Caractéristiques
- Titre : Beignets de tomates vertes
- Titre original : Green Fried Tomatoes
- Réalisateur(s) : Jon Avnet
- Scénariste(s) : Carol Sobieski d'après le roman de Fannie Flagg
- Avec : Mary Stuart Masterson, Mary-Louise Parker, Kathy Bates, Jessica Tandy, Chris O'Donnell...
- Distributeur : Universal Pictures
- Genre : Drame
- Pays : Etats-Unis
- Durée : 2h10
- Date de sortie : 1991
- Note du critique : 8/10 par 1 critique
Une histoire de femmes dans le Sud des Etats-Unis des années 30
Best-seller au succès inattendu lors de sa parution chez l’éditeur américain Random House en 1987, Beignets de tomates vertes de Fannie Flagg est devenu, sous la direction de Jon Avnet (producteur de Risky Business, Black Swan…), un film drôle et tendre sur le Sud des États-Unis des années 30, avec son lot de contrastes et d’émotions fortes. Un film de femmes également, centré sur une histoire d’amour (suggérée de manière claire, bien que non explicite) entre deux héroïnes aux caractères bien trempés : Idgie, garçon manqué au grand cœur (Mary Stuart Masterson) et Ruth Jamison (Mary-Louise Parker, l’héroïne de la série Weeds), douce jeune femme et cuisinière douée, battue par son mari. Resserré sur un petit groupe de personnages auxquels le spectateur s’attache durant un peu plus de 2 heures, cette comédie dramatique du début des années 90 évolue entre passé et présent, puisque c’est par l’entremise d’une vieille dame ayant connu les héroïnes, Ninny Threadgoode (Jessica Tandy, alors fraîchement oscarisée) et partageant ses souvenirs avec Evelyn Couch (Kathy Bates) depuis sa maison de retraite, que nous découvrons leur histoire.
Une histoire d’émancipation féminine à cheval entre les années 30 et le début des années 90, où les femmes puisent le courage de s’affirmer et d’aller de l’avant grâce à une amitié et une solidarité indéfectibles. Sans jamais sombrer dans le misérabilisme et le cliché — si le mari violent de Ruth est une ordure, le film possède aussi des personnages masculins positifs — Beignets de tomates vertes ausculte les démons des états du Sud de cette époque (dépendance des femmes à leur mari, Ku Klux Klan…), sans jamais se départir d’une profonde joie de vivre et d’une certaine nostalgie pour un temps où la précarité était plus grande, mais l’entraide bien plus développée. L’authenticité des échanges entre Idgie et Ruth donne le ton, et permet au film d’osciller entre humour et émotion, tout en évitant le pathos larmoyant que certains rebondissements dramatiques auraient pu appeler. De ce point de vue là, le film de Jon Avnet possède un petit quelque chose de Forrest Gump avant l’heure, en plus sobre et la dimension satirique en moins. Les deux œuvres ont en tout cas en commun une même pureté émotionnelle, portée par une intrigue véhiculant des sentiments universels.
Une histoire d’amour suggérée plus que montrée… pour un succès familial
Il était par ailleurs encore assez osé, au tout début des années 90, de réaliser un film grand public centré autour de la relation entre deux femmes qui, si elle n’est jamais explicitement donnée comme étant homosexuelle, est assez clairement suggérée en ce sens. Si la romancière Fannie Flagg ainsi que les actrices auraient préféré que le réalisateur aille au-delà de la simple suggestion, Jon Avnet a préféré ne pas s’aliéner les studios en faisant le choix de se concentrer sur l’amour que se portent les deux femmes plutôt que sur leur sexualité. Un parti pris qui permis à Beignets de tomates vertes de se positionner comme un vrai film familial, sans prêter le flanc à la moindre polémique, qui aurait pu détourner l’attention de l’intrigue en elle-même. Le métrage fonctionna assez bien au box-office puisqu’il rapporta près de 120 millions de dollars dans le monde pour un budget initial de 11 millions.
Le réalisateur, dont il s’agissait du premier long-métrage derrière la caméra — il se tournera, par la suite, principalement vers la télé, tout en poursuivant son activité de producteur de cinéma — embrasse cette histoire riche en émotions pour en faire une chronique tour à tour drôle et désabusée parlant aussi bien d’émancipation que de transmission, où la chaleur des rapports humains domine malgré la violence de l’époque ou l’isolement des personnes âgées dans le présent, sans oublier la quête de perfection pesant sur les femmes. Cette dernière dimension est explorée avec humour à travers le personnage incarné par Kathy Bates, qui donne suffisamment d’allant à Evelyn Crouch pour que les quelques petits clichés 90’s de l’épouse cherchant à attirer l’attention de son mari buveur de bière l’œil rivé sur la télévision ne fassent pas trop tiquer.
Avnet sait par ailleurs faire preuve d’une juste dose d’ironie, qui permet d’instaurer une certaine distance avec le cours de développement personnel new age auquel assiste Evelyn, rendant la situation assez drôle. Cette chronologie contemporaine fonctionne avant tout grâce à l’alchimie entre Kathy Bates et Jessica Tandy, 82 ans à l’époque (elle disparaîtra trois ans plus tard) et qui insuffle au rôle de Ninny une vraie malice. Les séquences de transition sont par moments assez convenues, mais l’ensemble fonctionne grâce à la synergie et la cohérence de ce casting de haute volée, qui nous plonge dans cette histoire aussi classique que touchante avec une rare intensité. On sort de Beignets de tomates vertes avec l’impression de connaître intimement ces femmes, et de sentir le goût des fameux beignets titiller nos papilles.