Caractéristiques
- Titre : Au cœur des volcans : Requiem pour Katia et Maurice Krafft
- Titre original : The Fire Within: A Requiem For Katia And Maurice Krafft
- Réalisateur(s) : Werner Herzog
- Scénariste(s) : Werner Herzog
- Distributeur : Potemkine Films
- Genre : Documentaire
- Pays : France, Grande-Bretagne, Etats-Unis, Suisse
- Durée : 81 minutes
- Date de sortie : 18 décembre 2024
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- Note du critique : 8/10 par 1 critique
Ce film documentaire, sorti en 2022, est réalisé par Werner Herzog, grand cinéaste allemand connu pour Nosferatu (avec Isabelle Adjani) et Aguirre la colère de Dieu, mais également réalisateur de documentaires depuis les années 70 – genre qu’il a privilégié ces dernières années. Il a réalisé, par exemple, Into the Abyss (2011,) Grizzly Man (2005), Au fin fond de la fournaise (2016) et a toujours été fasciné par les volcans et la nature. Il filme toujours celle-ci pour faire ressortir le mélange de beauté et de danger qu’il y trouve, mais également pour montrer le manque de contrôle de l’homme sur elle. Il reprend ici le même processus que pour Grizzly Man. Dans ce métrage, il a utilisé des images filmées par un autre et réorganisé celles-ci pour en faire un montage personnel.
Ici donc, il réutilise les rushs tournées par Katia et Maurice Krafft, deux vulcanologues français très connus dans les années 80. Ils ont filmé leurs recherches sur des volcans pendant des années avec leur caméra, soulignant autant la beauté des coulées de lave que la destruction que celles-ci peuvent causer. Il n’est donc pas étonnant que Herzog ait eu envie d’utiliser leurs images. A travers le parcours des scientifiques c’est aussi, pour le réalisateur, la découverte, à posteriori, d’une conscience de l’image appartenant aux deux amants.
Filmer la dichotomie entre beauté et destruction
Pendant une heure, nous sommes subjugués par les images du volcan, les coulées de lave, les éruptions volcaniques et les déferlantes pyroclastiques. Mais le fond sonore vient toujours nous ramener à l’aspect de destruction inhérent à ces processus naturels. Nous avons toujours droit à un fond musical orchestral rappelant un requiem, un chant nous annonçant la mort. On rappelle constamment au spectateur que la matière filmée causa la mort des personnes derrière la caméra. Nous sommes face à la nature, à sa dichotomie intrinsèque, et aussi face à la destruction implacable de la manière la plus frontale, le tout sans aucune musique. On voit des villages rasés, des populations déplacées, des animaux morts. Tous subissent les dégâts écologiques de plein fouet. En cela, filmer les répercussions des éruptions est très intéressant. On sent que les deux vulcanologues envisagent avec sérieux tous les aspects de leurs recherches, même la dimension humanitaire.
Nous sommes face à deux personnes adorant les volcans, mettant leurs vies en danger constamment, filmant chaque moment pour le conserver à jamais. C’est un film où l’on ne trouve pas que des fantômes, des gens ramenés à la vie à travers le cinéma. A travers le montage, Herzog donne un nouveau sens à ces images dans un contexte où le monde est de plus en plus concerné par l’écologie et les destructions environnementales.
Au-delà de cet aspect, le film est très peu narratif. Herzog laisse au spectateur se faire son propre avis sur les risques et les conséquences de la vulcanologie, en particulier quant à la proximité qu’ont les vulcanologues avec le cratère dans certain cas. On sent quand même une admiration pour leur travail et pour le couple qu’ils formaient. Il aurait peut-être aimé lui-même avoir une compagne fan de phénomènes naturels pour pouvoir les filmer d’aussi près. Il peut donc accomplir un rêve par procuration.
La construction d’une conscience de réalisateur
L’autre aspect intéressant du film est l’évolution des images et de la manière de filmer au fur et à mesure des années. On sent qu’on passe d’images prises sur le vif à quelque chose de beaucoup plus travaillé : une véritable mise en scène. On voit les deux protagonistes refaire plusieurs fois leur prises, essayer différents angles de champ, on a droit à une vraie réflexion sur la distance par rapport au sujet, sur ce qu’il est pertinent de montrer. Le réalisateur nous parle également du risque qu’il faut prendre pour obtenir les dites prises. Risque qui va d’ailleurs aboutir à leur mort commune. Par son montage, Werner Herzog donne une unité à leurs prises de vues, démontrant une fois encore la capacité du cinéma à créer un héritage gravé dans le temps, même après la mort. On ressent une certaine tristesse en visionnant le film et l’on comprend cependant que les deux Français sont morts pour leur passion commune. Cette passion qui est également à la base de leur rencontre. C’était pour ainsi dire inévitable et c’est un cocktail explosif d’amour et de passion qui a mené à leur mort.
Au cœur des volcans est un très bon film, qui ravira les amateurs de documentaires comme ceux de Werner Herzog. C’est un requiem beau et touchant sur la vie de deux passionnés morts de leur passion. Un film de Frankenstein qui permet d’obtenir des images aussi magnifiques que terrifiantes, avec un propos d’actualité sur la nature et la place du cinéma dans nos vies.