Caractéristiques
- Titre : La Belle Équipe
- Réalisateur(s) : Julien Duvivier
- Avec : Jean Gabin, Charles Vanel, Raymond Aimos
- Editeur : Pathé
- Date de sortie Blu-Ray : 1er Juin 2016
- Date de sortie originale en salles : 15 septembre 1936
- Durée : 95 minutes
- Note : 8/10 par 1 critique
Image : 5/5
Cette restauration de ce classique de chez Pathé est un pur bijou. Le master est de très loin le meilleur à disposition pour ce La Belle Équipe, notamment grâce à un noir et blanc qui retrouve de son aspect flamboyant. La définition, la compression, tout est optimal et c’est une belle habitude dans cette collection.
Son : 4/5
Une piste française en Dolby Digital 2.0 aussi propre que le matériel d’origine le permet. Bien évidemment, la netteté à son maximum est impossible pour une production comme La Belle Équipe, et la technique de prise de son de l’époque. Reste que l’ensemble est d’un équilibre maximum, les dialogues bien mis en relief.
Bonus : 4/5
« Au fil de l’eau« , un excellent documentaire de 25 minutes qui revient avec passion sur La Belle Équipe. Le programme donne la parole à deux intervenants prestigieux et pointus : Eric Bonnefille (auteur de « Julien Duvivier : le mal-aimant du cinéma français« ), Hubert Niogret (auteur de « Julien Duvivier : 50 ans de cinéma« ), et des interviews d’archive de Charles Spaak (scénariste du film), Viviane Romance (comédienne à l’affiche), et Julien Duvivier lui-même. Signalons que l’on y trouve la fin « heureuse » haï par le réalisateur.
Synopsis
Cinq ouvriers chômeurs parisiens, Jean, Charles, Raymond, Jacques et Mario, un étranger menacé d’expulsion, gagnent le gros lot de la loterie nationale. Jean a l’idée de placer cet argent en commun, dans l’achat d’un vieux lavoir de banlieue en ruine, qu’ils transformeront en riante guinguette dont ils seront les copropriétaires. Ils s’attellent à la besogne avec confiance. Mais la solidarité du groupe est fragile… Le destin s’acharne sur eux. Bientôt, il ne reste plus de la joyeuse équipe que Charles et Jean qui sont amoureux de la même femme, Gina.
Le film
La Belle Equipe, voilà un film historiquement important, peut-être plus intéressant pour sa légende que pour son contenu. Il faut d’abord rappeler que Jean Renoir a bien failli le tourner en lieu et place de Julien Duvivier. Une information importante, primordiale même pour comprendre pourquoi le film fut assez vite « récupéré » politiquement. En effet, Renoir va tourner l’un de ses chefs-d’œuvre, La Grande Illusion, mais c’est bel et bien cette histoire d’une bande de parisiens, chômeurs, qui va se bouger pour quelque part « ubériser » la situation sociale catastrophique du pays (2016 n’a rien inventé, on ne le répétera jamais assez) qui intéresse le réalisateur de La Règle Du Jeu. Pourtant c’est bel et bien Julien Duvivier, l’une des têtes de turcs des odieux personnages de la Nouvelle Vague, qui va s’atteler à La Belle Équipe, lui qui pourtant n’a absolument rien d’un cinéaste engagé.
De ce fait, on a un peu du mal à comprendre l’engouement du Front Populaire pour La Belle Équipe, clairement pas un film qui nous rappelle une quelconque idéologie politique. Au contraire même, à y regarder de plus près le scénario prend soin d’éviter les discours, et présente l’Homme comme seul maître de son destin, décisionnaire en dernier lieu. Ce n’est pas un tribun qui donne envie aux cinq amis de se sortir de la mouise, c’est le gain d’une tombola. L’argent. La monnaie permet à ces chômeurs plongés dans le fatalisme de se relancer, non pas en allant flâner à la campagne mais en y ouvrant une affaire, une guinguette pour être plus précis. L’argent et le travail. La Belle Équipe n’a rien qui puisse faire penser à un brûlot contestataire, et si le récit est évidemment un gros pied-de-nez à l’État d’alors, on ne peut pas non plus dire qu’il soit remuant. Et tant mieux : l’œuvre gagne ainsi en réalisme, loin de toute considération politique le spectateur peut mieux se retrouver dans les personnages.
Cette récupération par le Front Populaire a, par ailleurs, carrément porté atteinte à La Belle Équipe jusque dans sa forme. En effet, pas vraiment content de la fin nihiliste voulue et tournée par Julien Duvivier, ce dernier s’est vu intimer l’ordre de tourner un dénouement heureux, histoire de mettre en valeur la réussite de ces hommes pour contenter une partie du peuple engagé politiquement. Un final qui dénaturait l’œuvre, mais pendant longtemps imposé, et qui aura retardé la sortie de La Belle Équipe en DVD ou BR, les ayant-droits demandant que la dernière séquence redevienne celle désirée par Duvivier… à raison. Le film tout entier gagne beaucoup en intensité dramatique grâce à ce bouquet final pessimiste.
La mise en scène de Julien Duvivier trouve dans La Belle Équipe une sorte de point d’orgue. Jouant avec finesse avec ses différents décors, menant sa barque entre théâtralité et un réalisme assez étonnant, l’œuvre est clairement importante pour son réalisateur, d’où sa colère noire quand des éléments extérieurs ont pu influencer, transformer son montage. Alors certes, la mise en scène peut paraître plate, encore que l’on a remarqué des envies esthétisantes notamment dans un traveling avant sur Jean Gabin. Ce dernier joue bien, mais beaucoup, ce qui est une constante chez le réalisateur que l’on qualifierait d’anti-bressonien à ce niveau. Le casting de La Belle Équipe, dans son ensemble, a les épaules pour supporter la force de ce récit, qui rassemble tout sur les protagonistes et non les situations.
La Belle Équipe brille pour son côté fondamentalement humain, et livre une histoire finalement douce-amère, pessimiste quant aux capacités humaines de mettre en avant l’intérêt commun. C’est justement sur ce point que le film est d’une justesse indéniable, en ne mettant jamais en avant le message au profit du réalisme. Non, l’idéologie ne fait pas les Hommes, et ces derniers peuvent s’avérer de véritables pourris derrière de bien belles paroles, rappelons-nous de l’acteur porno James Deen, qui hurlait son féminisme avant d’être pris pour violences contre une dizaine de femmes). C’est la leçon que l’on peut retenir de La Belle Équipe, un film décidément très pertinent.