[Critique] The Wave : le film catastrophe de l’été ?

Caractéristiques

  • Titre : The Wave
  • Titre original : Bølgen
  • Réalisateur(s) : Roar Uthaug
  • Avec : Kristoffer Joner, Ane Dahl Torp, Thomas Bo Larsen
  • Distributeur : Panorama Films
  • Genre : Action, Drame
  • Pays : Norvège
  • Durée : 110 minutes
  • Date de sortie : 27 juillet 2016
  • Note du critique : 7/10

« Aaaah, mais c’est le réalisateur de ce film que j’avais bien aimé !« . C’est toujours bon de recroiser le parcours d’un réalisateur dont on avait apprécié une œuvre sans pour autant avoir suivi sa carrière de près. Roar Uthaug est incontestablement de ceux-là, lui qui avait su nous surprendre de par la qualité de son Cold Prey, un slasher norvégien qui ne révolutionnait pas le genre mais baigné d’une ambiance à faire frémir un croquemitaine. Véritable esthète, celui dont le prénom rappelle un rugissement a tout pour conquérir d’autres horizons, et s’installer parmi les metteurs en scène à surveiller. Dès lors ce The Wave est doublement intéressant : il constitue une curiosité, un film catastrophe norvégien on n’en voit pas tous les jours, mais aussi un tournant dans une carrière qui ne demande qu’a prendre encore plus d’ampleur.

The Wave nous rapproche du destin de Kristian Eikfjord, un géologue basé dans la petite ville de Geiranger, qu’il est entrain de quitter avec sa famille pour un emploi à la capitale. Seulement voilà, tout le monde sait que la bourgade vivra, un jour prochain, une catastrophe phénoménale : l’effondrement d’une montagne surplombant le fjord au bord duquel s’étend Geiranger. Le risque ? Un tsunami titanesque dont l’impact emportera la petite ville en quelques minutes, ne laissant derrière lui que le chaos. Alors que les cartons de Kristian sont déjà fait, il remarque quelques soubresauts géologiques. L’équipe scientifique tente de se rassurer, mais il est évident que le désastre s’est enclenché…

image film the wave

C’est dans les vieux pots…

Le film catastrophe est l’un des styles les plus balisés, codifiés, que l’on puisse imaginer. Et comme Roar Uthaug nous a déjà prouvé sa faculté à faire du très bon dans de vieux pots, on ne peut que comprendre son envie d’aborder ce genre. The Wave construit une intrigue d’un classicisme que l’on qualifiera de sérieux, voire d’obsessionnel, et le moins que l’on puisse écrire est que cela fonctionne du tonnerre. La problématique de son œuvre est tout de suite captée par les spectateurs, on ne se perd ni en fichus détails, ni (et surtout pas) dans une envie d’apporter un regard moderne sur ce genre, ce qui se traduit dans la quasi-totalité des cas par un recours au cynisme proprement navrant. Ici, il n’en est rien et cette volonté d’inscrire The Wave avant tout dans les films soucieux de divertir est une intention que l’on accueille à bras ouvert. Roar Uthaug, en véritable amateur de cinéma, et non en réalisateur-attention-whoresque, prend ainsi le risque de s’entendre dire que son effort est « classique », adjectif souvent prononcé en bouche cul-de-poule, sans véritable recul sur sa définition.

Seulement voilà, de classique The Wave n’en a que l’utilisation des codes, et derrière se cache une œuvre qui mérite toute notre attention. Outre la montée en puissance du suspens indéniablement efficace, Roar Uthaug plaçant toujours son sujet devant les intrigues secondaires parfois un peu trop présentes dans ce genre (Le pic de Dante en est le meilleur exemple), c’est l’ambiance qui règne sur ce long-métrage qui nous a carrément fascinée quasiment de bout en bout. On savait le metteur en scène capable de plans ravissants, et amateur d’une photographie qui assombrie le propos : tout ça se retrouve dans The Wave. Le décor, Geiranger et son fjord, forme un personnage à part entière, une menace pesante qui se dévoile encore plus titanesque que ce que l’on pouvait imaginer à l’ouverture du film. Celle-ci, par ailleurs, nous rappelle que le scénario n’est pas basé sur du vent : une catastrophe de ce genre a déjà eu lieu en Norvège, en 1934, quand un glissement de terrain créa un tsunami emportant le Norddalsfjord et 40 personnes…

image the wave

Techniquement à couper le souffle

Basé sur une histoire vraie, The Wave en est d’autant plus impactant même si, évidemment, l’œil de la caméra grossit les faits. Nous ne spoilerons rien ici, sachez juste que le film nous a laissé sur le derrière quand est venue l’heure de la rutilante catastrophe. Roar Uthaug gère à la perfection cette instant critique, en le préparant avec soin, via une séquence redoutable de suspens : la situation quelque peu dangereuse de deux géologues en plein cœur de la fissure-source de tous les maux. On vit là le genre de bons moments de cinéma que l’on recherche éperdument : c’est diablement efficace, et ça prend le temps d’être savoureux. Et surtout, ça enchaîne. Car ce qui vient après, la fameuse vague, dépasse de loin ce qu’on pouvait imaginer en terme d’idées, de gestion de celles-ci, mais aussi de qualité des effets spéciaux. L’impression de puissance qui se dégage de cette grosse séquence laisse le spectateur pantois, effrayé par tant de fatalisme. Ce qui avance, ce qui dévaste, est comme Sega : c’est plus fort que toi. The Wave réussit là où on l’attendait au tournant, et fait la leçon à certains avec seulement une poignée de millions d’euros (51 millions de couronnes norvégiennes, ce qui donne cinq millions d’euros et des patates). Sacrée performance.

Alors certes, on est un peu plus circonspect face au final de The Wave, et quelques incohérences un peu trop balourdes pour ne pas être remarquées. On ne peut aussi nier que, tout du long, l’intrigue est cousue d’un fil blanc aussi solide que sans jeu laissé à une quelconque bifurcation : ça peut lourder mais c’est tellement assumé que l’on ne se sent pas floué. Les amateurs du genre de la catastrophe auront là tout ce qu’il faut pour sortir de la salle obscure avec des images plein la tête, et l’impression d’avoir assisté à un grand spectacle d’une qualité inespérée. S’agit-il du film castrophe de l’été ? En attente d’un challenger digne de ce nom : clairement, oui. On insiste sur les décors, que le metteur en scène s’amuse à rendre parfois inconcevables (ces sources de lumière dans l’hôtel !), dans l’unique but d’envoyer droit dans nos rétines ce qui constitue l’un des plus beaux films, techniquement parlant s’entend, vu au cinéma en cette année 2016. The Wave rempli ainsi son contrat, même un peu plus, et témoigne de la bonne santé du cinoche nordique. Prochaine étape pour Roar Uthaug : Hollywood, avec la licence Tomb Raider, un projet à surveiller de très près…

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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