Caractéristiques
- Titre : La Fille Du Patron
- Réalisateur(s) : Olivier Loustau
- Avec : Christia Théret, Olivier Loustau, Florence Thomassin
- Distributeur : Wild Bunch Distribution
- Genre : Comédie dramatique, Romance
- Pays : France
- Durée : 98 minutes
- Date de sortie : 6 Janvier 2016
- Note du critique : 8/10 par 1 critique
Pour une première derrière la caméra (du moins, au niveau du long métrage), Olivier Loustau a décidé de s’emparer d’un sujet difficile : la classe ouvrière actuelle. Difficile, car plus trop abordée voir carrément sous-traitée, la situation de l’employé, au sein de l’entreprise moderne, n’est pas vraiment au cœur des intérêts artistiques. Ce qui a tendance, au passage, à confirmer le peu de socialisme du secteur cinématographique. Évidemment, des exceptions ont pu voir le jour récemment, comme La Loi Du Marché ou l’étonnant Discount, prouvant au passage que traiter la classe ouvrière peut toujours produire de la qualité. Peut-on compter La Fille Du Patron parmi ces réussites ?
Vital (Olivier Loustau) est un chef d’atelier quadragénaire, père de famille, au sein d’une usine textile au bord de la crise de nerf. Alors que les commandes mettent à mal l’organisation de l’entreprise, Alix (Christa Théret), la fille du patron, est embauchée pour réaliser une étude sur l’ergonomie des différents postes de travail. Sous couvert d’anonymat, la jeune femme de 25 ans tombe rapidement sous le charme de Vital, qui commence alors à envisager un autre avenir. Problème, cette liaison va bientôt se faire au grand jour, et l’identité véritable d’Alix risque de créer quelques tensions. Dans le même temps, l’équipe de rugby « corpo » réalise un joli parcours, et tend à rassembler les hommes autour d’un projet commun.
Avec La Fille Du Patron, Olivier Loustau s’empare d’une situation pour mieux en tirer une matière plurielle, afin de peindre une situation sociale intéressante. L’histoire d’une entreprise de petite taille n’est jamais faite que de réunion de cadres, ou d’open space. Ça vit, ça respire, ça aime et ça déteste. Le réalisateur l’a bien compris et donne de l’importance avant tout à la trajectoire, pour mieux comprendre la condition professionnelle. On n’est pas non plus face à une étude sociologique, mais l’effet du melting pot de thèmes, on ne peut plus réaliste (qui vit seulement le professionnel, ou le personnel ?), tricote un vêtement cohérent et crédible, ce qui est assez rare pour être souligné.
La Fille Du Patron, c’est autant une histoire d’amour, que de sport, tout en mettant en place un discours social et humaniste. Le but est clairement d’aborder les choses, sans ce misérabilisme que l’on trouve un peu trop ambiant en ce moment, mais pas non plus de donner dans le « feel good movie » vulgaire, comme on en a vu sortir par dizaines. L’œuvre ne cherche pas à esseuler le bon, et en faire la seule substantifique moelle du quotidien des âmes en présence, mais plutôt de montrer l’ordinaire, dans toute sa splendide vérité. Ainsi, Vital s’ennuie dans son couple, pour des raisons sous-entendues plus que démontrées. L’usure du temps, de l’attirance, puis des sentiments, mène le personnage principal vers la reconsidération de son existence, grâce à l’apparition un peu inespérée d’Alix. En pleine possession de sa beauté, et de sa jeunesse, la jeune femme permet à Vital de faire plus que de s’imaginer un autre, elle lui offre la possibilité de remodeler son propre destin.
Alors que les tourtereaux passent du temps à se chercher, se trouver, se perdre de vue, le sens se déclare en plein jour. Alix, est l’élément déclencheur, et dévoile au grand jour les failles, mais aussi les jolies choses. Ces petits éléments se retrouvent dans les différents personnages, tous assez bien caractérisés pour pouvoir être rapidement reconnus, et tous se retrouvent embarqués dans un scénario qui fait une vraie proposition. Celle-ci prend la place d’un parallèle imagé avec entre le monde de l’entreprise et du rugby. C’est intelligemment joué de la part de La Fille Du Patron, car ça apporte une vraie dimension humaine. Les petits chefs désagréables ne gardent pas cette étiquette tout du long, et rejoignent l’aventure sportive de l’équipe « corpo », comme pour mieux concentrer toute l’énergie, la capitaliser dans un projet symbolique, que l’on suit moins pour le résultat que pour les valeurs qui y sont abordées. C’est très réussi, et ça permet au spectateur de se projeter dans des personnages réalistes, loin de toute caricature.
Évidemment, l’intrigue de La Fille Du Patron s’envole avec l’arrivée du nœud dramatique qui, ici, se forme grâce aux trois intrigues. L’amour, le sport et la situation de l’entreprise, dramatique, tout se rejoint pour donner une seconde partie pêchue et prenante, qui ne laisse quasiment pas de regrets. Quasiment, car on a un peu de mal avec le rapport de Vital avec son enfant, pas de par son écriture, mais plutôt sa description. Désaccord avec le personnage, plus qu’avec le film, ce lien un peu léger ne nous convainc pas totalement, mais emmène par la même une caractérisation du personnage intéressante. Le protagoniste incarné par Olivier Loustau est profondément humain, a des lacunes, des côtés pas tout à fait clairs, des faiblesses que l’on peut lui reprocher. C’est bien soutenu par une interprétation qui va du remarquable, Christa Théret est décidément une comédienne encore sous-côté, au touchant, avec certains seconds rôles un peu en-dessous mais tellement charismatiques qu’on pardonne facilement. De ce fait, on croit à ce qu’on voit, grâce à cette emprise du réel sur le récit, qui donne un refus constant de l’idéal, au profit du vrai. Là est toute la réussite de La Fille Du Patron : on y croit, du début à la fin, et l’on en sort satisfait d’avoir vécu une belle heure et demie, bien remplie, pleine d’émotions.