Oui aux classiques remis au goût du jour !
Avant de rentrer plus en détails dans mon avis sur la ressortie de Secret Of Mana, annoncée il y a peu par Square-Enix, il me paraît important de vous infliger un préambule de papi-vieux con, qui ne peut s’empêcher d’étaler son expérience certes intéressante mais très personnelle, comme pour mieux l’imposer aux autres. Ce que l’on aborde là, ce n’est ni plus ni moins que l’un des meilleurs jeux de tous les temps. Tous supports confondus. Et non, il ne s’agit pas que du point de vue d’un gamer de plus de trente ans, donc pas du tout allergique à la 2D.
Tout, autour de ce titre, a fait en sorte de construire une véritable légende. Sorti alors que la France ne connaissait que très vaguement le concept de l’action-RPG (on avait eu droit à Mystic Quest, mais guère plus), Secret Of Mana a déchainé les passions. Très bien noté dans les magazines de jeux vidéo (98% dans Player One), à l’époque où ces derniers se vendaient encore, ce hit est sorti en novembre 1994 sur notre territoire. Mais pas n’importe comment : accompagné d’un guide, qui a joué un grand rôle dans le côté mémorable du soft. Imaginez, c’était la première fois (d’après mes recherches, si ce n’est pas le cas veuillez me pardonner et le préciser dans les commentaires, en m’insultant autant que vous le voudrez) qu’un jeu destiné aux consoles s’annonçait si ample, si profond, qu’on pouvait avoir besoin de se référer à une soluce, très bien fichue en l’occurrence.
Il était une fois un hit
Je ne vais pas me lancer dans un test du Secret Of Mana de 1994, mais il faut appuyer sur plusieurs points. Tout d’abord, le scénario. Le jeu avait beau s’appeler Seiken Densetsu 2 au Japon, donc issu d’une série (dont le premier n’était autre que Mystic Quest, tandis que l’excellent troisième opus n’est jamais sorti en Europe), le récit se suffisait à lui-même. Il nous embarquait dans une histoire qui cultivait l’appel de l’aventure, en projetant le joueur dans la peau d’un jeune garçon forcé de quitter son village natal, après avoir découvert une épée mystique, et attiré sur lui ce que les autochtones pensent être le mauvais œil. Une façon très puissante de pousser le joueur à l’exploration d’un monde à gigantesque, motivé par des rebondissements toujours très bien distillés.
Voir Secret Of Mana ressortir, dans une version mise au goût du jour, n’est que peu surprenant. Comme souvent avec ce genre de volonté, les gardiens du temple ont levé leurs boucliers. Une façon de faire loin d’être fondamentalement méchante, mais peu pertinente en fin de compte, comme nous allons le voir. Car ce qu’il se cache derrière une partie des réactions parfois très véhémentes, lues ici ou là sur les Internets, c’est avant tout un esprit de conservation. Ce que je comprends parfaitement, étant l’un des premiers à m’offusquer, par exemple, lors de l’annonce d’un remake de Suspiria (bordel, mais quelle horreur !). Cependant, il faut toujours juger en fonction des potentiels en présence : celui du « matériel d’origine » notamment. Et là, force est de constater qu’il existe assez d’éléments à améliorer pour que Square Enix se lance dans la modernisation de son soft, tout aussi culte qu’il soit.
La perfection n’est pas de ce monde
L’un des grands chocs que provoquaient Secret Of Mana était lié à son système de combat, passionnant de bout en bout. Le personnage n’était pas le seul à évoluer. Plus on combattait avec une arme, plus celle-ci augmentait de niveau. Et c’était le même principe pour les magies, qui avaient le bon goût de provoquer des effets différents selon le personnage qui l’utilisait : Prim ou Papoï (le héros ne pouvant y avoir recours). Cela provoquait, et provoque toujours, une implication de tous les instant, ainsi qu’un levelling forcené mais pas désagréable. Par contre, côté gameplay pur, on ne pouvait que constater quelques errements. Je pense notamment à une gestion des impacts (ou hitbox, pour les amateurs d’anglicismes-qui-font-connaisseurs) très étrange. Sans être sur le même plan que la cible, un coup d’épée pouvait toucher un ennemi, ce qui m’a toujours semblé très curieux, et pas très précis. Ajoutons quelques bugs qui, une fois maitrisés, se transformaient, en glitchs (ah, le fameux weapon charging glitch…), ainsi que pas mal de petites lourdeurs inhérentes à l’époque, surtout dans les déplacements, et vous comprendrez qu’il y a matière à ce que le jeu soit amélioré.
Aussi, et tout en soulignant l’honnête travail de la regrettée Véronique Chantel (qui fut longtemps traductrice de Nintendo France) et de Virginie Tardif (qui bossait alors à la Hot Line Nintendo), je ne peux que me souvenir d’une traduction parfois totalement lunaire. Même si l’espiègle traductrice aimait laisser « sa patte », la version française s’appuyait sur l’anglaise, laquelle avait dû charcuter les textes japonais afin de les faire rentrer dans les cases. Ainsi, c’est toute une partie de l’histoire qui fut supprimée, terrible constat pour un Action-RPG misant énormément sur son récit. De même, et comme toujours à l’époque, les joueurs occidentaux n’étaient pas capables, selon Nintendo (que j’adore, hein), de faire face à un scénario abordant la religion et la mort. Alors, vous savez ce qu’il s’est passé : censure pure et simple. Dès lors, comment ne pas accueillir à bras ouvert la bonne nouvelle : cette nouvelle version embarquera de nouvelles séquences de dialogues, afin que l’histoire originale soit enfin compréhensible, et jugée à sa juste valeur. C’est une excellente nouvelle, pourquoi la bouder ?
Un remake qui se met une pression positive
Alors certes, il va falloir que cette mise à jour de Secret Of Mana s’attaque à l’ensemble des soucis, plus ou moins mineurs. J’en attends un résultat plus tranchant manette en mains, qui règle les indéniables problèmes de hitbox, ou d’ouvertures de coffres complètement à l’Ouest (le personnage effectuait parfois cette action sans même toucher le contenant). C’est, selon moi, beaucoup plus urgent que la revisite de pur ordre technique, qui va bel et bien avoir lieu. Et c’est sur ce point précis que je reste prudent, tant le pari de Square Enix ne doit surtout pas trahir les images que le jeu a su imprimer dans nos mémoires. Si les premiers screenshots peuvent rassurer, les dernières secondes du trailer de présentation laissent un peu plus circonspect, avec ce qui pourrait bien être une vision un peu enfantine de l’univers. Il n’est pas question, bien évidemment, de juger le rendu. Ça, c’est réservé pour le test, quand j’aurais l’ensemble du résultat final en mains, et devant mes yeux. J’aborde bien l’intention, et j’espère que les artistes compétents, à l’œuvre pour ce remake, ont bien capté l’essence héroïque du soft d’origine, beaucoup plus forte que le côté un peu plus mignon qui se dégageait, effectivement, de certains éléments. Qui n’a jamais voulu avoir une peluche liévro, si seulement elle avait existé sous nos latitudes ?
Hormis l’aspect purement cosmétique, il faut appuyer sur le recours à la 3D. J’ai beau adorer la 2D, je ne comprends pas ce besoin de garder les conditions d’antan. Tout comme pour les films d’ailleurs, ce n’est pas l’aspect « plastique » d’un remake qui m’intéresse, mais l’intention. Venez me dire que Sorcerer, revisite du Salaire de la peur par l’immense William Friedkin, n’a pas donné un grand film, grâce à une vision qui était propre au réalisateur de L’Exorciste. Essayez, pour voir. Bref, refuser la mise à jour technique, ça n’a pas beaucoup de sens. Peut-être que ça fragilise la position des gardiens du temple, qui vont voir une nuée de novices s’emparer du trésor intouchable. Je ne vous cache pas qu’il s’agit, de mon point de vue, d’une très bonne chose, et j’ai envie de rassurer les papy gamers un peu trop protecteurs : l’expérience qu’on a eu du Secret Of Mana d’origine, personne ne nous l’enlèvera.
Square Enix test-t-il le marché, pour reprendre la série Seiken Densetsu ?
J’ai lu aussi, sur certains réseaux sociaux (de véritables lieux anxiogènes) que réarranger la bande originale ne serait pas un signe de respect envers le travail original. Je le dis avec le plus grand respect : voilà une remarque insensée. Tous les compositeurs aiment réarranger leurs œuvres, ce n’est pas un mal, très loin de là. Et je dirais même que, pour Secret Of Mana, ça pourrait être l’occasion de sauver quelques morceaux qui, déjà à l’époque, pouvaient vite s’avérer un peu lourds. Je pense notamment au thème du village des nains (intitulé It Happened Late One Evening), qui portait vite sur les nerfs. Au-delà de ça, évidemment que les sonorités étaient merveilleuses, et je parie que le travail de Hiroki Kikuta sera bien mis en valeur.
C’est, donc, un sentiment très positif qui m’habite, après cette annonce de Square Enix. L’intention est bonne, ne se contente pas d’une simple, et parfois purement mercantile (je n’aime pas cette accusation, souvent utilisée à tort et à travers) remasterisation. Je vais enfin pouvoir rejouer à Secret Of Mana, autrement que motivé par la simple nostalgie. Aussi, il faut espérer que cette sortie sera suivie d’autres. Non, je ne parle pas d’un remake de Secret Of Evermore (encore que je fais partie de ceux qui étaient loin de l’avoir détesté, et j’assume), mais d’une cinquième itération de la série Seiken Densetsu, mise de côté après le cruel mais mérité échec du quatrième opus. Sans doute que les ventes décideront de ce destin que j’espère, de tout mon cœur…
Secret Of Mana sortira le 15 février 2018, sur Playstation 4, Vita et Steam.