Caractéristiques
- Titre : Enragés
- Réalisateur(s) : Eric Hannezo
- Avec : Lambert Wilson, Virginie Ledoyen, Guillaume Gouix, Franck Gastambide
- Editeur : Wild Side
- Date de sortie Blu-Ray : 3 Février 2016
- Date de sortie originale en salles : 30 Septembre 2015
- Durée : 93 minutes
- Note : 9/10 par 1 critique
Image : 5/5
Contraste marqué juste ce qu’il faut pour mettre en valeur les obscurs, définition nickelle, tout comme la compression. Et il le fallait, tant Enragés est un trip magnifiquement éclairé par Kamal Derkaoui (qui travaille actuellement sur… Un Flic à la Maternelle 2 !). C’est du tout bon !
Son : 5/5
Deux pistes VF (et pour cause) : DTS 5.1 et Dolby Digital 2.0, qui nous plongent bien au cœur de l’action. C’est un véritable bonheur à écouter, tant l’équilibre entre les voix et les bruitages est constamment maintenu. Encore un sans faute. Signalons une audiodescription, et des sous-titres pour sourds et malentendants.
Bonus : 4/5
Un making of d’une heure, qui évite le ton « featurette ». On y découvre un Eric Hannezo au travail, sans langue de bois. Mais aussi des conditions de tournage sympathique, le casting ayant bien en tête de participer à un projet purement typé « de genre », avec tout ce que ça comporte de difficultés.
Synopsis
Un braquage tourne mal. Les 4 criminels trouvent refuge dans un centre commercial où éclatent coups de feu et mouvements de panique. Cernés, ils abattent un homme et prennent en otage une femme. Acculés, ils arrêtent une voiture et prennent la fuite. A bord, un père et son enfant malade, qu’il doit emmener d’urgence à l’hôpital. Hors de contrôle, leur fuite va se transformer en traque sans merci. Désormais, il n’y a plus aucun retour possible pour ces chiens enragés…
Le film
Se lancer dans un remake est toujours une aventure difficile. Surtout quand on louche du côté d’un réalisateur aussi culte de Mario Bava (ndlr : dont on parlera longuement prochainement…). Mais, pour le cas d’Enragés l’on peut comprendre la démarche, tant le film servant de base, Cani Arrabbiati (Rabid Dogs), est à classer parmi les plus merveilleuses des œuvres malades. En fin de carrière (il donnera encore le très intéressant Shock), Mario Bava est aussi au maximum de son discours, et délivre un film d’une puissance incroyable. Trop violent fondamentalement, trop nihiliste, le métrage subit des coupes honteuses de sorte que, pendant longtemps, la vision de Mario Bava était invisible. En grand amateur du film, et accompagné d’un cinéphile comme Yannick Dahan à la plume (qui compte un troisième scénariste, Benjamin Rataud), Eric Hannezo pouvait tomber dans bien des pièges dans ce projet très casse-gueule…
Heureusement, bien vite Enragés prend une bonne tangente. L’on se rend compte qu’Eric Hannezo a pris une option digne d’un grand amateur du travail sur lequel il s’appuie : il s’agit d’une relecture, et non d’une simple redite. C’est un choix salvateur pour le film, car le spectateur fan de Cani Arrabbiati a tellement combattu pour voir cette version 1974 qu’il aurait été stupide de lui proposer le même trip. Attention cependant, Enragés n’est pas un film vide de sens, mais disons qu’Eric Hannezo est plus dans une optique viscérale, de recherche stylistique, que dans ce témoignage de nihilisme qu’était l’œuvre originelle. Eviter de singer l’état d’esprit d’un réalisateur très énervé, mais en travaillant pour atteindre un haut degré de plaisir visuel, voilà un choix payant : personne ne pourra véritablement comparer les deux films sur autre autre chose que le conflit qu’il décrit.
Mais avant de voir pourquoi Enragés est, selon nous, une honnête réussite, il faut bien dire que tout n’est pas parfait. Le film n’évite pas quelques lourdeurs scénaristiques, la moitié de métrage est un peu molle. Quelques passages pas très bien interprétés (on adore Franck Gastambide, mais là il n’est pas dans son rôle à plusieurs reprises) nous font penser qu’Eric Hannezo devait être trop absorbé par son chef opérateur, un peu moins par ses comédiens. Attention cependant, car il serait injuste de ne pas souligner que le casting d’Enragés assure tout de même ce qu’il faut de crédibilité pour que le spectateur puisse ne pas décrocher. C’est si vrai que même Lambert Wilson, dont le jeu d’acteur ne nous a jamais ébloui, est ici très correct, et a les épaules nécessaires, en terme de roublardise, pour prendre en charge ce qu’implique son rôle.
Après ces retenues, Enragés a tout du film passé sous les radars, voire exagérément boudé par certains critiques/blogueurs, qui ont trouvé là le parfait moyen d’exprimer leur méfiance du cinéma de genre français (tout en se demandant pourquoi nos producteurs sont frileux, allez comprendre !). Pourtant, il y a de la matière dans Enragés, et un véritable talent qu’on espère assez fort dans sa tête pour ne pas lâcher l’affaire, car la marge de progression est certaine. Diantre, mais que c’est beau ! Tout le formel nous léchouille la rétine. Alors certes, ce n’est pas toujours justifié par l’action, et parfois certaines images sont en contradiction avec les situations, mais alors quel déballage ! On sent qu’Eric Hannezo a passé sa vie non pas à regarder des films, mais à aimer le cinéma, et le réalisateur fait ici l’exposé de cette passion. Le montage d’Enragés n’est pas en reste et il faut le préciser, car il suffit d’avoir tenu une caméra pour savoir qu’un huis-clos en bagnole est un piège fatal. Frédéric Schoendoerffer et son Convoi en savent quelque chose. Ici, pas d’anicroches, la caméra reste fluide tout du long.
Impossible de trop vous parler du scénario d’Enragés, histoire de ne pas vous spoiler. Mais sachez que l’écriture, si elle connaît des creux, reste assez maîtrisée pour garder une belle énergie. Le film contient quelques pics dramatiques parfois très prenants, comme la séquence d’ouverture, et ce final violent juste ce qu’il faut. C’est ce qui ressort du visionnage de ce film : un véritable peps, allié à un amour de l’image, et une problématique peut-être un peu maladroite mais agréable à essayer de décrypter. On valide, d’autant qu’Enragés laisse son grand frère « bavaïen » exister. Un film d’esthète, et de vrais passionnés.
Enragés, un film d’Eric Hannezo. Édité par Wild Side, 12.99€.