Le come-back TV de Sarah Michelle Gellar
L’annonce d’une nouvelle série avec Sarah Michelle Gellar avait enthousiasmé de nombreux fans de l’actrice qui ne s’étaient jamais remis de la fin de Buffy contre les
vampires en 2003 et désespéraient de la retrouver sur le petit écran dans un rôle fort. Après un come-back TV avorté en 2009 (la série Tropical Maladys,
qui devait être diffusée sur HBO, avait été annulée après la diffusion d’un pourtant excellent pilote) et quelques films indé parfois intéressants (Veronika décide de mourir) mais souvent inaboutis ou
maladroits (Southland Tales, The Air I Breathe, Possession…), SMG nous
revient donc avec une série à suspense à l’intrigue alambiquée dont le principe de base n’est pas sans rappeler le roman Les jolies choses de Virginie
Despentes.
Siobhan et Bridget sont deux sœurs jumelles d’une trentaine d’années que tout oppose : tandis que la première mène une vie de rêve dans la haute société new-yorkaise auprès de son mari
Andrew qui dirige une entreprise de finance, la seconde pointe aux Alcooliques Anonymes et commence péniblement à sortir de son addiction. Pour compliquer les choses, elle a également été
l’unique témoin d’un meurtre et elle est poursuivie par le tueur qui compte bien la faire taire avant la tenue de son procès. Fâchées suite à un drame obscur survenu six ans plus tôt, les deux
sœurs se réconcilient pourtant lorsque Bridget envoie une lettre à sa sœur qui lui répond et lui propose de la prendre sous son aile à New York. La jeune femme fausse compagnie aux agents du
F.B.I. qui assuraient sa protection et rejoint sa jumelle dans sa luxueuse demeure secondaire aux Hamptons. Lors d’une ballade en bateau, Bridget, droguée par sa frangine, perd connaissance.
Lorsqu’elle se réveille, Siobhan a disparu et Bridget comprend qu’elle s’est suicidée. Paniquée et désireuse de laisser son ancienne vie et ses problèmes derrière elle, elle lui vole son identité
et se fait passer pour elle auprès de son entourage (son mari, son amant, sa meilleure amie…). Il faut dire que pour faciliter les choses, Siobhan avait caché l’existence de sa jumelle aux
siens. Les ennuis ne font que commencer et Bridget ne tarde pas à découvrir que sa sœur n’était pas celle qu’elle croyait…
Good twin, bad twin
Jouant sur
l’opposition classique de la gentille et la méchante sœur jumelle (cette dernière n’étant pas celle que l’on pourrait croire au tout début), Ringer mise sur le thème
largement rabattu (mais toujours intéressant) de la confusion des identités pour dérouler son intrigue à tiroirs basée sur une suite de révélations et de rebondissements entre thriller néo-noir
et soap-opera. Si les références aux femmes fatales et blondes hitchcockiennes du cinéma classique hollywoodien sont trop diluées et pas assez assumées pour être réellement intéressantes (à
l’exception d’un joli plan de miroir où le reflet de Bridget se démultiplie façon Rita Hayworth dans La dame de Shanghai), le pilote intrigue mais pêche
malheureusement par des problèmes de rythme étonnants et une utilisation catastrophique de la musique, qui arrive toujours au mauvais moment, à contre-temps, et gâche certaines scènes qui
auraient été bien plus intéressantes sans. On sent l’influence probable de la chaîne « djeunes » CW qui voulait sans doute cibler un public assez large 14-25 ans et
craignait que les plus jeunes s’endorment s’il n’y avait pas assez de musique et trop de plans d’ambiance silencieux… C’est bien dommage car, sans être d’un haut niveau, ce premier épisode aurait
pu être bien plus réussi et plus équilibré en modifiant quelques toutes petites choses qui auraient fait une énorme différence.
La réalisation est convenue mais fait parfois preuve d’idées simples mais efficaces, les acteurs sont dans l’ensemble assez bons (à l’exception de l’acteur qui joue le mari de Gemma et l’amant de
Bridget, aussi charismatique et profond qu’un poireau et dont on peine à croire qu’il est censé jouer un écrivain). On a beaucoup parlé du jeu assez faible de Sarah Michelle
Gellar, mais il faut nuancer : elle s’en sort plutôt bien… tout en étant trop souvent égale à elle-même. On retrouve notamment un certain nombre de ses fameuses mimiques
mi-sarcastiques mi-boudeuses caractéristiques du personnage de Buffy, mais on sent qu’elle n’a pas encore vraiment trouvé ses marques dans ce double-rôle et qu’on lui a sans doute demandé, dans
un premier temps, de rejouer ce type de personnage dont elle est devenue spécialiste depuis une dizaine d’années. Sans direction suffisamment carrée, on la sent un peu en mode pilote
automatique (c’était déjà le cas dans les Grudge) mais, heureusement, cette impression s’amenuise au fil des épisodes et si les scénaristes s’avèrent suffisamment
intelligents, d’ici la fin de la saison, son éventail de jeu devrait considérablement s’affiner grâce à des situations de plus en plus intéressantes. La personnalité trouble de Siobhan devrait
d’ailleurs lui permettre de retrouver un semblant de la flamboyance de sa diabolique Kathryn Merteuil dans Sexe Intentions et on peut imaginer que ce double-emploi
dans deux registres opposés est en partie ce qui a dû l’attirer sur ce projet.
Léger mais prenant, entre suspense et soap
De
manière plus générale, je pense qu’apprécier Ringer demande de ne pas se faire trop d’illusions : même si SMG en est la star, il ne s’agit en aucun cas
d’une série de Joss Whedon ni même « dans l’esprit de Joss Whedon ». Ce n’est pas non plus une série audacieuse de haut vol comme on en voit de plus en
plus régulièrement depuis une dizaine d’années. Malgré quelques références disséminées de ci-de-là pour parler aux cinéphiles, il s’agit d’un programme grand public qui espère bien faire un peu
d’audience et maintenir un certain suspense et, même si les courbes d’Audimat sont pour le moment très hésitantes et l’avenir de la série pas du tout assuré (CW vient d’autoriser
une saison 1 complète néanmoins), Ringer s’avère de plus en plus prenant au fil des épisodes.
Dès le deuxième épisode, en fait, on sent que la série s’assume mieux pour ce qu’elle est, arrête de trop refouler son fond soap-opera et du coup, elle n’en devient que plus agréable. On
peut se mettre devant les épisodes sans trop se prendre la tête ni culpabiliser, apprécier la présence de SMG et le charme commence à agir lentement. Je doute que
Ringer devienne une grande série et il reste à prouver que le concept puisse s’étendre à plusieurs saisons sans tomber dans le n’importe quoi ni s’emmêler les pinceaux
façon Les Feux de l’amour, où les intrigues sont tellement compliquées que personne ne peut arriver à les démêler, mais je suis en tout cas très curieuse de voir où tout
cela va mener. D’ailleurs, les cliffhangers des épisodes 4 et 5 sont réussis et donnent envie de voir la suite. On se doute bien de certaines choses et, admettons-le, pas mal d’éléments
sont assez conventionnels, mais le principe de ce vol d’identité est suffisamment jouissif et machiavélique pour maintenir l’intérêt, le piège se refermant de plus en plus sur l’héroïne. Les
personnages (à quelques exceptions prêt) finissent même par nous être sympathiques.
On passera alors outre un petit air de Gossip Girl opportuniste (série dont j’ai dû regarder le pilote de 42 minutes en trois fois tellement je me faisais chier) et les
flash-backs moches et maladroits qui, jusque-là, plombent encore un peu les épisodes… Reste à espérer que la première saison soit diffusée en entier et qu’il y en ait éventuellement une deuxième.
Mais si Ringer devait n’être qu’une série de 12 ou 24 épisodes, même si cela serait malheureux pour SMG, ce ne serait peut-être pas aussi mal : les
scénaristes pourraient alors boucler l’intrigue et proposer quelque chose de cohérent, abouti et intéressant et on éviterait ainsi le risque (difficilement évitable vu ce qui semblent être les
exigences de la chaîne) de tomber dans des intrigues tortueuses jouant sur la surenchère et ne menant nulle part. Les révélations et les cliffhangers c’est bien, mais les concepts étirés
artificiellement pour continuer indéfiniment donnent rarement de bonnes choses (cf. la déperdition de Desperate Housewives, qui avait pourtant commencé bien plus haut).