Caractéristiques
- Titre : Antiporno
- Titre original : Anchiporuno
- Réalisateur(s) : Sono Sion
- Avec : Ami Tomite
- Genre : Drame, Erotique
- Pays : Japon
- Durée : 78 minutes
- Date de sortie : 17 Décembre 2019 en DVD
- Note du critique : 3/10 par 1 critique
Synopsis
Kioko, star de la mode, s’ennuie dans son appartement. Alors qu’elle attend Watanabe, une rédactrice en chef chargée de l’interviewer, elle commence à dominer et humilier son assistante personnelle. Mais les rôles vont peu à peu s’inverser. À moins que tout ça ne soit fictif ?
La critique
C’est devenu une coutume depuis quelques éditions, qui dit Étrange Festival dit Sono Sion. Et cette année, les amateurs de ce réalisateur pour le moins atypique sont encore gâtés : ils auront droit au documentaire The Sono Sion, et cet Antiporno qui nous arrive tout droit des tables de montage de la Nikkatsu. On connaît le rythme effréné dans lequel le metteur en scène s’est enfermé petit à petit, faisant passer Miike pour un paresseux de la pire espèce. Chez Culturellement Vôtre, on se pose des questions quant à ce tempo de sortie, bien trop élevé pour ne pas risquer un impact direct sur la qualité de certains projets. Et nous allons voir que nos craintes sont avérées.
Antiporno est né d’une volonté de la Nikkatsu de relancer un genre typiquement japonais : le roman porno. Que les fans de Dorcel se calment, ici il n’est pas question d’actes non-simulés, mais plutôt d’histoires faisant la part belle au sexe, bien évidemment, mais aussi à des récits tout aussi intéressants. Il suffit de se procurer un certain Love Bandit Rat Man pour s’en convaincre. Faire appel à Sono Sion pour relancer cette mouvance ne nous semblait pas pertinent, tant sa vision du monde, et particulièrement du Japon, ne s’accorde pas avec un travail uniquement axé sur ce genre. Antiporno risquait, pour faire simple, d’être hors-sujet… et cette crainte se concrétise très vite.
Antiporno débute comme un Sono Sion, se termine comme un Sono Sion, et entre les deux coule du Sono Sion. Si un reproche ne peut pas être porté au réalisateur, c’est d’avoir vendu son âme. Celle-ci est bien présente : le personnage principal est une femme mal dans sa peau, et la cause en est le système. Pour relever la sauce, le metteur en scène va utiliser le coup du « film dans le film », figure de style qu’il a déjà utilisée récemment dans Why don’t you play in Hell avec un panache éclatant. Il fera aussi appel à la boucle temporelle, histoire de pousser son personnage principal dans ses derniers retranchements. Dans un appartement, ou ce qui semble l’être, on assiste au pétage de plomb survolté de Kioko, dont la sexualité bridée par le monde qui l’entoure est clairement pénible à vivre.
Ce premier acte d’Antiporno, braillard jusqu’à la nausée, prend fin d’une façon qui rappelle à toutes et tous que, même s’il rate le coche, Sono Sion est passé maître dans l’art de la manipulation du medium cinéma. L’artifice en lui-même, un assaut brutal contre le quatrième mur, ne surprend guère mais fonctionne à la perfection tant il est préparé. Le problème est que pour atteindre ce point d’osmose entre le spectateur et le résultat du récit manipulé passe par tout ce qui peut être détestable chez le réalisateur. Maîtrisé ou pas, Antiporno vocifère son cinéma à grands coups d’actrices complètement hystériques, de mouvements de caméra pas toujours justifiés et de choix esthétiques vulgos.
Le fondamental d’Antiporno n’est pas spécialement en cause encore que, vous le savez, nous sommes du genre à voir d’un mauvais œil les raccourcis d’un certain féminisme (l’homme est un salopard, la femme une pauvre petite victime, la belle affaire !). Mais écrivons que ce thème au sein d’un roman porno peut se justifier sans aucun problème. Encore faut-il que cela soit amené correctement, et ce n’est pas le cas. Tout est affaire de femmes dans Antiporno, les seuls hommes croisés forment l’équipe technique du « film dans le film », ce qui les pousse à l’extérieur des enjeux malgré quelques petits gags très en marge. Du coup, quand Sono Sion nous sort une énième saillie auditive (on insiste : les hurlements de ces actrices sont à la limite du supportable) sur l’homme japonais, on est tenté de lâcher un bon gros « on s’en fout ».
C’est d’ailleurs l’état d’esprit qui domine alors qu’Antiporno se termine dans une explosion de couleurs certes chatoyante mais incroyablement faible fondamentalement. Sono Sion ne rate pas seulement le coche d’un pur point de vue émincé de son contexte de production, il est aussi un sacré raté dans une optique de relance du roman porno. Outre qu’en fait le metteur en scène détruit, déconstruit le genre (ce qui ne nous gêne pas, par ailleurs), c’est surtout qu’il s’essuie aussi les pieds dessus en n’apportant aucune envie au spectateur de continuer l’aventure, d’enchaîner. Et ça, c’est indéfendable.