Caractéristiques
- Titre : Charley le Borgne
- Titre original : Charley One-Eye
- Réalisateur(s) : Don Chaffey
- Avec : Richard Roundtree, Roy Thinnes, Nigel Davenport
- Editeur : Artus Films
- Date de sortie Blu-Ray : 6 Septembre 2016
- Date de sortie originale en salles : 1973
- Durée : 84 minutes
- Note : 7/10 par 1 critique
Image : 4/5
Charley le Borgne est présenté dans une édition restaurée d’une très belle facture. Si la colorimétrie est un peu chancelante sur une poignée de plans, tout le reste est plus que satisfaisant : c’est net, le grain a été respecté (notamment pour les courtes séquences de flashback) et les contrastes ne faiblissent pas. Une régalade, d’autant plus que le film est une véritable rareté.
Son : 4/5
Charley le Borgne nous soumet une piste : version originale sous-titrée en français, dans un Dolby Digital 2.0 là aussi d’une très bonne tenue en regard de la rareté de l’œuvre. Un petit souffle inévitable fait des siennes de temps en temps, mais pour une durée très limitée. L’équilibre est constant, jamais les dialogues n’étouffent l’ambiance sonore. Du beau travail.
Bonus : 4/5
Comme toujours avec Artus Films, il ne faut pas oublier de faire un petit tour du côté des bonus. On retrouve l’éminent Alain Petit, qui anime un module intitulé « Le blanc, le noir, le rouge » long de trente minutes. Le journaliste revient avec une passion communicative sur les forces de Charley le Borgne et de son casting.
Synopsis
Ben, un soldat noir, déserte l’armée après avoir tué un officier. Traqué par l’armée et par les Mexicains, il se retrouve perdu en plein désert, où il rencontre et sympathise avec un Indien boiteux. Lorsque Ben se fait capturer par des chasseurs de primes, l’Indien, qui jusque là ne parlait qu’à son poulet, va partir à son secours.
Le film
Décidément, le western européen est un (sous) genre qui n’a de cesse d’étonner celles et ceux qui veulent bien prendre la peine de l’explorer. Charley le Borgne nous provient tout droit d’Angleterre, pas vraiment une terre de western mais qui aura tout de même connu un frémissement au début des années 1970. Les effets sur le box office de Leone, Corbucci et consorts sont toujours solidement ancrés dans l’esprit des producteurs, même si le western connaît alors une véritable mue : l’italien se dirige vers la parodie pas finaude (une tendance surnommée « western fayot »), tandis que les américains font dans le crépusculaire.
Charley le Borgne ne s’inscrit dans aucune de ces deux mouvances, même si la violence « à l’américaine » se retrouve ici ou là. Écrivons plutôt que Don Chaffey, réalisateur à la carrière faste (Jason et les Argonautes, c’était lui), se sert en fait de cette opportunité pour pouvoir développer des thèmes qu’il n’a pu aborder auparavant. Une situation qui, d’ailleurs, rappelle celle d’un Fulci pour son très étrange (et perché) Les Quatre de l’Apocalypse, ou d’un Jodorowski avec El Topo. Ce qui prouve, d’ailleurs, à quel point le western offre des possibilités tant narratives, formelles, que fondamentales.
Charley le Borgne s’ouvre sur une fuite en avant, celle d’un soldat nordiste afro-américain qui vient d’envoyer ad patres un supérieur hiérarchique. Un point de départ qui va aussi être celui de l’une des analyses de l’être humain les plus belles, les plus justes que l’on ait pu voir sur un écran. Oui, carrément. Dans sa cavalcade, le fugitif, qui ne porte pas de nom, rencontre un indien plongé en pleine sieste. L’homme noir va alors recréer, comme par réflexe, des conditions de captivités cruelles dont il a été la victime. Il va brimer celui qu’il forcera à être son compagnon de route, le menacer, faire jouer sa supériorité physique. Car, faut-il le rappeler, la volonté de domination sur autrui n’a aucune couleur : elle est présente partout, au sein de tous les peuples, et de toute époque. Tout comme l’esprit de solidarité, la camaraderie, qui vont lier, au fil du temps, ces deux hommes comme enfermés dans un immense désert.
Charley le Borgne, ce n’est ni l’acteur blanc, ni le noir, ni le rouge. C’est un poulet à un œil, avec lequel l’indien va sympathiser. Devenu sédentaire après avoir pris possession d’une église abandonnée, en plein milieu du désert, le duo va apprendre à vivre ensemble et survivre notamment en élevant des cocottes. Cela donne au film une énergie positive, celle d’une vie pas facile mais paisible, à l’écart de l’agitation et des colts. Le problème est que l’Ouest n’est pas du genre à aimer la sérénité. Le destin va s’acharner contre les deux personnages, en leur envoyant un chasseur de prime cruel, et d’autres embûches que nous vous spoilerons pas, rassurez-vous. La menace est d’ailleurs très bien maîtrisée par le réalisateur, qui nous rappelle sporadiquement que l’univers qui entoure les deux hommes est violent, et qu’il n’attend qu’une pichenette pour se déchaîner tel un ouragan meurtrier…
Charley le Borgne profite d’un récit efficace, mais aussi d’un casting de grande classe. Les deux têtes d’affiche sont des acteurs chevronnés : Richard Roundtree (Shaft, Maniac Cop) et Roy Thinnes (Les Envahisseurs). Un duo qui fonctionne avec une aisance assez phénoménale, de par une présence physique sans fausse note. Le second des comédiens cités est le sujet, en plus, d’une véritable transformation physique : si vous reconnaissez David Vincent, alors on vous tire notre chapeau. Si l’on ajoute que la durée de l’œuvre lui confère un rythme soutenu loin d’être désagréable, et que le travail sur la musique contribue parfaitement à une ambiance très 70’s, alors on peut écrire que Charley le Borgne est une découverte à ne rater sous aucun prétexte.