Caractéristiques
- Titre : Deadpool
- Réalisateur(s) : Tim Miller
- Avec : Ryan Reynolds, Morena Baccarin, Ed Skrein, Gina Carano, Brianna Hildebrand, T.J. Miller...
- Distributeur : 20th Century Fox France
- Genre : Action, Comédie
- Pays : Etats-Unis
- Durée : 109 minutes
- Date de sortie : 10 Février 2016
- Note du critique : 7/10 par 1 critique
Après l’échec artistique d’Avengers : L’Ere d’Ultron (2015) et avant un X-Men : Apocalypse (2016) hautement attendu, la 20th Century Fox et Marvel sortent ce film à « petit budget » mettant en scène le plus atypique et impertinent des super-héros de la maison, Deadpool, dans une oeuvre légère et politiquement incorrecte (du moins en apparence) qui vient poser un regard rafraîchissant et rentre-dedans sur le genre.
Deadpool, c’est l’histoire de Wade Wilson (Ryan Reynolds), ancien militaire des Forces Spéciales devenu mercenaire qui accepte de subir un traitement « expérimental » dans l’espoir de vaincre le cancer en phase terminale qui promet de l’emporter. Il s’agit de faire muter ses gênes afin d’enrayer la maladie, après quoi Wade développera un super-pouvoir. Malheureusement pour lui, s’il acquiert un pouvoir de guérison le rendant quasi-immortel, il est aussi horriblement défiguré, si bien qu’il préfère disparaître de la vie de sa petite-amie Vanessa (Morena Baccarin), qui le croit mort. Arborant dès lors une combinaison en Lycra rouge et noire et se faisant appeler Deadpool, Wade Wilson botte le cul des méchants en poursuivant un seul et unique but : se venger de l’homme responsable de sa transformation, Francis, alias Ajax…
Une oeuvre qui réfléchit sur elle-même avec légèreté
Dès son générique d’ouverture fort réussi qui nous immerge dans une scène de baston figée, Deadpool donne le ton : le film, métaréflexif, brisera le 4e mur qui sépare les personnages de fiction des spectateurs, établissant un lien de connivence avec ces derniers, biberonnés aux films de super-héros et capables de déceler toutes les ficelles du genre. En ce sens, le film est fidèle au comics. Ainsi, les noms des acteurs n’apparaissent pas à l’écran, mais sont remplacés par l’image qu’ils renvoient ou l’archétype qu’ils incarnent. Ryan Reynolds se présente ainsi comme « un imbécile heureux », Morena Baccarin comme « une bombasse » et on nous promet également « un caméo prévisible ». Le même principe est appliqué au réalisateur du film, Tim Miller, traité « d’idiot surpayé » et aux producteurs.
Moyen efficace de contrer les reproches que le film ne manquera pas d’attirer tout en signalant que rien ne sera pris au sérieux dans cette oeuvre à la légèreté assumée, cette présentation, rythmée par le tube 80’s « Angel of the Morning » de Juice Newton (1981), nous met tout de suite dans de bonnes dispositions. On sent venir le film de petit malin, subversif en surface, mais plutôt conformiste dans le fond, se moquant des codes inhérents au genre pour mieux les enfoncer, d’un autre côté, le déroulé du programme, plutôt honnête, ne cherche pas à nous tromper sur la marchandise : Deadpool sera fun et passera en revue tous les poncifs du genre, vus à travers le regard désabusé du « héros », conscient d’être un personnage de fiction. De ce côté-là, rien à dire, ce sympathique blockbuster remplit son contrat avec panache.
Un humour percutant
Pourtant, il faut l’avouer, les premiers trailers pouvaient laisser craindre un film à l’humour facile et peu subtil, qui pourrait s’avérer lassant sur 2 heures. C’est là que réside la première surprise de Deadpool : malgré des blagues souvent en-dessous de la ceinture, force est de reconnaître que le film de Tim Miller est particulièrement bien écrit, avec des répliques qui fusent d’un bout à l’autre et ne laissent que peu de répit au spectateur. A la fois irrévérencieux et ultra-référencé, l’humour de Wade Wilson n’épargne personne, à commencer par les studios hollywoodiens et son propre personnage. S’adressant régulièrement aux spectateurs face caméra, il se moque des conventions du genre, souligne ce que l’on pourrait qualifier de défauts et adresse à ses ennemis des punchlines bien senties sans jamais faiblir. L’humour est ainsi le premier super-pouvoir de Deadpool et la principale qualité du film, qui repose beaucoup sur ce ton caustique et second degré.
Il y a ensuite le caractère atypique de Deadpool, qui refuse d’être traité en héros et pour cause : mercenaire se fichant éperdument de la morale, il n’hésite pas à faire preuve d’une grande violence dans la poursuite de son but. Son caractère volubile le rend « cool » et sympathique, mais il n’en demeure pas moins un personnage individualiste dont nous n’approuvons pas forcément les actes. De ce fait, le film, qui comporte plusieurs scènes assez violentes, n’est clairement pas pour les enfants, bien qu’il n’aille pas aussi loin qu’un Kick-Ass, autrement plus dérangeant.
Plus conventionnel qu’il n’y paraît ?
C’est finalement peut-être là que nous pourrions émettre une première réserve : à force de vannes constantes, Deadpool désamorce la violence de certaines scènes, se contentant de rendre son personnage principal « cool » là où il pourrait davantage surprendre le spectateur et le prendre à rebrousse-poil. Les ruptures de ton sont finalement peu nombreuses, ce que l’on pourra regretter, bien que le film se regarde avec plaisir.
Ensuite, s’il aligne volontairement les clichés des films de super-héros, le scénario s’avère finalement assez conventionnel une fois que l’on a intégré le principe de l’oeuvre qui réfléchit sur elle-même. Si Deadpool se moque gentiment de sa propre conclusion, on reste quand même un peu sur le sentiment d’une certaine paresse scénaristique, le film, qui a pour but principal de poser le personnage, restant relativement simple du point de vue de l’intrigue, avec des personnages secondaires dont on se fiche un peu au final, si l’on excepte le personnage de Vanessa, incarnée par la très charismatique Morena Baccarin (Homeland, Gotham). Le second degré permet d’accepter le manque d’intérêt du méchant, peu impressionnant et dont Deadpool se moque constamment, mais si ce premier film devait donner naissance à une franchise, les scénaristes ne pourront plus compter sur un sentiment de nouveauté (tout relatif puisque briser le 4e mur a déjà été fait auparavant) et devront donc étoffer leur script. La seule qualité des dialogues (réelle), ne suffira pas.
Anti-héros individualiste, Wade Wilson alias Deadpool est finalement un homme au cœur tendre, dont le but, retrouver un visage humain pour retourner auprès de celle qu’il aime, le rend moins anticonformiste que ce qu’il veut nous laisser croire. La fin est à l’avenant et pourra en agacer certains, mais Deadpool, s’il apporte un sentiment de fraîcheur bienvenue aux films Marvel, ne cherche pas pour autant à dynamiter le genre. Ryan Reynolds, qui s’était déjà distingué dans The Voices de Marjane Satrapi, se révèle convaincant. Enfin, si la réalisation n’est pas plus inspirée que ça, Tim Miller parvient malgré tout à concevoir des scènes d’action tout à fait honorables avec un budget limité. On attend donc de voir l’avenir que la 20th Century Fox et Marvel réservent au personnage…