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[Critique] Green Room : un survival sauce skinheads

Caractéristiques

  • Titre : Green Room
  • Réalisateur(s) : Jeremy Saulnier
  • Scénariste(s) : Jeremy Saulnier
  • Avec : Anton Yelchin, Imogen Poots, Patrick Stewart
  • Distributeur : The Jokers / Bac Films
  • Genre : Action, Thriller
  • Pays : Etats-Unis
  • Durée : 94 minutes
  • Date de sortie : 27 Avril 2016
  • Note du critique : 6/10

Jeremy Saulnier, un nom qui, tout doucement, se trouve une bonne résonance dans l’esprit des amateurs de cinéma de genre. Son premier film, Murder Party, plutôt cool et rigolo bien que très imparfait dans la forme, a su lui donner de la visibilité. Tandis que Blue Ruin, thriller intriguant et efficace, se faisait moins fun mais plus sérieux notamment côté rythme. Il est peu surprenant de constater que Green Room est attendu comme une sorte d’aboutissement du style Saulnier, qui rassemblerait les qualités des deux précédentes œuvres.

Green Room s’intéresse à un groupe de punk rock, The Ain’t Rights, alors qu’ils approchent d’une fin de tournée carrément désastreuse. Sans grandes perspectives, et surtout en manque d’argent ne serait-ce que pour financer leur voyage de retour, le groupe accepte de donner un concert dans l’Oregon profond. Sur place, ils se rendent compte qu’ils vont devoir jouer devant une bande de skinheads particulièrement violents. Ce qu’ils font, non sans prendre soin de les titiller bien comme il faut. Quittant précipitamment la scène après la fin de leur set, ils se dirigent droit aux backstages et tombent nez à nez avec le cadavre d’une jeune femme. Le groupe devient alors la cible de Darcy Banker (Patrick Stewart), le patron du club, mais aussi de ses sbires, qui ont tout intérêt à faire disparaitre les témoins gênants.

Green Room c’est clairement l’humour de Murder Party qui rencontre la violence radicale de Blue Ruin. Les amateurs de cinéma de genre seront ravis d’y trouver bien des situations qu’ils apprécient, disons que le film peut être considéré comme un mélange de huis-clos, à forte tendance « home invasion » et de slasher, le tout arrosé de quelques poussées gores. Dans le pur constat de la gestion de l’univers, le début de Green Room est un peu classique mais réussit à ne pas trop passer par les ficelles pour faire comprendre au public où il met les pieds. On sent une grosse dose de fatalité dans ce qui pousse le groupe à trouver la route de ce maudit club, un ressort qui marche toujours aussi bien malgré les multiples recours à cette figure de style dans l’histoire du cinéma d’épouvante. Comme quoi, c’est dans les vieux pots…

Solide comme un rock

image patrick stewart green room

Dès l’arrivée dans le club rempli de skins, Green Room opère le premier de ses nombreux changement de tonalité. Tout devient plus grave, comme si chaque élément poussait le drame à surgir. Ça marche plutôt bien, le spectateur ne peut que se sentir mal à l’aise, décidément Jeremy Saulnier a le chic pour créer la tension, avec bien plus de talent que quand il a recours à l’humour mal placé. Quand débute l’horreur, après la découverte du cadavre dans les backstages, la problématique s’installe pour de bon. Elle est simple : le groupe, et une amie de la victime, forment une somme de témoins très gênants. Seulement, ce n’est pas n’importe qui qu’ils contrarient, mais un clan de skinheads adeptes de méthodes bien radicales. Si Green Room n’est clairement pas un film qui dénonce cette mouvance constituée de cinglés de première, on va dire que le recours à ces fous furieux donne un ton jusqu’au-boutiste parfois jouissif. Surtout quand leur chef, incarné par Patrick Stewart (oui, le Patrick Stewart de X-Men et de Star Trek) pointe le bout de son nez pour devenir une sorte de croquemitaine à distance.

Green Room opère là un second changement de ton et redevient plus fun que tendu, et c’est un petit regret. Alors que la situation fait furieusement penser aux films d’assaut, et notamment aux westerns dans la mouvance de Rio Bravo, le côté âpre du film de survie face à une adversité en surnombre s’efface un chouïa pour laisser place à une dérision certes rigolote mais qui dédramatise un peu certains passages pourtant flippants. La faute à un scénario qui n’hésite pas à rendre certaines décisions étrangement discutables, ce qui donne au spectateur l’impression que les personnages ne sont pas tout le temps crédibles. Heureusement, le talent de Jeremy Saulnier pour composer des séquences rudes, abruptes, donne des coups de fouet au récit de Green Room. On souffre avec les personnages, et quelques surprises bien placées gardent l’intérêt intact tout du long.

Au final, Green Room est une péloche bien divertissante, plus aboutie que les précédents films d’un Jeremy Saulnier dont le talent pour les poussées de violence est décidément indiscutable. Malheureusement, il existe toujours une retenue sur le ton employé, et c’est d’ailleurs un regret que l’on retrouve dans énormément de films d’horreur depuis quelques temps : pourquoi ne pas traiter le récit au premier degré ? Si nous n’obtenons pas de réponse ici, on peut tout de même affirmer que pas mal d’instants nous ont fait penser que Jeremy Saulnier est l’un des réalisateurs spécialisés dans le genre les plus intéressants du moment, avec une courbe de progression très forte. Les amateurs d’images fortes, rudes, en auront largement pour leur argent, et auront même en prime un petit effet claustrophobique tout du long, tant l’espace du huis-clos est bien géré. Green Room est un film à fulgurances.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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