal Pictures France
- Genre : Action, Policier, Thriller
- Pays : Etats-Unis
- Durée : 90 minutes
- Date de sortie : 11 Aout 1999
- Note du critique : 6/10 par 1 critique
Dans ce Ciné-Club, nous allons aborder un film qui, une fois n’est pas coutume, a tout pour effrayer le spectateur averti. Imaginez, aujourd’hui l’on va se frotter au seul et unique film de Skip Woods. Oui, Skip Woods. Ce nom ne vous dit rien ? Il n’éveille pas en vous le frisson de la honte, voire l’énervement le plus total ? Si je vous dis que le bonhomme, avant d’être un fugace réalisateur, est un scénariste ? Et si je continue en précisant qu’il est responsable des scripts de certaines œuvres parmi les plus embarrassantes ? Allez, allons droit au but, et balançons les titres. Skip Woods, c’est la plume au service de : X-Men Origins Wolverine (ouch), L’Agence Tous Risques (oulala), A Good Day to Die Hard (bon sang !), Sabotage (ouille ouille ouille). Mais ce n’est pas tout, car le scénariste est aussi derrière les deux adaptations cinéma de Hitman, enfin surtout l’épouvantable première version, la deuxième fut un travail à six mains. Pour être tout à fait juste, Skip Woods c’est aussi l’écriture d’Opération Espadon, bon petit thriller loin d’être aussi catastrophique que le reste de la filmographie du bonhomme. Vous en conviendrez, ça ne donne pas vraiment envie de s’intéresser à « C’est Pas Mon Jour !« , obscur thriller de la fin des années 90. Et pourtant, on est là devant une œuvre qui peut éveiller la curiosité du cinéphile.
« C’est Pas Mon Jour !« , c’est l’histoire de Casey Wells (Thomas Jane), un homme apparemment bien sous tous rapports, architecte et marié à une belle mais très carriériste femme (Paula Marshall) avec qui il voudrait adopter un enfant. Pas le couple le plus parfait, loin de là, mais ils coulent des jours calmes et agréables. Enfin ça, c’était avant que le passé plus que tumultueux de Casey ne ressurgisse, sous les traits de Nick (Aaron Eckhart), son ami d’enfance mais aussi gangster du genre violent. Réapparu à l’improviste, alors que la femme de Casey s’est envolée pour un voyage d’affaire pour la journée, Nick pose ses sacs et engage la discussion cordialement. Pris par un imprévu, l’ami d’enfance s’absente, ce qui laisse tout le temps à Casey de vérifier ce que son pote peut bien transporter. La réponse va rendre fou de rage notre homme rangé des voitures : de la cocaïne, et pas qu’un peu. Ni une, ni deux, la drogue finit au fond de l’évier, et c’est alors que toute une galerie de personnages pas vraiment cordiaux va se présenter au domicile de Casey, sans savoir que ce dernier n’est pas aussi lisse qu’il n’y paraît…
« C’est Pas Mon Jour ! » débute pied au plancher, avec une séquence exemplaire dans son exposition des forces en présence. On est plongé au milieu d’une situation étrange, que l’on sent explosive sans, non plus trop savoir pourquoi. Nick, interprété par un Aaron Eckhart bien éloigné de l’étrange image lisse qu’on a pu lui associer par la suite, mène un trio complété par Dallas (Paulina Porizkova) et Billy Hill (James LeGros). L’action se passe dans une station service, dans le magasin de l’aire de repos. Un dialogue s’instaure avec la caissière, et très rapidement la tension monte, pour une histoire de café en promotion mais sous certaines conditions. Mais avant que tout ne dégénère, Skip Woods a le temps de démontrer un talent qu’on ne lui reconnaîtra plus vraiment par la suite : la force de ses dialogues. Très tarantinesque, par sa propension à laisser ses personnages digresser, « C’est Pas Mon Jour ! » provoque des sentiments contraires, car l’ambiance n’est pas non plus à l’attitude cool, loin de là. Surtout quand la cervelle de la pauvre caissière se retrouve exposée à terre, et qu’un policier intervient pour payer son essence…
« C’est Pas Mon Jour ! » n’y va pas avec le dos de la cuillère pour mériter son intitulé, tout en trouvant un équilibre salutaire. Après cette entrée en matière qui pose d’emblée les antagonistes et le ton de l’œuvre, il faut présenter Casey, celui qui va pousser l’exclamation du titre. Le personnage est cet archétype de l’homme au lourd passé, caché à sa femme maintenant qu’il est rangé. Évidemment, il ne faut qu’un grain de sable pour faire dérailler la mécanique finalement peu huilée de ce couple pas vraiment parfait. Alors que Christine, sa femme, est en voyage d’affaire, Casey s’apprête à passer une journée typique d’architecte : maison, travail, mais en plus de ça la réception d’un assistant social, chargé de vérifier si le couple est apte à l’adoption. Une journée tranquille, jusqu’au débarquement impromptu de Nick, qui débarrasse presque aussitôt le plancher. Le récit, jusqu’ici purement fun, gagne une problématique via un élément déclencheur : Casey découvre ce qui traîne dans les bagages de son ancien associé : quelques kilos de drogue. Le truc, c’est que d’autres loubards sont au courant de l’existence de ce paquet, et vont bien vite se présenter au domicile du désormais architecte.
« C’est Pas Mon Jour ! » va se dire Casey, mais aussi le spectateur de cette descente aux enfers très bien rythmée. Notre véritable anti-héros va devoir se tirer de bien des situations dangereuses, mais toujours dans cette ambiance à la limite du cool, cette fois-ci imprimées par les réactions de Casey. Personnage classique de la figure à fort potentiel caché, il aborde les épreuves non sans un humour très, très noir, ce qui désamorce quelques séquences pourtant émotionnellement fortes. L’on pense notamment au viol qu’il subit, de la part de la chaudasse Dallas. Une scène bourrée de tension, et qui justifie à elle seule l’interdiction aux moins de 16 ans. Mais la suite n’est pas plus sage, le tout donnant l’impression d’une sorte d’auberge espagnole du crime. Les cinéphiles penseront à Everly, super film d’action aussi décérébré que sous-estimé, avec une Salma Hayek over the top qui doit se débarrasser, dans son appartement, de plusieurs personnages pour autant de problématiques. « C’est Pas Mon Jour ! » va moins loin dans le délire, tente de trouver l’équilibre, du moins jusqu’à un certain point.
« C’est Pas Mon Jour ! » pèche par envie de bien faire. Pire, il perd le fil dans une séquence pourtant très intéressante en terme de mise en scène. Sans trop spoiler, un massacre, auquel a participé Casey, est évoqué dans un flashback, mais de deux manières différentes : par la bimbo psychohttp://culturellementvotre.fr/wp-admin/post.php?post=6020&action=editpathe Dallas, et par le personnage principal lui-même. Deux points de vue, dictés par deux personnalités totalement différentes, qui ont une influence directe sur le rendu de la scène. Massacre très bling bling dans la version de Dallas, la séquence devient glauque avec Casey, qui démystifie en fait le cinéma d’action en remettant certaines choses en ordre. La violence exaltée, romancée, cache en fait toute l’atmosphère sordide d’une telle scène. Si tout ça est très surprenant, séduisant, l’intérêt pour l’intrigue est moins évident. On sent que ça fait un peu remplissage, et c’est dommage.
D’ailleurs, les derniers instants de « C’est Pas Mon Jour ! » sont clairement en retrait, et même l’apparition de Mickey Rourke ne renverse pas vraiment la vapeur. Malheureusement, Skip Woods n’arrive pas à bien finir ses scénarios, les spectateurs qui auront récemment supporté Agent 47 en savent quelque chose. C’est un vrai regret, car sans cette approximation finale, qui confine au je-m’en-foutisme, l’œuvre n’aurait peut-être pas été injustement le petit film vidéo qu’il est devenu. Clairement oublié, et passé un peu inaperçu lors de sa sortie, « C’est Pas Mon Jour ! » mérite pourtant d’être exhumé. Vous découvrirez, alors, un thriller plein d’un humour noir bien senti, et de situations pour le moins tendues.