[Critique] A Perfect Day : les humanitaires sont des humains comme les autres

Caractéristiques

  • Titre : A perfect day, un jour comme un autre
  • Titre original : A Perfect Day
  • Réalisateur(s) : Fernando León de Aranoa
  • Avec : Benicio Del Toro, Tim Robbins, Mélanie Thierry, Olga Kurylenko
  • Distributeur : UGC Distribution
  • Genre : Drale
  • Pays : Espagne
  • Durée : 106 minutes
  • Date de sortie : 16 mars 2016
  • Note du critique : 7/10

La carrière d’un réalisateur est souvent une sorte d’écho. Tout part d’un cri, qui ici prend la forme d’un thème, qui se répète sur toute une partie de la filmographie, voire son entièreté. C’est le cas pour Fernando Leon De Aranoa qui, avant de se lancer dans la pure narration scénarisée, était en 1995 en Bosnie pour couvrir le conflit des balkans. Vingt ans plus tard, avec A Perfect Day, celui qui a remporté une poignée de Goyas pour Les Lundis Au Soleil se replonge dans ce qu’il a vécu de près : le quotidien des groupes humanitaires en zone de guerre.

A Perfect Day suit les basques d’un groupe d’humanitaires, en mission dans une zone de guerre perdue dans les balkans. Un cadavre y est découvert, au fond d’un puits d’une grande utilité pour les familles qui habitent ces lieux. Afin de dégager le corps, c’est toute une partie d’une ONG qui est sollicitée. Mambrù (Benicio Del Toro), le chef bourru, recherche une satanée corde, tandis que Sophie (Mélanie Thierry), la nouvelle recrue, veut aider coûte que coûte. « B » (Tim Robbins), lui, est un chien fou qui ne sait pas vraiment ce qu’il fait là, mais se sent comme chez lui. Ce trio est bientôt rejoint par Katya (Olga Kurylenko), qui a eu une aventure avec le pourtant marié Mambrù, chargée de surveiller cette mission qui s’avérera bien plus délicate que prévue.

Brassage des genres

image benicio del toro a perfect 2016

Avec A Perfect Day, Fernando Leon De Aranoa semble en avoir terminé avec la recherche de son ton, qui ne nous a jamais véritablement transcendé jusqu’ici, son Amador ayant été une petite déception. Ici, le réalisateur reste, sur presque l’entièreté du film, obnubilé par le seul récit, semble enfin avoir trouvé une place entre les frères Coen et son regard d’auteur. Dans A Perfect Day, tout commence par la découverte d’un cadavre, ou plutôt la question qui se pose : « comment virer ce mort de l’eau qui abreuve toute une population ? ». La séquence contient tout ce qui fera la réussite du film sur la longueur : nous voguons sans cesse entre l’humour créé par les situations, mais en n’oubliant jamais que le drame menace.

Alors, les personnages partent en quête d’un objet, sorte de MacGuffin qui s’ignore : un bout de corde. La grande réussite du scénario d’A Perfect Day est de démontrer à quel point le plus petit des soucis peut prendre des proportions gigantesques lors d’un conflit aussi violent que celui des balkans. Le groupe va rencontrer des personnages étranges, parfois dangereux, tous aperçus à cause de cette fichue corde si compliqué à dénicher. Il sera même confronté à la mort elle-même, lors d’une séquence absolument fabuleuse tant elle provoque une tension palpable chez le spectateur. Un enfant, sous la protection des humanitaires, cherche à se procurer un ballon. Il promet que, chez lui, ils trouveront aussi bien une corde que l’objet de son désir. Seul problème : un chien garde l’entrée. Une fois le problème réglé, non sans grand humour de situation, ce qui se trouve à l’intérieur de la maison va rappeler, d’une manière très fine et cruelle, l’horreur insondable de la guerre…

Un casting impressionnant

image tim robbins a perfect day

A Perfect Day manie subtilement les sentiments, les sensations, en trouvant un équilibre constant entre des ressentis pourtant éloignés. Jamais trop drôle, jamais pas assez grave, le film ne sombre jamais dans la facilité d’écriture. D’ailleurs, celle-ci gâte énormément les personnages, tous très identifiables et apportant une véritable couleur au récit. Il est rare, dans la vie, que les choses se passent exactement comme prévu, et c’est souvent dû aux différences de caractères qui habitent ce monde. On ne peut qu’imaginer que ce fait soit décuplé en temps de guerre, et c’est effectivement le cas ici. A Perfect Day rend très bien ce sentiment que tout peut nous échapper à n’importe quel moment, sur une simple décision, ou une réaction. Signalons que cette réussite n’aurait pas pu être aussi forte sans un casting aussi phénoménal. Évidemment, Bénicio Del Toro est formidable, et ça n’étonnera personne. Tim Robbins, pareil, il est une valeur sûre et irradie l’écran à chacune de ses apparitions. C’était moins joué d’avance pour Mélanie Thierry et Olga Kurylenko, pourtant elles tiennent solidement leurs rôles et se hissent même à la hauteur des deux poids lourds qui les accompagnent.

Au final, A Perfect Day est un film étrange, mêlant non pas les genres mais les sentiments, sans pour autant qu’une dichotomie ne se fasse ressentir. Notons tout de même une BO peut-être un peu envahissante sur certaines séquences, et surtout assez peu justifiée quand à son style. Si le rock habille très bien les séquences d’action, il semble trop décalé en rapport aux magnifiques décors. Et, l’on est en droit de ne plus pouvoir entendre Sweat Dreams. Une petite retenue qui n’enlève rien à la très bonne impression générale, et surtout le bonheur que de voir Fernando Leon De Aranoa enfin trouver sa propre personnalité. Le réalisateur est doué, maintenant que l’auteur est apaisé nul doute que l’on va devoir le surveiller de très près.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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