Cyberpunk 2077, un séisme culturel
Vous n’êtes pas sans le savoir : cette fin d’année est synonyme de deux grosses sorties, côté jeu vidéo. Tout d’abord, la nouvelle génération de consoles est disponible. C’était sans aucun doute l’événement qui devait prendre toute la lumière, mais une autre parution est venue s’immiscer en top liste des gamers : Cyberpunk 2077. Dans toutes les bonnes crèmeries dès le 10 décembre 2020 (sur PlayStation 5, PlayStation 4, Xbox Series, Xbox One, PC, Stadia et GeForce Now), distribué en Europe par Bandai Namco, ce jeu s’annonce comme un digne représentant de tout ce qu’on attend de cette industrie à notre époque. Même son développement, passionnant à plus d’un titre, en fait une sorte d’objet de culte avant même qu’il atterrisse dans nos machines. Et sa direction artistique s’annonce comme un sommet du genre. Pourquoi ? Je vais vous le dire…
Tout d’abord, et pour éclairer la lanterne des quelques ours qui n’auraient jamais entendu parler de ce titre, il faut rappeler que ce jeu ne sort pas de nulle part. Cyberpunk 2077 est le fruit d’une rencontre ambitieuse : les surdoués du studio CD Projekt RED d’un côté, et le très populaire jeu de rôle papier Cyberpunk 2020. Les deux entités partagent une même force : celle d’être très ouvert au transmédia. La première a prouvé son talent par le biais de la licence The Witcher, adaptation vidéoludique de romans heroic-fantasy parmi les plus marquants de notre temps. La seconde, par nature, pousse les joueurs à transcender le papier afin de trouver un écho dans la littérature, la musique, etc. L’association semble parfaite, et elle fait baver depuis qu’elle fut dévoilée en 2012. Oui, huit ans d’attente, c’est long, mais ça se justifie à la vue du résultat.
Je me doutais bien que CD Projekt RED allait mettre le paquet dans l’univers du titre, mais ce que je découvre petit à petit va au-delà de ce que je pouvais bien imaginer. Je connais plutôt bien le caractère dystopique du jeu de rôle papier Cyberpunk 2020, avec son background incroyablement riche, ses nombreuses classes et ses quelques extensions multipliant les possibilités. Tout cela me faisait dire que les développeurs ont du pain sur la planche en terme de prise en mains, mais ici ce n’est pas ce qui m’intéresse. C’est plutôt la traduction ingame de tout ce fourmillement. Et lorsqu’on a tous découvert les phases de gameplay, c’est ce qui m’a sauté aux yeux : avec Cyberpunk 2077, non seulement CD Projekt va livrer son jeu le plus audacieux, mais c’est carrément toute l’industrie qui s’apprête à ressentir un véritable tremblement de terre.
La direction artistique se fait d’une très grande richesse
Cela saute aux yeux, et le studio a confirmé cette intention : Cyberpunk 2077 s’inspire grandement du film Blade Runner. Le rapport avec le cinéma ne s’arrête pas là, car Tomasz Marchewka, scénariste du soft, justifie son choix de la vue subjective en invoquant l’efficacité narratrice de Rec, ou du Projet Blair Witch. Pour l’ambiance, ces néons fluorescents entêtants, l’équipe invoque le Neo-Tokyo d’Akira (on perçoit une petite saveur Tron, aussi), excusez du peu. C’est très ambitieux, et ça ne s’arrête pas là. On sent que la direction artistique est issue d’esprits très cinéphiles : Night City pourra parfois faire penser au Cinquième Élément, et ses arides alentours poussent vers Mad Max : Fury Road. Bien entendu, il faut ajouter la participation remarquée d’un Keanu Reaves pour le moins surprenant. Tout cela pour signifier qu’avec Cyberpunk 2077, le jeu vidéo n’a jamais été aussi porté sur la référence cinématographique. Et pas seulement pour la simple optique du clin d’œil : dans le but de créer un univers provoquant un véritable écho dans notre imaginaire.
Cyberpunk 2077 va aussi aller très loin dans son ambiance sonore, c’est déjà une certitude. Je base évidemment mon impression sur l’un des noms au travail sur la bande original : Marcin Przybylowicz. Vous le connaissez obligatoirement, c’est à lui qu’on doit les sublimes musiques de The Witcher 3 : Wild Hunt et de The Vanishing Of Ethan Carter. Il est ici rejoint par Paul Leonard-Morgan (qui s’était occupé de la BO de Dredd) et Piotr Adamczyk (Far Cry 5). Bref, un trio solide dont l’objectif est de façonner l’ambiance si particulière de ce jeu. Se balader dans la mégalopole Night City sera un véritable trip auditif, en passant de rues animées aux strip-clubs de Downtown. Un chiffre hallucinant vient souligner le travail effectué : il faut s’attendre à plus de 7h30 de textures sonores, lesquelles ont la tâche de rendre au mieux le caractère dystopico-multiculturel de cette immense ville. Pour les musiques, l’atmosphère a poussé les compositeurs à piocher tout autant dans la techno que le jazz, en passant par le hip hop ou le métal. Le but est clairement de proposer une expérience auditive organique au possible.
D’autres piliers culturels viennent soutenir la direction artistique de Cyberpunk 2077. Par exemple, le très grand soin apporté à la mode vestimentaire du jeu m’a sauté aux yeux. Notre avatar, V, va pouvoir être façonné selon votre goût, élément plutôt classique dans un RPG occidental. Ce qui me remue, c’est le soin apporté aux détails. Le personnage incarné par Keanu Reeves, Johnny Silverhand, est l’exemple parfait pour bien capter le rendu à la fois kitsch, anarchique et sportwear des sapes de cet univers. Tout est fait pour que le choix du vêtement ne soit pas anodin. Franchement, comment ne pas craquer pour le bomber Samurai au col rétro-éclairé du plus bel effet ? Surtout, il faut s’attendre à ce que notre dégaine influe directement le gameplay : les habitants n’auront pas les mêmes réactions selon le look du personnage. Et ce n’est pas un hasard : CD Projekt RED cherche à faire comprendre que l’habit, expression de l’individualisme, se fait d’une importance capitale dans une société devenue ultra-matérialiste. J’aime beaucoup cette intention, apportant de la profondeur à ce qui n’est, d’habitude, que de l’ordre du détail cosmétique.
Le soin du détail poussé à son paroxysme
Night City est un véritable personnage central de Cyberpunk 2077, et il me semble, à la vision des différentes trailers, que CD Projekt RED donne tout pour le faire comprendre. Dans ce futur dystopique, l’ambiance est on ne peut plus multiculturelle avec, j’en ai l’impression, de forts accents asiatique. Le jeu met le paquet sur le contemplatif, je vois venir les nombreux moments à flâner dans les six districts. Dans certains RPG occidentaux, je suis un peu déçu du manque de travail sur ce qui est proposé dans les différents lieux, bars, magasins. Sur ce que j’en ai vu, Cyberpunk 2077 va beaucoup plus loin, et donne encore une fois de la profondeur à des éléments insoupçonnés. Par exemple, l’Eurodollar, la monnaie du jeu, a une histoire. Et elle servira notamment à boire un Bloody Mary transgénique, ou à dévorer une quesadilla à la viande reconstituée. Miam miam. Je suis déjà certain qu’une balade dans le quartier tranquille de Wellsprings, proche du centre-ville, ne proposera pas les mêmes sensations que de faire des emplettes dans les ruelles étroites de Kabuki.
Pour terminer sur ce qui me fait penser que l’univers de Cyberpunk 2077 va devenir instantanément culte, impossible de ne pas aborder les moyens de locomotion. Night City représente un territoire gigantesque, et dès le début du jeu la map sera ouverte. Bien sûr, il faut s’attendre à des endroits secrets, difficilement accessibles et certainement pas dès que vous poserez les pieds en ville, mais l’intention est tout de même d’impliquer le joueur dans un environnement de suite impressionnant. Arpenter les rues à pied, pourquoi pas, mais la bagnole reste indispensable. On pourra rester cloué au sol, mais aussi posséder un véhicule volant. Cela saute aux yeux dans certaines phases de gameplay : un effort particulier a été effectué sur le rendu de la circulation, qui cherche à traduire la densité d’une telle mégalopole. Personnellement, je crois que je vais rapidement opter pour une moto : rapide et capable de se faufiler un peu partout. Quelques licences seront au rendez-vous, comme Porsche, et elles ont accepté d’être passée au moulinet dystopique. Détail plaisant, qui ne fait qu’ajouter au souci de précision de CD Projekt RED : des transports en commun pourront aussi être empruntés.
Cette incroyable précision de l’univers, cette richesse de la direction artistique, fait que Cyberpunk 2077 a tous les éléments pour devenir un véritable séisme culturel. Il faudra évidemment qu’il soit accompagné par une réussite purement ludique, une prise en mains au niveau de ces ambitions, et un contenu solide. Pour notre avis sur ces données, il faut attendre mon test, mais je peux déjà vous livrer quelques informations concernant la teneur de l’expérience. Si vous aviez peur que CD Projekt RED se soit plus penché sur la caractérisation des lieux que ce qu’on pourra y vivre, rassurez-vous immédiatement. La durée de vie s’annonce très costaude : trois cheminements principaux, entrecoupés par soixante-quinze missions secondaires toutes scénarisées avec soin, cela provoquera une grosse centaine d’heure de pratique pour les jusqu’au-boutistes. Voilà qui s’annonce imposant.