[Critique] Port Authority : un film sincère mais bancal

Caractéristiques

  • Titre : Port Authority
  • Réalisateur(s) : Danielle Lessovitz
  • Avec : Fionn Whitehead, Leyna Bloom, McCaul Lombardi, Devon Carpenter, Eddie Bloom
  • Distributeur : ARP Selection
  • Genre : Drame
  • Pays : Etats-Unis
  • Durée : 94 minutes
  • Date de sortie : 25 septembre 2019
  • Note du critique : 4/10

Un parcours initiatique

image critique port authority
Mais c’est quoi encore ce bordel ?

Port Authority, c’est avant tout le récit d’une rencontre entre deux êtres qui n’auraient pas dû se croiser, appartenant à des mondes différents. C’est l’histoire d’amour entre Paul, jeune homme blanc paumé, fraîchement débarqué de New York, et Vye, jeune femme noire appartenant à la communauté LGBTQ (Leyna Bloom, excellente pour son premier rôle au cinéma). Dès le synopsis, on a donc un concentré des allusions identitaires très en vogue à l’heure actuelle, qui peuvent laisser craindre une énième leçon de morale de la part des bien-pensants, pour qui les seuls bons sentiments représentent le summum du progressisme et de l’évolution humaine.

Néanmoins, Port Authority évite en partie cet écueil. Et ce grâce à une véritable sincérité de la part de ses acteurs, ainsi que de sa réalisatrice Danielle Lessovitz (également scénariste). En choisissant de coller sa caméra au plus près de ses personnages comme dans un reportage documentaire, on finit par suivre Paul dans son voyage à travers le miroir, et l’on découvre avec la même curiosité que lui cet univers marginal de danseurs noirs et queers adeptes du voguing, connus comme la communauté du Ballroom. Une expérience intéressante mais qui, de par son propos trop partisan, ne parvient pas à s’élever au-delà de sa proposition de base.

Un monde fantasmé

Une proposition pourtant simple de prime abord, car Port Authority n’est finalement qu’un Roméo & Juliette moderne, mais le concept va se compliquer, notamment dans le fait que l’énigmatique Vye est en réalité transgenre. À partir de ce constat, on commence à douter de l’intelligence de Paul, car il semble d’emblée peu probable qu’une femme « normale » et hétérosexuelle se balade gentiment, et par totalement par hasard, dans les milieux transgenres. La pseudo révélation à mi-film n’en devient que plus ridicule, et le personnage de Paul en pâtit. D’autant plus que la réalisatrice semble, sous couvert de pudeur ou du romantisme, occulter volontairement la dimension sexuelle du propos.

Franchement, et même si toutes les options restent possibles de nos jours, il est légitime de crier à l’hypocrisie quand le dilemme de l’éventuel pénis encore actif de l’héroïne se résout en dix minutes de métrage. Paul se contentant, sans réponse de sa bien aimée sur l’avancée de son opération, de culpabiliser un peu, puis d’aller volontairement se faire casser la figure (expiation ?) avant de revenir réclamer sa bagatelle en mode PLS. Une naïveté contre-productive car très clairement irréaliste, et pas seulement au sein de la communauté blanche mais également noire, musulmane, asiatique, etc. C’est un monde fantasmé que nous propose Port Authority, d’autant plus qu’il ne peut éviter, en défendant son propos, de balancer des clichés erronés sur la société actuelle.

Blancs intolérants VS Noirs LGBTQ

Comme d’habitude, le clivage blancs/noirs ou conservateurs/progressistes se sent dans la narration. Déjà, par le personnage de Lee (McCaul Lombardi) d’abord présenté comme un sauveur pour Paul en lui évitant une agression violente. Il devient par la suite homophobe, dont le métier est de déloger les propriétaires (souvent immigrés) en défaut de paiement. Un personnage pourtant intéressant, dont l’ambiguïté aurait pu servir le propos soit-disant tolérant du film. Mais non, chacun reste de son côté de la barrière et le « bon camp » ne peut être que celui de la famille LGBTQ, car Lee n’est finalement qu’un raciste blanc protégeant sa communauté, mais pouvant aller jusqu’au délit criminel pour les autres. Un vrai gâchis à notre avis, car il aurait mieux valu que Port Authority varie son message, plutôt que de le verrouiller autour d’une histoire d’amour sincère du point de vue de ses acteurs, mais artificielle du point de la narration.

La notion de famille recomposée entérine le parti pris en présentant la famille de sang de Paul comme des bourgeois blancs peu empatiques et désunie, alors que celle choisie de Vye est soudée et tolérante. Quelque soit la véracité des expériences de la réalisatrice Danielle Lessovitz sur ce monde en marge, on sent dans Port Authority à la fois le souhait de la faire émerger au grand jour, et également ce manque cruel de recul pour hisser son film au-delà du simple pamphlet propagandiste. Pour conclure, ce long métrage ne convaincra que les convaincus, il sensibilisera peut-être certains autres, mais sans les faire changer d’avis et convaincra les restants que le progressisme exacerbé est un fantasme de bobos. Un film avec des qualités donc, mais qui échouera à briser les fractures de la société car beaucoup trop inféodé à une vision fantasmée.

Article écrit par

Depuis toujours, je perçois le cinéma, certes comme un art et un divertissement, mais aussi et surtout comme une porte vers l'imaginaire et la création. On pourrait dire en ce sens que je partage la vision qu'en avait Georges Méliès. Avec le temps, de nombreux genres ont émergé, souvent représentatifs de leurs époques respectives et les bons films comme les mauvais deviennent ainsi les témoins de nos rêves, nos craintes ou nos désirs. J'ai fait des études de lettres et occupé divers emplois qui jamais ne m'ont éloigné de ma passion. Actuellement, sous le pseudonyme de Mark Wayne (en hommage à l'acteur John Wayne et au personnage de fiction Bruce Wayne alias Batman), je rédige des critiques pour le site "Culturellement Vôtre". Très exigeant dans ma notation des films, en particulier concernant le scénario car c'est la base sur lequel aucun bon film ne peut émerger s'il est bancal ou pour le moins en contradiction avec son sujet. Je conserve une certaine nostalgie d'une époque qui me semble (pour l'instant) révolue où le cinéma ne se faisait pas à base de remakes, intrigues photocopiées et bien-pensance. Néanmoins, rien n'entame mon amour du cinéma, et chaque film que je regarde me le rappelle, car bons ou mauvais, ils restent le reflet de notre époque.

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