article coup de coeur

[Critique] Green Book : Un road movie drôle et poignant

Caractéristiques

  • Réalisateur(s) : Peter Farrelly
  • Avec : Viggo Mortensen, Mahershala Ali, Linda Cardellini, Sebastian Maniscalco...
  • Distributeur : Metropolitan FilmExport
  • Genre : Comédie dramatique, Biopic
  • Pays : Etats-Unis
  • Durée : 2h10
  • Date de sortie : 23 janvier 2019
  • Note du critique : 8/10

Viggo Mortensen et Mahershala Ali jouent une amitié improbable et touchante

Inspiré de la vie de Tony « Lip » Villalonga et du pianiste Don Shirley, Green Book : Sur les routes du Sud est la première comédie dramatique du réalisateur Peter Farelly, que l’on retrouve pour une fois loin des pitreries concoctées avec son frangin (Mary à tout prix, Dumb et Dumber…). Entre chronique au cœur de l’Amérique ségrégationniste et comédie enlevée autour du choc entre la personnalité truculente du chauffeur Tony et celle bien plus réservée de Shirley, le film offre surtout une superbe partition à ses deux têtes d’affiche, et plus particulièrement à Viggo Mortensen, que l’on voit pour une fois dans un rôle d’italo-américain souvent hautement comique.


L’histoire se déroule aux Etats-Unis peu de temps avant la fin de la ségrégation. Tony Villalonga, surnommé Lip (“lèvres”) en raison de sa gouaille qui le rend capable de faire avaler n’importe quoi à n’importe qui, travaille au Copacabana, night-club new-yorkais fréquenté par les stars du jazz, mais aussi toute la mafia. Son caractère franc et bagarreur lui attire les faveurs du patron, qu’il protège, jusqu’au jour où on lui propose d’être le chauffeur du concertiste afro-américain Don Shirley, qui doit partir en tournée durant deux mois dans le Sud des Etats-Unis, là où le racisme est le plus enraciné. Il accepte et, en dépit de leurs différences, les deux hommes vont peu à peu se lier d’amitié, se soutenant mutuellement. Tony devra protéger Don d’agents de police abusifs ou de citoyens peu enclins à revoir leurs préjugés, mais aussi et sans doute encore davantage de lui-même puisque ce pianiste virtuose est alcoolique, solitaire et rongé par ses démons, lui qui joue une musique « blanche » (la musique classique) pour un public blanc…

Entre comédie truculente et peinture de l’Amérique des années 60

image viggo mortensen et mahershala ali en voiture dans le film green book de peter farrelly
© Metropolitan FilmExport

Green Book : Sur les routes du Sud joue ainsi sur deux tableaux avec brio : d’un côté, une peinture subtile et saisissante de l’Amérique du début des années 60 qui, à certains égards, reste actuelle bien que les choses aient bien évidemment évolué; de l’autre, une comédie truculente où l’on assiste à la naissance d’une amitié improbable. Deux dimensions parfaitement complémentaires au sein d’une histoire d’autant plus touchante qu’elle déjoue souvent nos attentes. Si le film de Peter Farrelly est ouvertement un plaidoyer pour la tolérance, il le fait sans prendre de pincettes, et avec un humour qui emporte tout sur son passage, comme celui où Don Shirley tente d’expliquer au glouton Tony, qui a fait un crochet par le KFC, que ce n’est pas parce-qu’il est noir qu’il mange nécessairement du poulet frit. L’écriture précise et le jeu impressionnant des acteurs, qui rendent compte de l’authenticité de ces deux hommes uniques en leur genre, permet de dépasser les lieux communs et de déboucher sur des situations souvent drôles et décalées, mais profondément humaines.

De même, le rire peut laisser place au drame et à l’émotion en un battement de cils, comme Don Shirley pouvait, en un accord, nous emmener là où l’auditeur n’aurait su le soupçonner. Ainsi, l’une des boutades de Tony en milieu de métrage donne lieu à un face à face avec Mahershala Ali —impressionnant dans un rôle toujours sur le fil entre réserve, méfiance et spontanéité — d’une gravité à coller des frissons. Le pianiste accepte mal le sentiment d’avoir « trahi les siens » en perçant dans le milieu de la musique classique, et laisse entrevoir, en quelques mots d’une souffrance déchirante, pourquoi il a perdu contact avec les siens et se détruit à petit feu. Si les films engagés autour de la communauté afro-américaine et l’identité noire sont loin d’être rares ces dernières années, le scénario de Brian Furrie touche là, il nous semble, quelque chose de très juste que nous n’avons pas souvent eu l’occasion de voir. Aussi n’est-il pas étonnant de voir que le film vient de récolter un certain nombre de nominations pour les prochains Oscars.

Les oscillations de Green Book entre humour et drame renforcent d’ailleurs encore davantage l’émotion lorsque celle-ci émerge, ou l’indignation lorsque le rire tourne soudain au jaune. Peter Farrelly se joue des clichés (sur les noirs, sur les italo-américains…) et nous transporte au cœur d’une amitié poignante le temps d’un road movie hors du temps, aussi drôle qu’émouvant.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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