A Head Full of Dreams : la fin de l’aventure Coldplay ?
Un an et demi après Ghost Stories, disque faisant suite au divorce de Chris Martin et Gwyneth Paltrow, Coldplay est déjà de retour avec un septième album, qui pourrait être le dernier si l’on en croit les déclarations lourdes de sous-entendus du leader du groupe. Autant le dire, avant d’appuyer sur lecture, l’appréhension est grande. Après tout, après des débuts plus que prometteurs (les excellents Parachutes et A Rush of Blood to the Head), Coldplay s’est de plus en plus enfoncé dans une pop sirupeuse, qui a atteint des sommets avec Mylo Xyloto (2012), malgré quelques sursauts bienvenus. Alors certes, on avait là une pop colorée, optimiste, parfaite pour se lever du bon pied, mais les Anglais avaient également une propension à avoir recours à la facilité, n’hésitant pas à lisser de plus en plus leur son pour se fondre parfaitement, au final, dans le paysage de la pop mainstream actuelle. La maestria de leurs titres les plus efficaces, leurs ballades les plus déchirantes semblait bien loin.
Puis vint Ghost Stories, album intimiste où Chris Martin faisait le deuil de son union avec l’actrice hollywoodienne Gwyneth Paltrow, sa femme pendant plus de onze ans. Si l’originalité n’était pas toujours au rendez-vous et que le souffle qui habitait les premières œuvres semblait bien loin, ces histoires de fantômes avaient au moins le mérite de faire preuve de retenue et d’une certaine sobriété, comme sur la très belle « Oceans », sans doute le morceau-phare de ce sixième opus. Le groupe préféra cependant mettre en avant la plus commerciale « A Sky Full of Stars », assez peu représentative de la tonalité générale de l’oeuvre.
Le digne successeur de Mylo Xyloto…
Après cet album de transition, la question principale était de savoir dans quelle direction le groupe allait bien pouvoir aller. La réponse : pas bien loin. Si du côté des thématiques abordées, on sent que Chris Martin panse encore ses blessures suite à son divorce (« Everglow », où Gwyneth Paltrow chante par ailleurs deux lignes de manière fort discrète), musicalement parlant, A Head Full of Dreams ne décontenancera pas l’auditeur qui avait aimé Mylo Xyloto. On y retrouve (en plus accentué), une pop aussi colorée que criarde, plutôt FM, qui ne s’embarrasse que rarement de subtilité. Pas de surprise sur ce 7e opus, à l’exception d’une interlude originale et inspirée, « Kaleidoscope », la seule, ironiquement, où l’on n’entend à aucun moment la voix de Chris Martin. Sur ce titre, un piano jouant un air aux sonorités classiques résonne, tandis qu’une voix masculine récite un texte aux légers accents métaphysiques. Seulement, 1 minute 52 d’originalité, c’est peu sur la totalité d’un album.
Alors on se raccroche aux titres « sympathiques », à défaut d’être véritablement enthousiasmants. Anodine comparée aux très belles ballades que le groupe britannique a déjà composées, « Everglow » s’avère malgré tout touchante et fait preuve de retenue. Ensuite, force est de reconnaître qu’il faut une ouïe excessivement fine pour pouvoir détecter le chant de Gwyneth Paltrow sur deux lignes du titre. « Amazing Day », l’avant-dernier titre, avec son rythme mid-tempo se défend aussi, tout comme le final « Up&Up ». Le reste, à l’exception des franchement ratés « Hymn for the Weekend » (avec une Beyoncé fantomatique dans les chœurs) et « X Marks the Spot » (un titre caché), est d’un niveau assez égal. Pas déplaisant en soi mais pas vraiment marquant. Aucun titre ne retient l’attention plus que ça et c’est un peu le problème : A Head Full of Dreams s’oublie aussitôt écouté. Comme en témoignait déjà « Princess of China », leur duo raté avec Rihanna sur Mylo Xyloto, Coldplay aurait tout intérêt à se tenir éloignés de la pop urbaine, à laquelle ils ne parviennent pas à insuffler grand chose, usant et abusant de sons et rythmes déjà entendus (en bien mieux) autre part. Le titre sous influence disco « Adventure of a Lifetime », quant à lui, s’avère au départ fort irritant avec son beat EDM sans âme mais finit par s’imposer, au bout de plusieurs écoutes, comme un single plutôt acceptable. Bien maigre consolation pour les fans de la première heure qui auront l’impression de voir, une fois de plus, le groupe se répéter.
The End ou Encore ?
Sur la BBC Radio 1, Chris Martin avait déclaré que A Head Full of Dreams étant leur septième album, le groupe le considérait « un peu comme le dernier tome d’Harry Potter », sous-entendant qu’il pourrait s’agir de leur dernier disque. Une décision qui ferait sens : à moins d’un vrai renouveau dans leur musique, le groupe, qui remplit toujours les stades, semble condamné à nous resservir toujours la même soupe, au goût de plus en plus insipide. Arrêter là les frais semblerait sage. Mais ne soyons pas trop mesquins : après tout, Chris Martin et ses acolytes n’ont pas pour autant perdu tout talent, un sursaut reste possible. Peut-être aussi devrions-nous nous rendre à l’évidence : le groupe a évolué et son public avec lui. Les aficionados de Parachutes et A Rush of Blood to the Head ont en grande partie levé le camp et les Anglais ciblent à présent un public qui écoute la pop qu’on lui propose à la radio, une musique facilement digérée, à la durée de vie somme toute très courte. Un vrai gâchis, mais il en va ainsi. A Head Full of Dreams devrait donc diviser les auditeurs en deux camps : ceux qui ont accepté ce changement et pourront apprécier ce que le groupe propose et les partisans du « c’était mieux avant », qui seront immanquablement déçus de ne pas retrouver ici ce qui faisait tout le sel de Coldplay au début des années 2000. A l’image de Muse, qui se repose sur ses acquis et quelques facilités, la formation de Chris Martin, si elle décide de continuer l’aventure, créera toujours l’événement à chaque publication d’album, mais sera fortement critiquée, que ce soit par une partie du public ou les journalistes, sans que cela ait forcément de réel effet sur les ventes. Jusqu’au jour où les plus mordus se lasseront et que le succès déclinera… En attendant, on continuera à se replonger dans Parachutes et A Rush of Blood to the Head en se disant que, décidément, c’était mieux avant.