Caractéristiques
- Titre : L'histoire de Souleymane
- Réalisateur(s) : Boris Lojkine
- Avec : Abou Sangare, Alpha Oumar Sow et Nina Meurisse.
- Distributeur : Pyramide Distribution
- Genre : Drame
- Pays : France
- Durée : 93 minutes
- Date de sortie : 9 octobre 2024
- Acheter ou réserver des places : Cliquez ici
- Note du critique : 7/10 par 1 critique
Dans son nouveau film, Boris Lojkine nous raconte l’histoire du migrant clandestin Souleymane. Celui-ci, au début du film, livre des repas via Uber Eats à des particuliers. Il doit gagner un peu d’argent afin de payer des gens pour obtenir de faux papiers afin d’être naturalisé. Problème : il n’a que deux jours pour amasser suffisamment d’argent pour obtenir ces papiers et ainsi obtenir le droit d’asile.
L’uberisation de la société, un problème global
Le film se déroule donc sur un temps très court dans sa diégèse, une sensation d’urgence constante est présente durant l’intégralité du film. Nous sommes directement au cœur de l’action et de la vie de Souleymane. Il doit faire sa livraison le plus vite possible dans des rues de Paris bondées. Nous sommes dans une fiction, mais le film aurait pu être un documentaire tant nous avons la sensation d’être au plus proche du réel, celui qu’on ne filme jamais. Les thématiques qu’il va réussir à traiter sont variées. A chaque livraison, on peut avoir le point de vue de différentes personnes sur le travail de Souleymane. Chaque rencontre peut être interprétée comme une critique de l’ubérisation de la société et de la manière dont les gens vont traiter notre personnage principal comme un esclave.
Des moments d’accalmie entre deux livraisons seront parfois possibles pour permettre d’en apprendre plus sur le passé de Souleymane. Nous voyons également les fraudeurs qui profitent du vide que leur laisse l’Etat français pour promettre des papiers aux clandestins. Un véritable business de la misère est dénoncé.
Dans une société où tout un chacun peut être considéré comme une marchandise, tout est marchandable. Même si ces fraudeurs jouent avec l’espoir de jeunes immigrés, chacun veut sortir de la misère. Le scénario traite bien ces sujets. Le problème devient économique, global, touchant toute la société. Mais, dans un même temps, cette situation a été créée par le modèle économique dans lequel nous vivons. Il faut donc repenser des lois pour ces travailleurs. On ressent à travers la mise en scène la souffrance de Souleymane, sa solitude, son isolement. Le fait qu’il n’est pas reconnu comme un être humain. Ni par l’Etat, ni par les gens qui font semblant de l’aider.
Un acteur incroyable qui porte le film
L’acteur qui incarne Souleymane s’appelle Abou Sangare. Il possède de vrais points communs avec son personnage, étant lui aussi en attente de régularisation. Son interprétation s’en ressent ainsi clairement. On lui a d’ailleurs décerné le prix du Meilleur Acteur lors du dernier Festival de Cannes, un prix largement mérité tant il porte le film sur ses épaules. Une mauvaise performance d’acteur pour traiter de ce genre de sujet aurait pu rendre celui-ci ridicule ou cliché.
Nous sommes directement en empathie avec la situation de Souleymane, qui se manifeste pendant la première partie du film par une acception passive de la difficulté de ses conditions de travail. Cela va changer au fur et à mesure que la date fatidique avance. L’interprétation de l’acteur se fait de plus en plus à fleur de peau, ce qui décuple la sensation de vie ou de mort liée à l’obtention de sa naturalisation. Dans une dernière scène magistrale en plan fixe de trois minutes, Abou Sangare fait jaillir ses sentiments et emporte le spectateur avec lui dans un tourbillon émotionnel. C’est la séquence qu’on retiendra à la fin du film.
Le film porte donc un regard marquant sur des travailleurs exploités par une énorme entreprise et qui n’ont aucun droit légal. Ce type de projet est important pour mettre en lumière des situations sociales dont personne ne parle car « c’est la loi du marché ». Le cinéma doit continuer à montrer ce qu’on ne veut pas ou ne peut pas voir. Même si l’art ne peut pas changer toutes les consciences, il a au moins le mérite d’ouvrir certains débats de société. En particulier dans un monde où l’homme a tendance à déshumaniser tous ceux qui ne lui ressemblent pas.