[Critique] Turbo Kid : grindhouse, mais pas que…

Caractéristiques

  • Titre : Turbo Kid
  • Réalisateur(s) : François Simard, Anouk Whissell, Yoann-Karl Whissell
  • Avec : Munro Chambers, Michael Ironside, Laurence Leboeuf, Aaron Jeffery
  • Genre : Action, Epouvante-horreur, Science Fiction
  • Pays : Nouvelle-Zelande
  • Durée : 92 minutes
  • Date de sortie : 26 Janvier 2017 en VOD
  • Acheter ou réserver des places : Cliquez ici
  • Note du critique : 7/10

Vu lors de la très oubliable édition 2015 du pourtant excellent Étrange Festival, Turbo Kid fut une telle surprise que l’on ne peut décemment pas ne pas le traiter en cette toute fin d’année 2015. Alors que la France, le monde, s’apprête à vite oublier cette année maudite pour bien des raisons, nous allons aborder ce qui est est, ni plus ni moins, que le meilleur film post-apocalyptique de l’année. Oui, devant le mastodonte signé par le maître George Miller. Et on le doit à un trio de dingos : François Simard, Anouk Whissell, Yoann-Karl Whissell, qui se surnomment le RKSS (RoadKill SuperStar), dont le segment T is for Turbo, de l’anthologie ABC’s Of Death, préfigurait le résultat que nous abordons aujourd’hui.

Turbo Kid, c’est l’envie improbable d’un trio de réaliser, avec des moyens démesurément limités, un film pos-apo fun, romantique, tout en rendant hommage à la production bis. Une volonté pas si simple à assumer, en regard de ce que les récents essais en la matière ont pu donner. Qu’ils aient été mis en scène par de grands réalisateurs, comme Le Boulevard de la Mort de Tarantino, ou par de parfaits inconnus, comme Hobo With A Shotgun (même si Jason Eisener s’est bien repris avec son segment du très fréquentable V/H/S/2), le problème est toujours le même : la volonté purement cinématographique, scénaristique, se perd derrière des références à n’en plus finir. On peut, donc, aborder Turbo Kid un peu sur la défensive.

Dieu, la pomme, et l’enfant

Nous sommes en 1997. Dans cette pure dystopie, l’apocalypse nucléaire a eu lieu, et les survivants doivent faire face à l’après. C’est dans ce monde ultra-violent que le Kid (Munro Chambers), grand passionné de bande dessinée, subsiste tant bien que mal, en troquant le résultats de ses fouilles contre la denrée la plus précieuse : l’eau. Alors qu’il vagabonde sur ces terres désolées, il rencontre Apple (Laurence Leboeuf), une jeune femme étrangement volontaire, véritable rayon de soleil aveuglant, et enfantin, dans cette grisaille jusqu’ici immuable. Alors que le duo commence à s’accepter, le bras droit du redoutable Zeus enlève Apple…

Turbo Kid dévoile très vite ce qu’il est, bien loin des craintes justifiées des purs cinéphiles (comprendre, pas les fanboys geekoïds qui pullulent actuellement, et nous n’avons rien contre eux). Si vous avez été déçu par le traitement beaucoup trop « kawai », gnangnan pour ainsi dire, de Scott Pilgrim, alors vous avez sonné à la bonne porte. Le film réalisé par le RKSS donne aussi dans la quête romantique, mais d’une toute autre façon, à la fois très clichée et sensée. Par « clichée », il faudrait plutôt entendre « pure », car tout, dans Turbo Kid, ramène à une époque où le cinéma d’exploitation cherchait à instaurer des intrigues simples, mais pas simplistes. La rencontre entre le Kid et Apple contient toute l’évidence de ce qui sera, par la suite, le déroulement scénaristique, mais d’une façon assez fraîche pour ne pas que le spectateur s’attende à quoi que ce soit. On voit la route de la quête initiatique se dessiner devant les roues des BMX sur lesquels les personnages déboulent, mais rien, au sein du récit, ne se passe vraiment comme on peut s’y attendre.

image laurence leboeuf munro chambers turbo kid

L’erreur fatale serait de penser que Turbo Kid fait du cinéma purement ringard. Non, le RKSS utilise les codes de ce que fut le cinéma bis pour mieux jouer avec… et non les tordre. Le film ne déconstruit rien, ce qui peut être mal perçu alors que l’époque utilise cette méthode sans la maîtriser. Mais il construit efficacement avec ce qu’il a entre les mains. Détruire le concept dit de la « damsel in distress » ne sert strictement à rien en soi, c’est l’unique construction qui doit fait de l’archétype autre chose qu’un cliché assez énervant. Dans Turbo Kid, pas de malin plaisir à aborder ce qui ne doit pas être abordé, pas de doigt tendu vers un stéréotype non-utilisé. Apple est ce qu’elle doit être, et réussit à toucher, avec le temps, droit au cœur du spectateur, notamment grâce à l’interprétation de Laurence Leboeuf. Une réussite salvatrice, car sans celle-ci le récit ne vaut plus rien, tant elle est le centre à la fois du parcours du Kid, mais aussi de l’implication du spectateur, qui rejoint totalement le héros dans son besoin d’accomplissement.

Mais attention, Turbo Kid n’est pas, pour autant, un pur récit romantique, loin de là. Comme toute œuvre ayant digéré le difficile exercice de l’écriture d’un scénario, la valeur de l’antagoniste est pour beaucoup dans la réussite générale du film. Ici, il s’agit de Zeus, interprété par un Michael Ironside en pleine forme, et qu’on a grand plaisir à retrouver. D’ailleurs, c’est évidemment très grossier, dans le sens visibilité de la chose, mais un tel surnom n’est pas anodin, alors que le personnage-clé de l’accomplissement du Kid est Apple. Le symbolisme de la tentation est évident, et la retenue se devait d’être correctement personnalisé. Le bad guy, sous les traits d’un acteur cultissime spécialisé dans les seconds rôles, est une réussite. L’un des enjeux, la bataille pour l’eau, peut gonfler tant il a été abordé dans les films post-apo, mais se trouve ici une certaine vigueur de par le moyen mis en œuvre pour la récupérer, à la fois ingénieux et bien violent. Car le monde peint par Turbo Kid se démarque par ses excès de gore soudain, et délicieusement bis.

Un film post-grindhouse

Évidemment, il ne faut pas attendre de Turbo Kid la perfection ultime à tous les niveaux. Le manque de moyens ne joue pas en sa défaveur, le récit s’étant parfaitement adapté aux valeurs de production, mais on ne peut nier que le travail sur la lumière, pourtant malin, laisse apparaître l’absence de deniers. Il faudrait être le dernier des obtus pour en tenir rigueur au film, par contre on ne peut pas aller contre cet état de fait : Turbo Kid est un film aussi futé que fauché. Mais la réussite est tellement incroyable à tous niveaux, qu’on en oublie complètement les quelques effets néfastes sur la mise en scène. On peut aussi parler de la musique, que l’on adore même écouter en-dehors du film, et dont l’utilisation dans Turbo Kid ne fait pas qu’accompagner, mais donne surtout une véritable dimension fun, et un entrain certain.

Au final, on quitte le Kid avec l’impression jubilatoire d’avoir vécu plus qu’un vulgaire film grindhouse, ce que l’œuvre est aussi, nous ne le nions pas. Les références sont multiples, notamment autour du personnage de Frederic (interprété par Aaron Jeffery), un Django dans la plus pure tradition des westerns italiens. Mais l’effet d’entassement, de citation pour la citation, ne se fait jamais ressentir plus que de raison. L’on reste embarqué dans l’aventure uniquement grâce aux enjeux, et non la quelque peu facile recherche de l’hommage crétinoïde. Turbo Kid est une sacrée bonne surprise, un vrai plaisir cinéphile et non un trip geek creux, que nous avons hâte de revoir au plus vite en BR/DVD.

Et, en bonus, découvrez le segment T For Turbo, de l’anthologie ABC’s Of Death.

 

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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