Deuxième volet de la Saison « Live » 2015/16 du Royal Opera House. Le 25 avril dernier à partir de 20 h 15, des spectateurs de 914 salles de cinéma dans 25 pays du monde pouvaient admirer le célébrissime opéra Lucia Di Lammermoor, du grand Gaetano Donizetti. Après l’expérience de ballet avec Giselle en début de mois, notre curiosité était piquée au vif.
On y retourne ! Rendez-vous sur le site français du Royal Opera House. Pour assister à Lucia di Lammermoor, nous nous sommes rendus cette fois-ci en banlieue parisienne. Dans la salle immense, et dernier cri, l’image semblait bonne. Mais le son, beaucoup moins. Problème de qualité de transmission ? Peut-être. En tout cas, si la dernière fois nous avons eu droit à une élocution d’un professeur de danse avant le début de la séance, cette fois-ci point de maître de chant lyrique pour venir nous expliquer les rudiments de l’opéra, ou ce que représente Lucia di Lammermoor.
A la place, c’est le projectionniste qui est venu parler à la salle (pleine), sans micro. Arguant des « problèmes avec la Belgique », le technicien nous explique que la retransmission peut se mettre en pause par moments, et nous prie de l’excuser d’avance. Il n’a pas fait mention de la qualité du son, mais vu l’équipement impressionnant de la salle « Le Sélect » à Antony (Hauts-de-Seine), il est fort à parier que nos amis belges aient eu des soucis de flux pour nous faire parvenir le spectacle depuis la Grande-Bretagne.
Au moins les fauteuils immenses, eux, n’ont pas fait défaut au niveau du confort. De plus, par rapport aux spectateurs installés au sein du Royal Opera House à Covent Garden, nous profitons du luxe de la traduction en direct du livret italien, via les sous-titres en français à l’écran. Enfin, il est toujours possible de réagir avant et après l’opéra et pendant l’entracte sur Twitter, Instagram ou Facebook via le hashtag #ROHLucia.
Quelques bémols pour une œuvre magistrale
Voilà pour la forme, passons au fond, et à la réalisation. Belcantiste en essence, chantre du romantisme italien et parmi les joyaux de Gaetano Donizetti, Lucia Di Lammermoor fut créé en 1835 au teatro San Carlo de Naples, dans le sud de l’Italie.
Performances exceptionnelles de la soprano allemande Diana Damrau dans le rôle-titre de Lucia. Même chose pour le français Ludovic Tézier, qui est loin d’avoir déçu au niveau de sa prestation, en incarnant le frère de Lucia, Enrico Ashton Di Lammermoor. Les deux artistes sont des habitués du chef d’œuvre tragique de Donizetti. Surtout Ludovic Tézier. Le baryton marseillais pratique en effet cet opéra seria depuis de nombreuses années. Notamment en 2002, aux côtés de notre star nationale et internationale, Nathalie Dessay.
Watch #ROHLucia live in cinemas this Monday, with Ludovic Tézier as Enrico @RoyalOperaHouse https://t.co/TnEBCPPrM4 pic.twitter.com/Rsg05p1Jqz
— Askonas Holt (@AskonasHolt) 21 avril 2016
Mention spéciale aux décors et aux costumes, très cinématographiques. Le décor, divisé en deux, permet de suivre deux scènes en même temps : la principale, bien sûr, qui se déroule par exemple dans une rue, mais aussi une action secondaire, muette, à droite de la scène, comme ce moment où Lucia se prépare dans sa chambre.
Wonderful acting by @DianaDamrau and an amazing mad scene #ROHLucia couldn’t ask for more pic.twitter.com/AES0meROVf — George ☜ (@OperaCreep) 14 avril 2016
Là où le bât blesse, c’est au niveau de la musique. On entend à peine les notes de Donizetti, contrairement aux autres interprétations classiques de Lucia Di Lammermoor. Du coup, on passe un peu à côté des moment-phares de la pièce. Et même si Diana Damrau et Ludovic Tézier n’y sont pour rien, et n’ont pas à rougir de leurs efforts et de leur performance, la musique, trop en retrait, ne les met pas du tout en valeur. C’est pour cela qu’il ne faut surtout pas comparer ce Lucia avec des versions passées mettant en scène un certain Luciano Pavarotti dans le rôle d’Enrico. L’orchestre savait souligner et donner le ton. A l’époque, impossible de passer outre le grand sextuor de l’Acte II, scène 2 (« Chi mi frena in tal momento »), ou de louper la « scène de la folie » de Lucia, moment fort de l’Acte III, et de toute l’oeuvre. La comparaison souffre aussi au niveau de la mise en scène. Lucia Di Lammermoor est une œuvre sanglante, et passionnée. Si l’on retrouve souvent des robes tachées de sang dans la scénographie classique, la version du Royal Opera House fait la part belle au « trop de, tue le ». Des sacs entiers d’hémoglobine étaient glissés sous les habits des personnages, et certaines scènes de déclaration d’amour ont été changées en accouplement pur et simple.
The secret weapons of our amazing wigs&makeup team for #ROHluciapic.twitter.com/RpILga9CMZ — Kasper Holten (@kasperholten) 25 avril 2016
Non pas que l’idée du sexe soit mauvaise, mais comme pour le sang, tout est question de ne pas trop en faire. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que certaines personnes âgées à côté de nous dans le cinéma ne cachèrent pas leurs réactions émoustillées. Il est vrai que la mort et les émotions violentes sont omniprésentes dans Lucia Di Lammermoor. Mais point trop n’en faut. Globalement, l’expérience reste satisfaisante.
Le pitch
« J’avais placé mon espoir et ma vie dans un cœur. Il s’est donné à une autre » – Lucia, Acte II, scène 1 (« Il pallor funesto ») à propos de son bien-aimé Edgardo. L’histoire se déroule en Ecosse. Enrico Ashton di Lammermoor, fauché, veut marier sa sœur Lucia à un certain Arturo Bucklaw, nouveau riche. Fragilisée par la mort de sa mère, Lucia voit son fantôme partout. Un autre fantôme lui glace le sang, et lui apparaît régulièrement : celui d’une jeune fille de la famille Di Lamermoor, assassinée par un membre de la famille Ravenwood.
Lucia di Lammermoor will be broadcast live from @RoyalOperaHouse to cinemas worldwide today https://t.co/uUfOkIWBMC pic.twitter.com/pnVqPx7fyF — Diana Damrau (@DianaDamrau) 25 avril 2016
Entre son frère qui veut la marier de force, et ses visions fantomatiques, double problème pour Lucia : elle est éperdument amoureuse d’Edgardo… Ravenwood. Et c’est réciproque. Tout en manigances et mensonges, Enrico Ashton va réussir à les séparer. Profitant du départ d’Edgardo pour la France, Enrico fait croire à sa sœur Lucia, via une fausse lettre, que son amant a des vues sur une autre femme. Lucia, effondrée, accepte alors d’épouser Arturo. Mais à peine a-t-elle passé sa robe blanche, qu’Edgardo, de retour de voyage, fait irruption à la réception du mariage. En voyant les jeunes époux, il croit alors lui aussi que son amante l’a trahi, et ne veut plus rien savoir de Lucia. L’héroïne, déjà perturbée, bascule alors dans une folie irréversible, assassine Arturo, et meurt de démence. Apprenant la nouvelle, Edgardo se suicide, en croyant toujours que Lucia n’aimait qu’Arturo.
Vivement la prochaine !
Cette expérience se conseille toujours à tous, même s’il faut vérifier au préalable qu’elle n’est pas destinée à un public averti. Pour une somme toujours modique, vous pourrez croiser, dans la file d’attente ou sur les réseaux sociaux, des étudiants-musiciens de l’opéra, les stars à l’écran, et tout un public d’amateurs du genre. Si vous connaissez peu cet univers, on ne saurait que vous le recommander. Assorti d’un bon restaurant, la découverte de l’opéra vaut le coup en salle de cinéma. Bien plus que devant sa télévision. Prochain rendez-vous : le 18 mai avril, avec de la danse, comme le veut l’alternance de la saison. Nous retrouverons Frenkenstein, un ballet haut en couleurs adapté du célèbre roman éponyme de Mary Shelley. Tous les détails sur http://rohcinema.fr/