Caractéristiques
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- Titre : The Brutalist
- Réalisateur(s) : Brady Corbet
- Avec : Adrien Brody, Felicity Jones, Guy Pearce, Joe Alwyn, Raffey Cassidy, Stacy Martin et Alessandro Nivola.
- Distributeur : Universal Pictures International France
- Genre : Drame
- Pays : Grande-Bretagne, Etats-Unis, Hongrie
- Durée : 214 minutes avec un entracte de 15 minutes
- Date de sortie : 12 févier 2025
- Acheter ou réserver des places : Cliquez ici
- Note du critique : 9/10 par 1 critique
Dans son troisième film, Brady Corbet nous raconte l’histoire de László Toth, jeune immigré juif rescapé des camps des concentration qui arrive aux États-Unis après la guerre pour oublier ses traumatismes et reconstruire sa vie. Il s’imagine avoir trouvé dans ce pays un nouvel Eldorado. Il partira donc chez son cousin vivant à Philadelphie, pour attendre sa femme toujours bloquée à la frontière. Pour gagner sa vie, il sera embauché par un riche fils de bourgeois pour construire une librairie pour son paternel. Ici commencera sa confrontation avec un système d’exploitation ancré dans L’ADN des Etats-Unis…
The American Dream is Dead : Le rêve américain est mort
Comment survivre au fascisme, comment se reconstruire après un tel traumatisme ? Rêver d’ailleurs, d’un idéal, d’un foyer sûr. C’est ce que le personnage principal du film décide de faire en partant s’installer sur le continent américain. C’est ce rêve qui le porte. Dès la deuxième scène, on ressent ce désir partagé par une foule innombrable de personnes quand László arrive dans un bateau bondé de monde et qu’il doit s’efforcer de le traverser de part en part pour atteindre la proue. Là, il pose ses yeux sur la statue de la Liberté, qui nous apparaît inversée par un panoramique vertical en contre-plongée. Tout le message du film est contenu dans cette première séquence. Nous allons être confrontés en tant que spectateurs à un renversement du mythe américain, à une confrontation avec sa dureté et sa noirceur. Dès que László arrive, il est confronté à son cousin. Celui-ci est converti au catholicisme et doit changer son prénom pour le rendre plus conforme aux codes du pays. Il est confronté à la norme, à ce que la société exige des Juifs pour qu’ils soient acceptés. Cela crée un grand malaise parmi les membres d’une même famille, qui se considèrent différemment, vu leur degré d’assimilation.
Le film souligne également l’antisémitisme et le rejet des pauvres, propre à la société capitaliste américaine. Les longues files d’attente, la pauvreté dans la rue sont en contraste avec l’image idyllique que donne la publicité de Philadelphie que nous voyons dans le film. La ville y est décrite comme un poumon industriel où personne ne semble manquer de rien. Mais, en réalité, cette société a besoin de gens pauvres pour trimer à la solde des personnages plus riches et bourgeois. Dans ce monde, montré comme injuste, il ne reste que la solidarité entre personnes hors-normes. Le personnage principal trouvera cette fraternité auprès de ses camarades travailleurs précaires quand il devra construire la bibliothèque de son nouveau patron.
On sent pendant tout le film ce décalage entre deux classes d’Américains qui n’arrivent pas à cohabiter. C’est une société divisée par du racisme et une vision égoïste du pouvoir, caractéristique de cette classe supérieure enrichie pendant la guerre. On en parle pendant des dîners mondains et on demande même au personnage son ressenti. Il en ressort que, finalement, ces gens cultivent une curiosité malsaine, à son égard plutôt qu’une véritable empathie. Alors que la famille de László en a gardé des séquelles physiques et psychologiques, la réaction à l’oppression n’est pas la même si on ne l’a pas vécue directement. Le film nous montre également que cette oppression peut être reproduite.
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Un cycle perpétuel de violence
Durant le film, nous voyons le jeune architecte monter en grade, plagier l’attitude de ses employeurs. Avoir du pouvoir sur les autres dans la hiérarchie l’amènera à en abuser. Nous sommes dans un véritable cycle de violence destiné à se perpétuer. Cependant, pour la famille qui l’embauche, László reste toujours un Juif qu’ils sont forcés de supporter. Eux ne voient en lui que cela : ce jeune Juif ne sera jamais complètement Américain. Le film dénonce cette xénophobie latente, à la fois l’antisémitisme, mais également toutes les autres formes de racismes. On démontre ainsi que les ingrédients du fascisme sont en germe dans la société utopique des États-Unis. On ressent cette atmosphère d’oppression tout au long du film. Le personnage n’a d’autre choix que de s’enfermer dans son art, de créer pour supporter son calvaire. Il se drogue également.
Néanmoins, on ne va pas le juger : pas de condamnation par la mise en scène ou la musique, juste une profonde empathie. Suivre ces personnages pendant trois heures à la manière du Parrain de Coppola rend la tragédie plus puissante, car nous avons l’impression de connaître chaque protagoniste, bien que le personnage de la nièce de László, Zsófia, ainsi que celui du fils de Harison soient les moins développés du film. C’est dommage, on aurait aimé avoir leur point de vue sur certaines situations ou actions prises par leur famille. Notamment parce que Zsófia va développer l’un des thèmes du film : la question d’un foyer national juif.
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Partir oui, mais où ? : La construction d’Israël
Avant d’aller plus loin, je tiens à dire que mon interprétation de ce thème du film m’est personnelle. La fin et certains éléments de mise en scène pouvant être interprétés de façon différente. J’encourage donc les lecteurs à aller voir le film et à se faire leur propre interprétation. La question du foyer et de l’appartenance traverse le film. C’est naturellement que le film aborde dans certaines scènes la question de la création d’Israël, celle-ci se déroulant au même moment. Nous voyons les personnages discuter de la question autour d’une table, quand leur nièce Zsófia dit à son beau-frère et sa sœur qu’elle veut aller vivre en Israël. Cette décision fait se questionner le couple. Notamment sur ce que cela dit de leur rapport à la judéité. Il ne condamne pas cette émigration, bien que cela leur semble étrange et qu’eux ne l’envisagent pas.
Nous avons l’exemple d’une migration pour des raisons religieuses, qui semble envisagée de manière ambiguë. Dans la première scène où il est fait mention d’Israël, nous avons la voix de Ben Gourion superposée à des images de construction d’une chaise qui sera bizarrement pliée. La mise en scène nous dirait-elle, par un jeu de montage parallèle, que ce projet est obtus et sera déformé de son but principal ? Les deux scènes citées plus haut, mises en relation, peuvent le laisser penser. L’antisémitisme présent tout au long du film ne laisse à aucun moment de doute sur la nécessité d’un foyer national juif, mais met en garde le spectateur sur les dérives d’un tel projet. On peut dire des démons qui hantent l’Amérique pendant le film qu’ils représentent la supériorité d’une classe sur une autre, le racisme, l’exploitation, la déformation de la religion, la colonisation viendront se reproduire dans une autre nation hantée par ces mêmes oppressions.
![image brady corbet the brutalist](https://culturellementvotre.fr/wp-content/uploads/2025/02/the-brutalist-brady-corbet-e1739267188335.webp)
C’est la destination qui compte et non le voyage
Cela n’étant à aucun moment montré, comme la faute de la population juive de l’époque, mais comme une possibilité. Le racisme subi tout au long du film par les personnages principaux nous les rend sympathiques, et nous comprenons qu’il les amènera finalement à s’exiler en Israël car la souffrance due au rejet est insupportable. Le réalisateur montre donc deux facettes, deux raisons principales dans son film, qui poussent à cette migration. Il n’en questionne qu’une et laisse l’autre s’expliquer d’elle-même. Quand on lui pose la question en interview de son point de vue sur la question, Brady Corbet reste évasif, laissant le spectateur interpréter ce qu’il veut dire ou ne pas dire. La citation de la fin du film posée proposée par le personnage de Zsófia : « c’est la destination qui compte et non le voyage », peut être interprétée comme une déformation de la fameuse phrase qui dit précisément l’inverse. Peut-on y voir ici que, selon lui, la fin ne justifie pas les moyens ? Il est certain qu’il y a débat.
The Brutalist est donc un film puissant, actuel et très bien rythmé. On ne voit pas le temps passer. Les acteurs sont tous très bons. On ne s’ennuie pas une seule seconde. La musique est également superbement composée par Daniel Blumberg. Une épopée digne des grands classiques du cinéma américain, nous parlant d’un passé révolu, mais terriblement d’actualité. Ne vous laissez pas impressionner par la durée conséquente du film et allez le découvrir en salles !!