Caractéristiques
- Titre : L'Esprit S'Amuse
- Titre original : Blithe Spirit
- Réalisateur(s) : David Lean
- Avec : ex Harrison, Constance Cummings, Kay Hammond, Margaret Rutherford
- Editeur : Elephant Films
- Date de sortie Blu-Ray : 1er Mars 2016
- Date de sortie originale en salles : 25 Janvier 1946
- Durée : 96 minutes
- Note : 9/10 par 1 critique
Image : 5/5
Elephant Films propose un master impressionnant de qualité, qui gâte comme il se doit le Technicolor. Ah, ces couleurs, quel bonheur ! Signalons que L’Esprit S’amuse sort en deux éditions : une exclusivement DVD, et l’autre sous forme d’un combo Blu-Ray/DVD.
Son : 4.5/5
Une piste DTS-HD Master Audio 2.0 en VOSTFR. Un tout léger souffle au détour de certaines séquences, surtout captées avec le casque. Pas de VF… qui a dit tant mieux ?
Bonus : 4/5
En tant qu’amateurs des présentations et éclaircissements de Jean-Pierre Dionnet, on ne peut qu’être comblés par la présentation du film par l’un des plus grands cinéphiles Français. Une deuxième vidéo, s’attachant à nous présenter David Lean, est peut-être un poil courte, mais trouve le temps de nous donner des anecdotes assez parlantes pour bien situer ce réalisateur pas spécialement sympathique « IRL ». Le Blu-Ray de L’Esprit S’Amuse est complété par les inévitables trailers.
Synopsis
Cherchant à se documenter pour un exposé sur la communication avec l’au-delà, l’écrivain Charles Condomine engage une médium du nom de Madame Arcati et l’invite à venir donner une séance de spiritisme chez lui. Alors que Condomine, sa femme, et leurs invités ont grand peine à contenir leurs rires, l’excentrique Arcati joue le grand jeu avec des rituels singuliers et en donnant dans la caricature. Au moment où la séance arrive à son terme, Arcati de toute évidence est troublée par quelque chose d’inhabituel, mais l’écrivain et ses invités doutent que quoi que ce soit d’extraordinaire se soit passé… Durant la séance cependant, l’esprit de la première femme de Condomine, Elvira, a été accidentellement invoqué et fait son entrée dans la maison. L’écrivain, qui est le seul à pouvoir voir Elvira, est à la fois médusé et amusé par cette présence soudaine et inattendue. Des complications surviennent lorsque l’épouse actuelle de Condomine prend conscience du fantôme.
Le film
Le Pont de la Rivière Kwaï, Lawrence D’Arabie, Docteur Jivago. Trois grands films, rentrés au Panthéon du septième art, et un seul réalisateur : David Lean. Si ces films épiques sont clairement ses plus connus, ce serait une erreur de considérer les treize autres métrages du metteur en scène comme tous « mineurs ». Allons même plus loin, certaines de ces œuvres, plus ou moins oubliées aujourd’hui, sont pourtant d’excellente qualité, et clairement sous-cotées. L’Esprit S’Amuse fait indéniablement partie de celles-ci.
Il y a dans L’Esprit S’Amuse deux esprits, en plus de ceux de l’histoire. Celui de David Lean, dont la science du cadre n’a rien à envier à un autre maître de cet art : Alfred Hitchcock. Certes, point d’envolées lyriques à la hauteur de ce qu’on trouvera dans sa trilogie du film épique, encore que certains travellings donneront la chair de poule aux esthètes. Mais L’Esprit S’Amuse est une telle leçon de grammaire visuelle, de maîtrise des valeur de plans, qu’il faudrait que le blu-ray soit offert, en plusieurs exemplaires, aux étudiants en cinéma, afin de leur faire rentrer dans le crâne que rien ne remplace la lisibilité. La première apparition d’Elvira est, à ce titre, un grand moment impossible à oublier, créant quelques secondes d’émotion après un travail brillant pour concentrer le spectateur sur l’image.
L’Esprit S’Amuse c’est aussi une plume, et pas n’importe laquelle : celle de Noël Coward, que David Lean adapte pour la troisième et dernière fois. L’ombre de ce grand dramaturge plane au-dessus du film, qui profite ainsi de dialogues étonnamment croustillants. On peut même dire que, pour l’époque, certaines répliques étaient carrément osées, et témoignent d’une grande vivacité d’esprit. Le revenant du titre n’est pas le seul à s’amuser, les spectateurs partagent ce sentiment et, sans pour autant rire aux éclats, ce n’est d’ailleurs pas le but, assistent à des situations délicieusement cocasses. On pense à tous ces quiproquos créés par la ruse d’Elvira qui, sous forme de fantôme, fait réagir Charles, qui peut la voir contrairement aux autres personnages, sous les yeux stupéfaits de sa femme Ruth. Bientôt, cette dernière accusera son mari d’alcoolisme, et le crescendo peut alors s’envoler.
L’alliance du bourru David Lean, et du très original Noël Coward, produit de bien belles étincelles qui s’admirent tout du long de L’Esprit S’Amuse, et le sommet réside dans l’évolution des personnages. Ceux-ci ne vont jamais où le spectateur les attend, notamment en n’étant jamais des archétypes trop fidèles. Le public ne sait jamais trop comment se placer face à eux, ne sait plus sur quel pied danser face à ces âmes décrites avec une certaine complexité. En résulte une fraîcheur remarquable, qui continue à se faire ressentir aujourd’hui. On pense voir en Elvira une femme fragile, revenue hanter Charles pour récupérer son amour, et pourtant…
Alors certes, L’Esprit S’Amuse s’essouffle un chouïa juste avant son point culminant, la faute à une approche théâtrale peut-être un peu plate quand il faut, par exemple, faire trépasser Ruth. Mais le feu d’artifice que provoque le dernier quart de l’œuvre est tellement jouissif grâce, notamment, à la performance d’une Margaret Rutherford parfaitement dirigée, dans ce rôle de médium farfelue mais attachante, qu’on en oublie toute retenue. L’Esprit S’Amuse ose aborder le thème de l’adultère, de la vie sexuelle de tout un chacun, le tout ancré dans le cinéma de genre et profitant de l’expertise de deux artistes géniaux. Une bien belle découverte.
L’Esprit S’Amuse, réalisé par David Lean. Combo Blu-Ray/DVD édité par Elephant Films, 19.99€. Sortie le 1er Mars 2016.