Caractéristiques
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Test effectué sur :
- PlayStation 4
- Xbox One
- Développeur : Daedalic Entertainment
- Editeur : Daedalic Entertainment
- Date de sortie : 24 avril 2019
- Acheter : Cliquez ici
- Note : 7/10 par 1 critique
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Existe aussi sur :
Une trilogie remarquable, et un quatrième opus en-deça
Si le Point & click fut un genre roi des années 1990, force est de constater que la donne a brutalement avec le changement de milli-milli, milli-milli-millénaire (les vrais capteront la référence). Suite au cuisant échec commercial, mais pas artistique, de Grim Fandango, les grands auteurs de ce genre si particulier ont préféré se faire la malle, du moins un temps. Avec le soulèvement de l’industrie vidéoludique indépendante, voilà que certains petits studios tentent ce qu’on pensait impossible : la résurrection de ces jeux d’aventure et d’énigmes plus ou moins farfelues. On pensera aux méconnus mais très impressionnants Anna’s Quest et Stasis. Moins courageux, on signale aussi les récentes sorties de grands classiques, comme Full Throttle Remastered. Et certains estiment même que des softs comme Life Is Strange forment une évolution du style vers plus de narration. Au milieu de tout ça, les allemands de Daedalic Entertainment ont aussi participé à la résurgence du Point & click, avec une quadrilogie aujourd’hui entièrement disponible sur PlayStation 4 et Xbox One : Deponia.
Deponia Collection rassemble les quatre opus déjà sortis individuellement : Deponia, Chaos on Deponia, Goodbye Deponia et Deponia Doomsday. Vous comprendrez qu’il sera impossible d’aborder ici les événements des scénarios des suites, sous peine de spoiler allégrement. Aussi, sachez que la quadrilogie se situe exactement dans le même univers, avec des personnages récurrents, et pas mal d’auto-références. Dès lors, on ne peut que vous conseiller de découvrir ce remarquable quatuor dans l’ordre de parution, afin de ne pas troubler votre bonne compréhension des événements. Ceci étant précisé, il faut appuyer sur ce qui est certainement la plus grande des forces de Deponia Collection : l’écriture. Le joueur est propulsé sur la planète qui donne son nom à la licence, dans une ambiance qui rappellera bien des choses aux amateurs d’animés japonais. En effet, la planète que nous découvrons est peuplée de prolétaires, qui doivent supporter une véritable déchèterie à ciel ouvert. Et, dans le ciel, le satellite Elysium, habité par les bourgeois, se déleste de ses immondices tranquillou loulou. De quoi former un contexte particulier, bourré d’humour très noir.
Dans chacun des jeux de la Deponia Collection, on incarne Rufus, jeune homme détestable au possible, rêveur invétéré mais surtout armé d’un égo comme on en a rarement observé. Rassurez-vous, c’est maitrisé par Daedalic Entertainement : cela apporte évidemment des situations bien saugrenues, et le caractère extravagant de cet anti-héros figure justement parmi les belles réussites de la quadrilogie. Véritable satisfaction : les deux premières suites, Chaos on Deponia et Goodbye Deponia, ne font qu’embellir cet agréable constat, en exploitant talentueusement les codes installés dès le premier soft. On a une petite préférence pour le dernier cité, aussi bien parce qu’il clôt admirablement la trilogie, mais aussi car l’évolution de Rufus y est pertinente. Oui, il reste cet insupportable bonhomme très imbu de lui-même. Cependant, on le sent différent d’au début de son cheminement. Aussi, les personnages secondaires ont fait l’objet d’une attention indéniable : beaucoup restent en mémoires, tant par leur caractère que pour les événements qu’ils provoquent. Par contre, on doit bien signaler que le quatrième épisode, Deponia Doomsday, se place qualitativement en-deça des autres. La faute à une tonalité plus axée sur la mise en valeur des spécificités de la série, à destination des fans, que sur l’envie de créer une véritable nouvelle aventure. On pourra donc le considérer comme un simple hommage, moins efficace dans sa narration.
Cinquante heures d’aventures méchamment drôles
« Alors c’est bien cool tout ça, mais c’est en français ? », vous demandez-vous sûrement, et à juste raison. Oui, les sous-titres sont entièrement traduits dans la langue de Molière, et avec un soin un peu déséquilibré. Là encore, on remarque que la trilogie formée par Deponia, Chaos on Deponia et Goodbye Deponia est un peu mieux lotie que le quatrième opus, lequel a droit à quelques coquilles parfois embarrassantes. D’ailleurs, dans l’ensemble, on ne peut passer outre certaines tournures de phrases pas très finaudes. Rien de bien gênant, mais il est dommage que cette sortie n’ait pas été l’occasion de corriger cela. Au-delà de cette pensée, on peut aussi regretter que Deponia Collection ne propose pas de bonus. On aurait apprécié que cette compilation soit un peu plus festive en fait, qu’elle aille au-delà de la qualité indéniable de la série. Cependant, il faut tout de même préciser que cette compilation brille par sa durée de vie. Pour en faire le tour, il vous faudra une bonne cinquantaine d’heures. Costaud, le filou.
Et le gameplay alors ? Deponia Collection reste d’un classique de bon goût : pas de volonté de réinventer la roue, et c’est tant mieux. Les déplacements sont faciles à gérer, même si certains tableaux s’avèrent un peu longs à traverser. Plus rapides, les allers et retours dans l’inventaire se font de manière naturelle, et le résultat se révèle tout à fait lisible. Comme pour le récent Trüberbrook, on peut afficher à l’écran les points d’intérêt, ce qui permet aussi de ne pas se laisser noyer par des environnements délicieusement fourmillants de détails. Bien entendu, ce sont les énigmes qui forment le noyaux de l’expérience, manette en mains. Et là, autant vous prévenir : c’est au niveau des grands classiques de LucasArts. Certaines des problématiques vous donneront des cheveux blancs, tant elles brillent par leur caractère abracadabrantesque. Dans la droite lignée du constat précédemment dévoilé, on remarque que l’équilibre est meilleur dans les trois premiers opus, le quatrième faisant parfois preuve d’un trop plein d’esprit délirant dans les solutions, occasionnant des blocages parfois aberrants. Globalement, le niveau reste assez ardu, et nul doute que les joueurs habitués à ce genre de soft auront, eu aussi, quelques petits moments de trouble. Votre humble serviteur a même dû avoir recours à une soluce, et ce plusieurs fois. C’est l’amour propre qui en prend un coup.
Enfin, on ne peut que féliciter Daedalic Entertainment pour son application dans l’aspect technique. La direction artistique de l’ensemble de la Deponia Collection s’avère incroyablement riche, avec des décors qui s’impriment immédiatement sur nos rétines. Certes, les animations rigides pourront surprendre, mais on y voit là un hommage appuyé aux classiques du genre. Du coup, ça ne dérange pas outre mesure. On a aussi eu droit à un ou deux bugs de collision, mais en tenir rigueur tiendrait du chipotage de mauvaise foi. Les cinématiques se révèlent aussi plutôt bonnes, un peu plates dans la mise en scène et parfois un peu courtes, mais jamais ressenties comme intrusives. enfin, la qualité des doublages d’origine est grandement appréciée. Cela apporte une belle énergie à l’ensemble.
Note : 15/20
Après cinquante heures passées en compagnie du facétieux Rufus, un constat s’impose : Deponia Collection est un exemple pertinent de la bonne santé du Point & click récent. Si le genre vous est sympathique, vous trouverez ici trois jeux qui vous feront passer des moments méchamment drôles, et un opus en forme d’hommage un peu forcé. Entièrement sous-titrée en français, cette compilation nous plonge dans l’époque de ces softs qui, malicieusement, pouvaient nous faire rager par le biais d’énigmes délirantes, parfois trop, mais (presque) toujours furieusement drôles. On regrettera tout de même que cette sortie ne soit pas plus événementielle : pas de bonus à l’horizon, et c’est bien dommage. Tout cela fait de la Deponia Collection l’occasion unique de découvrir cette série, qui mérite une meilleure reconnaissance populaire.