[Critique] Free Fire : bullet ballet

Caractéristiques

  • Titre : Free Fire
  • Réalisateur(s) : Ben Wheatley
  • Avec : Cillian Murphy, Brie Larson, Patrick Bergin, Babou Ceesay, Enzo Cilenti, Tom Davis, Armie Hammer, Mark Monero, Jack Reynor...
  • Distributeur : Metropolitan FilmExport
  • Genre : Action
  • Pays : Royaume-Uni
  • Durée : 90 minutes
  • Date de sortie : 14 Juin 2017
  • Note du critique : 6/10

Critique

Parmi les réalisateurs qui ont le don de ne laisser personne indifférent, Ben Wheatley figure en bonne place. Jeune metteur en scène carrément génial, ou petit malin de la pire espèce, les avis varient, mais toujours dans ce genre d’extrêmes, ce qui ne fait qu’accentuer un fait indéniable : ses films sont toujours accompagnés d’une vision, qu’elle plaise ou non. On se souvient de son Kill List, que l’on trouve particulièrement réussi chez Culturellement Vôtre, et dont le découpage faisait tellement sens qu’il se positionnait à la même hauteur que le récit. Si les débats autour de son talent font toujours rage (sauf chez Martin Scorcese, tellement fan qu’il occupe le poste de producteur exécutif sur le film), on ne peut qu’affirmer que le concept de son nouveau film, Free Fire, envoie du lourd sur le papier. Surtout si vous êtes du genre à apprécier les gunfights bien énervés…

L’histoire de Free Fire prend place dans les années 1970, alors qu’un mystérieux deal d’armes doit être conclu par deux bandes de bandits un peu sur les nerfs. Bien entendu, rien ne se déroulera comme prévu, et comme les armes sont présentent en quantité, vous imaginez bien que les comptes vont se régler de manière radicale. Ce pitch rapide sert de base à un développement dont les limites réelles sont maîtrisées : un lieu, une histoire, une fusillade, mais une problématique qui ouvre l’horizon. En effet, quoi de plus permissif, pour un scénariste, que de se retrouver avec une bande de cinglés armés jusqu’aux dents, et enfermés dans un hangar désaffecté ? Voilà un paradoxe que les scénaristes, Amy Jump et Ben Wheatley, ont su canaliser dans un cheminement parfois chaotique mais assez captivant pour qu’on ne décroche pas.

Clairement, ce n’est pas avec Free Fire que Ben Wheatley va se réconcilier avec ses haters habituels. Car le film fait aussi place nette au concept, au point parfois qu’on ne perçoit que celui-ci à l’écran. L’histoire progresse, certes, mais non sans que le réalisateur ne s’amuse avec son spectacle de marionnettes pétaradant. Ainsi, celles et ceux dont la cinéphilie est marquée par différents gunfights, on pensera notamment aux films made in HK, ou à toutes ces œuvres qui culminent dans un mexican standoff sous tension, devraient porter attention à ces lignes. Ces personnes de (très) bon goût éprouveront certainement un plaisir d’à peu près tous les instants, surtout que le récit ne connaît quasiment aucun temps mort. L’introduction, par exemple, ne s’encombre pas de palabres inutiles, et montre le strict minimum afin d’atterrir le plus vite possible dans ce fameux théâtre des balles perdues.

Une balle dans la tête

image casting free fire ben wheatley
© Metropolitan FilmExport

Une belle averse de plomb à prévoir donc, mais aussi une bonne dose de bons mots. En effet, Free Fire n’est pas avare en répliques acerbes, aussi tranchantes que les personnages sont fourbes. Là aussi, le film ne fait pas dans la demie-mesure, en choisissant parfois de donner la priorité aux échanges verbeux alors que la pluie de plomb se déverse de toute part. Un choix assumé, assurément afin de donner à l’ensemble un aspect cool qui, là encore, pourra faire débat. Ce qui le fera moins, c’est la qualité de ces dialogues, savoureuse à souhait, et la partition des comédiens. Car Ben Wheatley est toujours aussi bon dans sa direction des acteurs, lesquels maîtrisent parfaitement le caractère qu’ils se doivent de rendre à l’écran. Cillian Murphy (Batman Begins, 28 jours plus tard) est, comme très souvent, rayonnant, et c’est aussi le cas d’une bonne partie du casting. On pense notamment à Brie Larson (Scott Pilgrim, Crazy Amy), dont la prestation porte énormément de la tonalité du récit (chut, on ne vous en dit pas plus). On pense aussi à l’épatant Jack Reynor (Macbeth, Sing Street), dont les apparitions sont systématiquement mémorables.

Free Fire aura, donc, capté notre intérêt et attiré notre sympathie. De par sa propension à la proposition purement cinématographique, le réel défi que s’est lancé un Ben Wheatley qu’on ne peut décidément pas qualifier de metteur en scène prudent (et ce sur l’ensemble de sa carrière), le film arrive à séduire, même s’il est loin d’être irréprochable. Ainsi, on est peut-être un peu plus réservé concernant le fond de l’œuvre, qui aborde pourtant l’un des sujets les plus précieux pour l’auteur : l’humain face au chaos, puis sa fatale régression. En effet, le spectacle prend très nettement le dessus, et l’on aurait peut-être apprécié un peu plus de réflexion au final. Une retenue qui n’entame que peu le plaisir que l’on a à se tenir au poste d’observateur de ce véritable nœud de vipères, qui provoque un hallucinant déchaînement de violence. On a fort à parier que ce dernier vous prendra à la gorge tout du long !

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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