[Critique] Veronica : quand possession rime avec satisfaction

Caractéristiques

  • Titre : Veronica
  • Réalisateur(s) : Paco Plaza
  • Avec : Sandra Escacena, Bruna González, Claudia Placer, Ivan Chavero, Ana Torrent, Consuello Trujillo
  • Distributeur : Wild Bunch Distribution
  • Genre : Horreur
  • Pays : Espagne
  • Durée : 105 minutes
  • Date de sortie : 24 janvier 2018
  • Note du critique : 7/10

Quand le fantastique surgit dans le réel

image film veronica

En 2012, la découverte de Rec 3 a sonné comme un coup d’arrêt pour le cinéma d’horreur à l’espagnole. Alors que la saga était, jusqu’ici, synonyme de gros espoirs, ceux-ci furent douchés par un long métrage désagréablement comique, trop en décalage avec ce qui faisait la grande force des deux premiers films. Le réalisateur était Paco Plaza, et seuls les cinéphiles les moins avertis avaient pu tomber sur lui, sans ne prendre aucun recul. Car, si ratage il y avait, les qualités de ce metteur en scène nous restaient évidentes. On parle tout de même de l’auteur de L’Enfer des Loups et des Enfants d’Abraham, deux efforts imparfaits mais très sympathiques, transpirant l’amour pour le cinéma de genre. Dès lors, c’est avec une vive curiosité qu’on a découvert Veronica, et ce même si le film partait avec un sérieux handicap : il raconte l’histoire, inspirée de faits réels (on connaît la musique), d’un cas de possession. Une grosse impression de déjà-vu à la lecture du synopsis, pourtant le résultat a su nous convaincre.

L’histoire du film prend place au début des années 1990, à Madrid. Veronica est une adolescente de 15 ans, qui doit suppléer sa mère, que le travail épuise, à l’éducation de ses trois frères et sœurs. Cette charge, lourde pour une fille de cet âge, est pourtant assumée de belle manière par cette dernière. Pourtant, Veronica reste une jeune personne, capable d’actes un peu irréfléchis. Alors que l’Espagne connaît une éclipse lunaire, l’adolescente voit ses cours suspendus pour l’admirer. Mais, pendant que ses camarades se pressent sur le toit, elle rejoint deux de ses copines, et entame une partie de ouija. Le délire entre amie tourne mal : un esprit répond à l’appel. Et la fin de la séance est pour le moins bâclée par les trois enfants, tandis que Veronica fait une réaction très troublante. C’est le début d’une terrible prise de conscience, car les événements inquiétants vont se succéder…

Avant cela, il faut savoir que Veronica utilise une épanadiplose narrative : le film débute par un événement que le cheminement rejoindra à la toute fin. Cela aurait pu s’avérer un peu déceptif, car le saut dans le passé, de trois jours, implique que le spectateur va avoir droit au cheminement, et moins aux effets de celui-ci. Seulement, cela fonctionne bien, avant tout grâce à une écriture qui évite pas mal de pièges que le sous-genre du film de possédé a l’habitude de semer. La première des qualités est celle de nous rendre Veronica très réelle. C’est autant dû à la prestation de la surprenante Sandra Escacena qu’à celle du contexte dans lequel le personnage évolue. La fratrie nous fait un bel effet : Lucia (Bruna Gonzalez), Irene (Claudia Placer) et Antonito (Ivan Chavero) sont tels qu’on s’imagine des enfants de leurs âges, sans pour autant faire dans le cliché. Surtout, ils apportent une émotion contradictoire : ils sont à la fois précieux et pesants.

Des personnages très convaincants

Car Veronica, ce n’est pas qu’une histoire de possession. Paco Plaza passe du temps à nous décrire un personnage rongé par les responsabilités. Et, si elle les accepte, ces charges mettent en péril son épanouissement personnel, indispensable à cet instant de sa vie. Dès lors, on est en phase avec le film, car cette description sait se faire réaliste, premier pas vers l’implication du spectateur. C’est ce que des réalisateurs comme James Wan n’ont jamais réellement compris, trop occupés qu’ils sont à imaginer le prochain jump scare qui fera fureur : on ne peut éprouver de la véritable peur que pour des personnages qui comptent, aux yeux du public. L’exorciste, l’un des meilleurs films d’horreur de l’Histoire du cinéma, le démontrait pleinement, avec ces protagonistes en crise, et ce surgissement de l’élément fantastique au sein d’une situation terre à terre. Si l’on ne compare aucunement le chef-d’œuvre de Friedkin au bon film de Plaza, on trouve que cette similitude les rapproche.

Il est dommage, cependant, que le réalisateur de Veronica se laisse parfois aller à de l’esbroufe, on pensera à un plan, monté à l’envers, sans véritable justification narrative. Et la figure de la proie de loups, intervenant par le biais d’un tableau filmé avec insistance, était aussi de trop, à notre humble avis. Un véritable regret, car Paco Plaza n’a pas besoin de ces facilités pour nous démontrer que ses idées de mises en scène en font un artiste intéressant. Sans vous en dévoiler exagérément, sachez que quelques plans-séquence nous ont scotché, notamment au cours d’un final assez effrayant. La peur, d’ailleurs, est au rendez-vous, mais sans non plus se faire très forte. Il manque peut-être une construction plus marquée de l’antagoniste, un peu trop mystérieux pour le coup. Un petit regret qui, au final, ne pèse pas lourd à l’heure de faire le bilan : le film a su nous impliquer de façon bien satisfaisante.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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