Caractéristiques
- Titre : Chala : une enfance cubaine
- Titre original : Conducta
- Réalisateur(s) : Ernesto Daranas
- Avec : Armando Valdes Freire, Alina Rodriguez, Yuliet Cruz, Miriel Cejas
- Distributeur : Bodega Films
- Genre : Comédie dramatique
- Pays : Cuba
- Durée : 108 minutes
- Date de sortie : 23 Mars 2016
- Note du critique : 7/10 par 1 critique
Fréquemment, le cinéma sud-américain vient nous faire une petite piqûre de rappel, histoire que les occidentaux n’oublient pas à quel point ce continent est aussi un acteur du septième art. Sans doute moins entendus, moins sous les feux des projecteurs, quelques très bons films proviennent de ces pays, l’on pense à Manos Sucias par exemple. Les distributeurs courageux tentent des choses, et c’est à souligner tant ils font le boulot. Cette fois-ci, c’est Bodega Films qui se lance avec un Chala venu tout droit de Cuba.
Chala (Armando Valdes Freire), un enfant cubain plus que débrouillard, est livré à lui-même alors que sa mère, Sonia (Yuliet Cruz) mène une vie quelque peu dissolue. Pire, Chala doit même prendre soin d’elle, alors que celle-ci ne lui témoigne aucun véritable intérêt, et se contente de rentrer à la maison ivre morte après avoir passé la nuit dehors. L’enfant a, dès lors, la responsabilité de rapporter de l’argent, ce qu’il réussit à faire en élevant des chiens de combat, une activité très loin d’être idéale pour un garçon de son âge. Bref, Chala a tout pour devenir un voyou de la pire espèce mais, heureusement, il est la preuve qu’un bon encadrement, familial ou en l’occurrence scolaire, peut modifier n’importe quel destin. Carmela (Alina Rodriguez), son institutrice, se charge de lui comme de son propre enfant, avec des méthodes qui tranchent avec celles, déshumanisées, actuellement en vogue.
Un destin pas du tout tracé
On le voit, l’histoire de Chala n’a rien à voir avec les habituels « films de favelas ». Ici, pas de description du crime organisé qui confine parfois à l’apologie, mais une œuvre à messages, qui envoie au spectateur non pas le fantasme d’une Cuba version gangsta, mais un constat finalement très proche de celui qu’on peut tirer en occident. En effet, Chala a tout pour devenir l’un de ces enfants perdus que nous avons tous vus, que ce soit dans des vidéos ultra violentes issues de programmes télévisés à sensations (les bidonvilles malfamés de Rio, etc), ou dans des films racoleurs sur le sujet. La mère absente, l’absence d’un père et, pire, le doute sur son identité, qui grandit quand l’enfant découvre qu’il pourrait être Ignacio (Armando Miguel Gomez), qui n’est autre que le propriétaire des chiens de combat… En fait, le spectateur ne peut s’empêcher de penser, alors que Chala ne fait pourtant que débuter : « lui, il est mal barré ». Heureusement, une bonne dose d’éducation bienveillante prouve le contraire.
Car si Chala ne peut se reposer sur sa mère, dont on ne sera jamais ce qu’elle fabrique vraiment hors de chez elle, mais que l’on peut aisément deviner, il peut compter sur Carmela, une institutrice pratiquant une méthode d’enseignement stricte mais juste. Le film ne s’éternise absolument pas sur la condition du jeune Chala mais préfère nous démontrer, avec la justesse qu’ont ces œuvres inspirées du réel, à quel point l’éducation est primordiale, et qu’importe par qui elle est administrée (même s’il est évident qu’il est préférable que ce soit par la famille dite directe) tant qu’elle porte ses fruits. L’emprise qu’a cette femme sur sa classe fait plaisir à voir, alors que nous vivons une époque de l’irrespect dans une grande partie de notre système scolaire. Et croyez-vous que Carmela y arrive en pratiquant des méthodes dures, ou violentes ? Non, tout en se faisant respecter, cette magnifique vieille femme marquée par la vie (l’actrice Alina Rodriguez est malheureusement décédée depuis) gagne la confiance de Chala, et des autres, grâce à une méthode respectueuse, des élèves mais aussi de leur culture.
L’éducation salvatrice
D’ailleurs, Chala n’est jamais autant en danger que quand Carmela doit s’arrêter quelques temps, pour prendre du repos, alors que l’heure de la retraite a sonné. Elle est, alors, remplacée par la jeune Maria (Miriel Cejas), qui porte en elle une partie du problème dans le milieu enseignant actuel. Pas vraiment à l’écoute, appliquant sans la moindre remise en question des ordres parfois totalement incongrus, le tout bien aidé par une hiérarchie tout aussi inhumaine. Chala, balancé un coup chez lui, un coup en foyer, de retrouve coincé non seulement par sa condition sociale, mais aussi par un appareil d’État à côté de la plaque, engoncé qu’il est dans des valeurs finalement très « vieux jeu » sous son apparence progressiste. Toute ressemblance avec la situation française serait fortuite. Chala démontre parfaitement que la jeunesse à problèmes existe, mais qu’elle doit absolument être traitée avec intelligence, fermeté et amour.
Au final, Chala se révèle être un film tout à fait sympathique, au fondamental très juste. Typiquement le genre d’œuvre à projeter dans les écoles, dans l’intérêt des enfants et, plus particulièrement, des enseignants (ndlr : qui font ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont, précisons le). Si l’aspect formel est moins abouti, le manque de moyens se voit notamment dans la photographie et une certaine prudence dans la grammaire visuelle, le film n’en reste pas moins touchant, très bien interprété et même émouvant grâce à ce personnage haut en couleurs qu’est Carmela. À découvrir sans hésiter.