Caractéristiques
- Titre : Black Phone
- Titre original : The Black Phone
- Réalisateur(s) : Scott Derrickson
- Scénariste(s) : Scott Derrickson & Robert Cargill d'après la nouvelle de Joe Hill
- Avec : Mason Thames, Ethan Hawke, Madeleine McGraw, James Ransone et Jeremy Davies.
- Distributeur : Universal Pictures France
- Genre : Epouvante-horreur, Thriller
- Pays : Américain
- Durée : 103 minutes
- Date de sortie : 22 juin 2022
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- Note du critique : 7/10 par 1 critique
Une adaptation un peu téléphonée
Découvert par le grand public grâce à son métrage L’Exorcisme d’Emily Rose, le réalisateur Scott Derrickson a par la suite réalisé des métrages alternant le bon (Sinister) comme le nettement moins bon (Le jour où la terre s’arrêta, Doctor Strange). En fait, Derrickson n’est sans doute jamais aussi à l’aise que lorsqu’ il est à la tête d’un projet modeste sur lequel il peut imposer son univers en toute liberté. C’est le cas sur Black Phone qui, bien que plus consensuel que certains de ses aînés, s’avère être un spectacle angoissant et plutôt bien emballé qui s’adapte à merveille aux obsessions du réalisateur.
L’action se passe à la fin des années 70. Le jeune Finney et sa sœur habitent dans une petite ville du Colorado dont les camarades de classe disparaissent les uns après les autres, enlevés par un mystérieux ravisseur surnommé The Grabber (L’attrapeur). Lorsque le jeune garçon sera à son tour enlevé et séquestré dans une cave sordide, son seul échappatoire sera un téléphone au mur apparemment en panne…
Un scénario miroir
Adaptant une nouvelle de Joe Hill (le pseudo du fils de l’illustre Stephen King), Derrickson livre un double effet miroir au récit, d’abord par ses similitudes avec Sinister et ensuite avec sa propre jeunesse comme il l’a récemment révélé au magazine Empire. Cela se ressent déjà par l’atmosphère mortifère de cette petite ville aride aux maisons toutes similaires et à la fameuse cave aux murs décrépits, ainsi que par la photographie cramée qui donne à l’image une impression vintage du plus bel effet. L’univers dans lequel évolue ces enfants innocents est partagé entre les brimades des camarades de classe et des carcans familiaux nocifs qui déjà les retiennent prisonniers, au point que le Boogeyman finit par y trouver mieux sa place qu’eux-mêmes. Un Boogeyman finalement symptomatique du mal-être des protagonistes et du passé du réalisateur, qu’il convient de vaincre pour continuer à grandir.
Pris dans un jeu pour sa survie, le jeune Finney va découvrir des alliés fantomatiques inattendus, tandis que sa sœur partie à sa recherche, va utiliser son don de voyance pour le localiser lui et son bourreau avant qu’il ne soit trop tard et que les ténèbres l’engloutissent.
Si le déroulé du scénario s’avère moins original que son pitch de départ, il est cependant efficace, et ceci même si on note de nombreuses grosses ficelles qui trahissent en premier un cahier des charges à respecter puis, en second, le fait qu’il s’agit à l’origine d’une nouvelle étirée et non d’un roman complet.
Des personnages qui sonnent juste
Le duo de frère et sœur incarné par les jeunes Mason Thames et Madeleine McGraw livre une interprétation juste et touchante dans laquelle on ressent bien le lien puissant qui les unit. Que ce soit ensemble à l’écran lorsqu’ils doivent faire face à une violence tant scolaire que familiale, puis après l’enlèvement du frère, où chacun d’eux lutte pour retrouver l’autre. Le premier semble avoir une promiscuité avec l’au-delà, tandis que l’autre possède une sorte de Shining qui relie le récit de Joe Hill à l’œuvre de son père.
Bien sûr, comme le disait Alfred Hitchcock, meilleur est l’antagoniste, meilleur est le récit et, de ce côté-là, on est gâtés avec la composition terrifiante d’un Ethan Hawke qui passe presque exclusivement le métrage caché derrière un de ses nombreux masques mais qui, par le biais de ses intonations de voix et d’une présence physique imposante héritée du tournage de The Northman, compose un boogeyman certes en contradiction avec le roman (où il est décrit comme obèse), mais à l’aura tellement malsaine qu’on a l’impression qu’il peut surgir à l’écran à tout moment.
Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’Ethan Hawke avait précédemment incarné dans Sinister la victime des forces obscures avant d’en devenir ici l’exécutant. Un exécutant humain qui pourrait donner une allure de préquelle à ce métrage tant les masques qu’il porte ici rappellent le visage du Spectre de Sinister, revenant à l’image d’un Freddy Krueger ressuscité plus tard d’outre-tombe pour continuer ses basses besognes.
Notons pour finir le père violent joué avec justesse par Jeremy Davies, qui apporte une nuance rare dans ce genre de personnage et vous comprendrez que le casting de Black Phone constitue son point fort.
Décrochez le téléphone noir
Si le métrage n’est pas exempt de défauts par son statut de nouvelle étirée, une intrigue un peu prévisible et ses tics de frayeurs hérités de l’école Fais moi peur, il n’en reste pas moins un spectacle efficace et parfois effrayant qui donnera quelques sueurs froides, même sous le soleil d’été.
Aidé en cela par des compositions crédibles, le film nous plonge dans une Amérique rurale malsaine, hantée par un Ethan Hawke dont la monstruosité n’est que le révélateur d’un mal-être plus profond qui dévore l’innocence. Un métrage à conseiller, si tant est que vos goûts personnels répondent à l’appel.