[Critique] La quête d’Alain Ducasse : bobine culinaire

Caractéristiques

  • Titre : La quête d'Alain Ducasse
  • Réalisateur(s) : Gilles de Maistre
  • Avec : Alain Ducasse
  • Distributeur : Pathé Distribution
  • Genre : Documentaire
  • Pays : France
  • Durée : 1h40
  • Date de sortie : 11 octobre 2017
  • Note du critique : 6/10

Journaliste et documentariste plus particulièrement spécialisé dans les portraits, Gilles de Maistre a décroché le Graal lorsque le chef multi-étoilé Alain Ducasse, réputé pour être très secret, a accepté qu’il le suive durant deux ans durant ses déplacements professionnels aux quatre coins du monde. Le film qui en résulte est un documentaire empli d’admiration pour un homme de goût qui a fait de la gastronomie française un véritable cheval de bataille et dont l’aura continue de rayonner alors même qu’il n’est plus directement derrière les fourneaux.

La recherche de goût d’un homme derrière l’empire

image réunion la quête d'alain ducasse
© Pathé

La quête d’Alain Ducasse nous fait voyager du Japon aux Philippines en passant par Londres, le documentaire est structuré autour des préparatifs pour l’ouverture du restaurant Ore au château de Versailles, célébré en grandes pompes en présence de l’élite politique et culturelle. Des réunions autour de la conception du dîner, inspiré par les mets servis à la cour du roi, aux détails plus pratiques ou mondains, Gilles de Maistre nous fait découvrir une personnalité hors-norme dont l’aura impressionne les cuisiniers qu’il salue, un homme d’affaires aussi, gérant de nombreux restaurants à travers le monde.

image cuisiniers la quête d'alain ducasse
© Pathé

Si la presse a pu regretter, ici et là, la distance du réalisateur envers un sujet qu’il semble idéaliser, il serait injuste de reprocher à de Maistre de ne pas égratigner la figure de Ducasse en se penchant sur l’aspect purement business de son entreprise. Son film est avant tout une oeuvre sur la gastronomie, sa défense et l’incessante quête du goût d’un homme qui, même s’il ne cuisine plus que « dans sa tête », comme il le confie à un moment donné, n’en demeure pas moins un chef au palais certain et au jugement incroyablement fin et précis.

image restaurant londres la quête d'alain ducasse
© Pathé

Qu’il profite d’un voyage au Japon pour découvrir un établissement secret ne payant pas de mine mais où les sashimis et autres spécialités se révèlent d’une incroyable finesse, ou qu’il goûte aux plats du jeune chef de son restaurant londonien afin de valider la nouvelle carte, Alain Ducasse apparaît comme un passionné et un spécialiste qui n’aime rien tant qu’être étonné par les émotions gustatives provoquées par un met, dans lequel des cuisiniers ont mis attention et savoir-faire. Il s’agit sans doute là de l’aspect le plus convaincant du documentaire, qui devrait plus particulièrement parler aux gastronomes.

Une forme un peu trop sage

image jardins de la reine château de versailles la quête d'alain ducass
© Pathé

Là où, en effet, on pourra se montrer plus réservés, c’est que Gilles de Maistre ne donne pas vraiment corps à cet amour épicurien de la bonne chère, à l’exception de la séquence dans les jardins de la Reine au château de Versailles, où le jeu sur le cadre et la lumière permettent davantage de nous faire ressentir l’état d’esprit du chef lorsqu’il goûte une courgette crue tout juste récoltée, et pour laquelle il s’enthousiasme.

De fait, le documentaire manque parfois un peu de relief et de contraste, de sorte que l’on se prend à regretter que le réalisateur n’ai pas troqué certains passages où les uns et les autres sont impressionnés par la présence de Ducasse contre davantage de moments comme celui-ci ou d’extraits d’entretiens à la tonalité plus intimiste, où son rapport personnel à la cuisine serait au centre. La réputation d’Alain Ducasse en tant qu’avant-gardiste du goût comme en tant qu’homme d’affaires n’est plus à prouver et, entre une discussion avec un François Hollande conquis et des séquences plus approfondies autour de l’impact qu’il a eu dans le paysage de la gastronomie française (qui est abordé, bien que trop brièvement), ce sont sans conteste les secondes qui retiendront davantage l’attention du spectateur.

Un angle qui aurait gagné à être resserré

image cuisines la quête d'alain ducasse
© Pathé

La quête d’Alain Ducasse apparaît ainsi comme un  documentaire globalement prenant et digne d’intérêt pour quiconque s’intéresse à Ducasse ou à la gastronomie, mais qui reste malgré tout entre deux eaux. Partagé entre reconstituer les nombreuses activités et déplacements du chef, nimbé d’une irrésistible aura et explorer véritablement son parcours et surtout son rapport au goût et à la cuisine, Gilles de Maistre réalise un portrait un brin frustrant, où des séquences mondaines plus dispensables prennent parfois le pas sur ce qui est pourtant le sujet central du film : la recherche du goût et la défense d’un savoir-faire.

Ces passages, où l’amour de la cuisine de Ducasse et sa précision extraordinaire surgissent sont bel et bien présents et apparaissent comme les meilleurs du film, mais on ne peut s’empêcher de penser qu’il y avait là une matière à creuser davantage, quitte à resserrer l’angle et à adopter une forme plus incarnée. Reste le plaisir de découvrir une partie des coulisses de l’empire d’une personnalité aussi révérée que critiquée et fantasmée, à travers le regard d’un réalisateur qui privilégie ici la dimension humaine du personnage derrière sa pudeur et les polémiques qui l’entourent.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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