Caractéristiques
- Titre : Extant : saison 2
- Créé par : Mickey Fisher
- Avec : Halle Berry, Pierce Gagnon, Jeffrey Dean Morgan, Grace Gummer, Tyler Hilton, Kiersey Clemons, Henderson Wade
- Editeur : Universal Pictures Video
- Date de sortie coffret DVD/Blu-Ray : 6 septembre 2016
- Durée totale : 585 minutes
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- Note : 7/10 par 1 critique
Image : 4/5
Universal réalise un travail très propre avec ce master sans signes visibles de compression pour un écran de taille moyenne, au piqué tout à fait correct. Les contrastes et les couleurs assez froides de la série sont bien rendus.
Son : 4/5
La série est proposée en version originale sous-titrée et en VF. Le mixage, irréprochable en V.O., assure un bel équilibre entre dialogues, musique et bruitages. La version française se débrouille plutôt très bien, même si on notera tout de même un petit manque de relief par rapport à la version originale.
Bonus : 3/5
Des suppléments assez complets sont proposés sur le dernier DVD : outre un bêtisier rigolo mais dispensable, on trouvera un aperçu de la saison 2 commenté par l’équipe, comportant des observations intéressantes malgré l’aspect très promotionnel de ce type de contenu, un tour des décors, un mini making-of de la scène du rêve de Molly se déroulant dans une fête foraine et un autre du final de la série, une vidéo centrée sur les Humanichs Ethan et Lucy, une autre sur la relation entre Molly et JD et enfin des scènes coupées.
Si une bonne partie de ces suppléments sont assez conventionnels dans leur forme, avec des résumés de l’intrigue et de l’évolution des personnages, le point de vue de Mickey Fisher sur cette saison 2 très différente de la précédente est intéressant, de même que les parties making-of, qu’on aurait d’ailleurs aimé voir davantage développées.
Synopsis
Molly Woods a perdu son fils humanix Ethan, enlevé par la Sécurité Intérieure, son mari John, décédé dans un accident, et son fils hybride, mort d’une crise de convulsion chez un couple qui l’avait recueilli. Internée dans un établissement psychiatrique, l’astronaute s’enfuit après avoir reconnu le mode opératoire des hybrides dans la mort de plusieurs femmes enceintes. Chez la dernière victime, elle rencontre JD Richter, un policier indépendant qui enquête sur cette affaire…
Critique de la saison
Après une saison 1 avançant sur des chemins balisés, agréable à regarder, mais un peu molle et manquant d’une certaine ampleur, Extant revient pour une seconde et ultime saison supérieure en tous points. Nous retrouvons donc Molly Woods six mois après les événements du season finale, dans une impasse terrible. Les événements des mois précédents (décès tragique de son mari, mais aussi de son fils hybride, retrait de la garde de son fils humanoïde par l’État) nous sont révélés par le biais de flash-backs qui rythment le premier épisode, ce qui permet de condenser la narration et de rendre la trame de cette saison 2 d’autant plus efficace puisqu’il n’y aura pas le moindre temps mort tout au long de ces 13 épisodes de 42 minutes. Cependant, cette méthode bien rodée des flash-backs possède aussi quelques désavantages : ainsi, la liaison extra-conjugale de John Woods avec Julie, sa collaboratrice zélée avec laquelle il a créé Ethan, l’enfant-robot qu’il élève avec Molly, apparaît ici très tirée par les cheveux en raison de cette présentation abrupte, qui donne la désagréable impression d’avoir été ajoutée in extremis afin de justifier la suite des événements et la disparition brutale du personnage incarné par Goran Visnjic, l’acteur ayant décidé de voler vers d’autres horizons.
La première moitié de ce premier épisode nous prend donc à rebrousse-poil et nous fait craindre pour la suite, mais c’est finalement l’inverse qui se produit : la série ne cesse de nous surprendre agréablement épisode après épisode, pour aboutir à une conclusion peut-être pas aussi forte que ce qu’elle aurait pu être, mais en tout cas réussie et cohérente avec le concept de la série, que le showrunner et les scénaristes ont ici affiné et enrichi. Ainsi, si la saison 1 pourrait être résumée comme étant un croisement entre Rosemary’s Baby et Solaris, cette saison 2 serait davantage un mélange de A.I. et Dollhouse, la série de Joss Whedon. La thématique de l’intelligence artificielle, qui est depuis le début, et de loin, la plus forte de la série produite par Steven Spielberg, devient ici centrale. Traité tout au long de la saison 1 avec bien plus de finesse que le thème de la « rencontre du troisième type », bien trop plan-plan et convenu tout au long de cette première saison, dont l’histoire de complot vaguement réminiscente de celle d’X-Files ne parvenait jamais à en retrouver le sel, ce sujet central dans la littérature (Asimov, Arthur C. Clarke…) comme dans le cinéma de science-fiction, prend dans la saison 2 toute l’ampleur qu’il méritait et donne lieu à des situations véritablement prenantes.
Sans réinventer l’eau chaude — les différentes considérations d’ordre éthique et moral abordées l’ont déjà été auparavant dans des oeuvres assez connues, comme le film de Spielberg, donc — Extant poursuit la logique engendrée par la création d’Ethan, petit robot plus vrai que nature conçu par l’ingénieur en biomécanique John Woods pour être le fils du couple stérile qu’il forme avec l’énigmatique Molly, dont le travail à la NASA l’entraîna vers une mission spatiale au long cours qui lui permis de fuir provisoirement ses sentiments contradictoires vis-à-vis de ce petit être programmé pour se comporter comme un enfant. Il aurait en effet été absurde de penser que la création de robots impossibles à distinguer des êtres humains à l’oeil nu n’allait pas intéresser une puissance telle que celle des États-Unis, toujours à la recherche d’armes plus perfectionnées. Si les années 2010 étaient celles des drones, le futur proche dans lequel se déroule Extant était destiné à voir arriver des armées d’Humanichs impitoyables, sortes de super-soldats quasi-indestructibles, ne s’embarrassant pas d’éthique ni d’empathie. Après tout, dira en somme la présidente de la Commission de Sécurité Globale dirigeant les opérations, cela serait tellement dommage de leur donner nos si humaines faiblesses ! A moins que…
Vous l’aurez deviné, la saison 2 d’Extant s’amusera à brouiller la frontière entre humains et robots : un parti pris attendu, déjà vu certes, mais conduit de manière très intelligente grâce à l’apparition d’un personnage qui devient dès lors la « grande soeur » d’Ethan, désormais élevé par Julie : Lucy. En dehors de son nom très symbolique puisqu’il s’agit du premier Humanich femme, Lucy a en effet la particularité d’avoir une apparence, une manière de s’exprimer et des mimiques en apparence très innocentes, ingénues, alors qu’il s’agit d’une véritable machine à tuer, capable de supprimer sa cible comme d’autres ouvriraient une canette de Coca. Le charisme de Kiersey Clemons fait des merveilles, tandis que le scénario la rend clairement menaçante et dangereuse sans pour autant que le spectateur ne la rejette. Comme Ethan, Lucy ressemble au départ à une enfant vierge de tous préconçus lorsqu’elle est mise en service pour la première fois. Elle découvre donc le monde et les humains petit à petit, et ne tarde pas à ressentir une forme d’injustice lorsqu’elle découvre que ses « protecteurs » et créateurs sont capables de mensonge et tromperie. La machine prend conscience qu’elle n’est qu’un tas de ferraille pour les humains et menacera d’entraîner l’innocent Ethan sur une pente bien dangereuse, ce qui donnera lieu à ce qui sera sans doute le suspense le plus intéressant de la série, devant l’issue du combat hommes-machines, forcément courue d’avance pour une série grand public.
Comme Lucy n’a pas de considérations éthiques, ni les limiteurs qu’on aurait dû lui placer afin de la rendre docile, elle apparaît d’autant plus dangereuse, et donc bien plus intéressante. Cependant, puisque Charlie, le geek sentimental, lui a donné le libre-arbitre, son évolution sera plus subtile et imprévisible que celle d’une simple machine à tuer. Si Ethan est toujours aussi attachant, la star de cette saison, c’est donc elle. Le personnage de Julie, aux décisions très critiquables, prend également de l’épaisseur, ce qui sert bien l’intrigue.
Halle Berry est toujours assez égale à elle-même, c’est-à-dire tout à fait sympathique et assez convaincante dans l’ensemble, mais un peu sur la même hauteur, ce que les détracteurs de l’actrice ne manqueront pas de lui reprocher. Cependant, le rôle de Molly évolue de manière notable durant cette saison 2 : moins tournée vers la maternité, problématique de la saison 1, elle s’oriente davantage vers l’action, ce qui sied bien au personnage. Halle Berry accompagne avec justesse cette évolution et se montre tout à fait crédible durant les scènes d’action. Son nouveau partenaire, Jeffrey Dean Morgan (Grey’s Anatomy), se glisse dans la peau du flic solitaire, alcoolo et séducteur avec un certain charme et son alchimie avec la star est palpable, même si leur histoire ne provoquera pas de réels frissons.
Avec son développement de l’intrigue extraterrestre, la série fait un tour à 360° et retourne complètement tout ce qu’elle avait pu nous dire à ce sujet durant la saison 1 : les extraterrestres ne sont plus des créatures nécessairement menaçantes et, menés par le fils de Molly, une communauté hybride dont l’héroïne devient la mère symbolique voit bientôt le jour. Lors du premier épisode de la saison 2, les séquences mettant en scène ce fils extraterrestre évoquent Le village des damnés, avec un sentiment de menace toujours présent. Mais il ne faudra que quelques épisodes pour que le scénario nous offre une perspective quelque peu différente, qui changera la donne. Difficile d’en révéler trop sans spoiler plus que de raison, disons simplement que la trame explorera la peur de l’altérité (à l’origine de toutes les histoires d’invasion extraterrestre), et une dimension métaphorique évoquant certaines périodes de l’histoire des États-Unis, mais aussi des événements bien plus récents. Cette dimension symbolique, qui aurait pu être un peu lourde au sein d’une série tous publics, est exploitée de manière assez subtile, qui ne distrait jamais du contexte propre à la série, mais vient au contraire l’enrichir.
Le final, sans doute un brin consensuel, reste tout à fait cohérent avec la série et boucle la boucle en faisant prononcer à Halle Berry, face caméra cette fois-ci, le discours d’introduction en voix-off de Molly ouvrant chaque épisode. Chaque personnage arrive à un stade cohérent au regard de son évolution dans les épisodes précédents et la fin, offrant une conclusion satisfaisante tout en restant suffisamment ouverte, ne ferme pas complètement la porte à une suite, bien que l’annulation de la série rende un éventuel téléfilm peu probable. On se demande d’ailleurs ce que l’équipe d’Extant pourrait encore bien trouver à dire tant l’affrontement ultime entre hommes et machines a des allures de « der des ders », qui semble mettre un point final au sujet.
Seul petit regret justement : ce parti pris éclipse un peu, en dernier ressort, le comportement très critiquable de l’armée américaine, sans doute trop délicat à aborder de manière franche, même dans le contexte d’une intrigue futuriste. Extant saison 2 n’en demeure pas moins une belle réussite, prouvant qu’une série qui a eu des difficultés à trouver pleinement ses marques lors de sa première saison peut toujours s’améliorer et décoller si on lui en laisse l’occasion. Sans doute sensibles aux critiques à l’encontre de la saison 1, le showrunner Mickey Fisher et son équipe se sont remis en question sans renier le concept de la série (une réflexion SF sur la condition humaine) lui permettant de terminer son parcours en beauté.