Génération 90
Qui ne se souvient pas avoir regardé Nicky Larson au Club Dorothée au début des années 90? Si ce n’est pas le cas, vous n’êtes sans doute pas de la même génération et n’avez pas non plus d’enfant ayant grandi à cette période. Ce dessin animé est en effet une véritable madeleine de Proust pour tous ceux qui, petits, passaient leur matinée devant la célèbre émission jeunesse qui aura marqué toute une génération (même si on lui doit aussi d’affreuses sitcoms) et mis au supplice leurs parents. Pas question pour nos mamans de subtiliser discrètement la télécommande ces matins-là pour zapper sur une autre chaîne…
Bref, tout ça pour dire que l’an dernier, suite à un petit sentiment de nostalgie pour cette époque où « il y avait de vrais dessins animés à la télé et pas les débilités d’aujourd’hui » (Mon Dieu! Parlerais-je déjà comme mes parents ?), je me suis mise à revoir les animés préférés de mon enfance… dont Nicky Larson. Et pour faire les choses bien, j’ai voulu voir la série en VO sous-titrée, en version non censurée… fort différente de la VF édulcorée où, entre autres, les love hotels où le héros tente d’entraîner les filles devenaient des…
restaurants végétariens!
Une redécouverte plaisante
Alors, Nicky Larson, qu’est-ce que ça donne quand on le regarde aujourd’hui ? Et bien, une excellente surprise ! Si je me souvenais bien de Nicky se jetant sur les filles ou essayant de soulever leurs jupes pour voir leur culotte, et Laura lui filant des coups de massue à chaque fois pour notre plus grand plaisir, il y a tout un tas de choses que j’avais oubliées… et aussi que je n’avais pas perçues à l’époque, en raison de mon âge et de la censure française. Du coup, je me suis vraiment laissée prendre par le dessin, au-delà d’un simple effet « madeleine de Proust » et j’ai vraiment eu le sentiment de le redécouvrir.
La version japonaise est d’une telle qualité qu’elle fait bien vite oublier la VF, tant au niveau des voix (en français, tous les méchants étaient doublés par le même acteur !), des dialogues que de la musique des génériques. Le générique de début des vingt-six premiers épisodes (quelle idée ont-ils eu de changer après…) est en effet très bon, et la chanson et les images font très très vite oublier la version de Bernard Minet dont on se souvient tous. Alors que la VF nous parlait d’un héros qui « comme l’éclair tourbillonne » au moindre coup de feu et que « la justice passionne » car, comme on le sait « dans la fureur de la nuit/le Mal est toujours puni », la chanson japonaise nous parle d’amour et de rencontre inoubliable entre deux partenaires inséparables…
Un couple inséparable
Et c’est en effet là quelque chose dont je ne me souvenais pas : si Nicky est un coureur de jupons toujours en quête d’un beau tour de poitrine et de jambes juchées sur des talons aiguilles, sa relation avec sa partenaire Laura, toujours armée de sa massue de 100 tonnes, est aussi ambigue et remplie de tension amoureuse (et sexuelle à l’occasion) que celle de Bruce Willis et Cybill Shepherd dans la série des années 80 Clair de Lune! Au fil des épisodes et des saisons, on s’aperçoit que c’est véritablement cet amour inavoué que le héros (timide en fait) s’efforce de dissimuler à grands renforts de blagues lourdes et coups tordus qui fait tout le sel de la série et confère à ses personnages un côté très attachant, malgré des affaires souvent convenues qui tirent toujours sur les mêmes ficelles.
Le seul défaut dans la progression de leur relation est que celle-ci est très diluée, alors qu’on aimerait avoir plus d’épisodes centrés sur les personnages et jouant sur la continuité. Il faut dire que le dessin est en fait adapté du manga City Hunter de Tsukasa Hojo (il s’agit également du titre original de l’animé), qui compte 35 volumes au Japon, publiés entre 1985 et 1987… manga que l’auteur a achevé alors que la première saison de l’adaptation était encore en cours de réalisation.
Ne voulant pas tuer la poule aux oeufs d’or, il est évident que les producteurs ont souhaité pouvoir étirer le concept au maximum pour que la série dure aussi longtemps que possible. D’ailleurs, pas moins de six films animés sortiront entre 1988 et 1999. Du coup, une assez grande partie des épisodes sont en fait des scénarios originaux, qui reprennent régulièrement des éléments des mangas, mais sortis de leur contexte, afin d’en tirer de nouvelles histoires. Dans la saison 2, deux épisodes centrés sur la relation des deux héros ont ainsi été construits d’après ce concept, et font partie des meilleurs de la série. Cependant, pour une grande partie des autres épisodes originaux, il s’agit d’histoires indépendantes, qui ont parfois du mal à captiver et peuvent sembler assez répétitives.
City Hunter: manga vs. dessin animé
Evidemment, cela répond aux critères des dessins animés de l’époque, qui étaient produits en grand nombre et devaient être suivis sans difficulté par le public lorsqu’il ratait des épisodes. Comme nous sommes aujourd’hui habitués à des séries télé exigeantes qui jouent beaucoup sur la continuité, cela a tendance à s’avérer assez frustrant si l’on regarde le dessin de manière trop régulière. La série est certes principalement comique — bien qu’elle puisse parfois être beaucoup plus sombre, ce qui en fait aussi l’intérêt pour moi — et ne doit pas être prise au sérieux, mais lorsque j’ai découvert au détour d’un très bon site sur l’univers du manga que celui-ci développait bien plus les personnages et offrait des histoires jouant davantage sur la continuité, avec parfois une ampleur étonnante, j’a été piquée de curiosité et ait commencé à lire les différents volumes, notamment les derniers, qui diffèrent radicalement du dessin animé.
Cette lecture m’a convaincue qu’il serait intéressant de faire des articles autour du manga afin de vous faire (re)découvrir l’univers de City Hunter.
Comme je me réfèrerai uniquement à la VO japonaise et que le manga se nomme également City Hunter dans l’édition française parue chez J’ai Lu et maintenant Panini Manga, j’utiliserai les noms originaux des personnages dans mes prochains articles. Sachez donc que Nicky Larson se nomme en fait Ryo Saeba et est connu sous le nom de City Hunter par ses clients comme ses ennemis. Sa partenaire Laura Marconi est quant à elle Kaori Makimura et son défunt frère, ancien partenaire de Ryo, Hideyuki (même si Ryo l’appelle toujours Makimura), l’inspecteur Hélène Lamberti est Saeko Nogami et sa soeur détective Reika — Rackel en VF. Quant à l’imposant Mammouth, ancien rival professionnel de Ryo devenu ami, il s’agit
en fait d’Umibozu, qui signifie l’Eléphant de mer.
Rendez-vous donc prochainement pour la critique des premiers tomes du manga de Tsukasa Hojo.
City Hunter (Nicky Larson), 1987-1991. Série de 140 épisodes répartis en quatre saisons.
P.S.: A noter aussi qu’en 2004, Tsukasa Hojo a retrouvé l’univers de City Hunter avec un nouveau manga qui compte actuellement 32 volumes : Angel Heart. Beaucoup plus sombre (dans la lignée des premiers et derniers volumes de CH en plus mature), il confronte Ryo à la mort de Kaori, renversée par un camion alors qu’ils s’étaient enfin mariés !
Le coeur de la jeune femme est transplanté à une adolescente enlevée dans son enfance afin de la transformer en impitoyable machine à tuer, Glass Heart. Kaori communique avec l’adolescente par le
biais de son coeur (!!) et lui transmet ses souvenirs et ses émotions… Glass Heart cherche alors à retrouver Ryo sans comprendre pourquoi, et notre héros blessé deviendra son père de substitution et acceptera de reprendre du service en tant que City Hunter.
Egalement adapté en dessin animé, la série Angel Heart est très respectueuse du manga original et diffère assez radicalement du comique cartoonesque de City Hunter, présent, mais à dose réduite. Une version plus mature où l’on retrouve également Saeko et Umibozu, et qui joue beaucoup sur la continuité, avec notamment de nombreux flashbacks venant approfondir le passé des personnages…