[Critique] Vie privée : quand l’hybridité dilue le thriller psychologique

Caractéristiques

  • Titre : Vie Privée
  • Réalisateur(s) : Rebecca Zlotowski
  • Avec : Jodie Foster, Daniel Auteuil, Virginie Efira, Mathieu Amalric, Vincent Lacoste, Luàna Bajrami
  • Distributeur : Ad Vitam
  • Genre : Drame, Policier, Thriller
  • Pays : France
  • Durée : 105 minutes
  • Date de sortie : 26 novembre 2025
  • Acheter ou réserver des places : Cliquez ici
  • Note du critique : 5/10

Nouveau long-métrage co-écrit et réalisé par Rebecca Zlotowski (Les Enfants des autres), Vie Privée, sélection officielle du Festival de Cannes 2025 Hors Compétition raconte l’histoire de Lilian Steiner, une psychiatre reconnue. Quand elle apprend la mort de l’une de ses patientes, elle se persuade qu’il s’agit d’un meurtre. Troublée, elle décide de mener son enquête. Avons-nous là un bon thriller de la part de la réalisatrice ?

Des acteurs convaincants dans un récit tiraillé

Vie privée, sur le papier, avait tout pour intriguer : un thriller psychologique feutré, une psychiatre lancée dans une enquête intime, et surtout la présence inattendue de Jodie Foster dans un rôle principal entièrement en français – on l’avait également vue dans un rôle secondaire marquant dans Un Long Dimanche de Fiançailles de Jean-Pierre Jeunet en 2004. Le résultat, pourtant, laisse une impression contrastée. Nous sommes face à une œuvre ambitieuse, élégante par moments, mais dont les choix de mise en scène et l’hybridité assumée finissent par diluer l’impact émotionnel et narratif.

Le film suit Lilian Steiner, psychiatre reconnue, qui apprend la mort de l’une de ses patientes. Bien que la police conclue rapidement à un suicide, Lilian refuse cette version et mène sa propre enquête, oscillant entre intuition, obsession et transgression professionnelle. Une excellente idée de départ, qui crée immédiatement une tension entre la rigueur clinique et le trouble intérieur d’une femme qui connaît trop bien les zones d’ombre de l’esprit humain.

Jodie Foster apporte ici une vraie force : sa manière de composer une femme brillante et pourtant fragile donne au film son souffle. Chaque hésitation, chaque regard perdu, chaque décision irrationnelle trouve une justesse que le scénario n’atteint pas toujours. Autour d’elle, le casting est solide : Daniel Auteuil en ex-mari attentionné mais désabusé, Virginie Efira en patiente plus complexe qu’elle n’y paraît, Mathieu Amalric et Vincent Lacoste dans des seconds rôles correctement esquissés.

Mais, si la distribution en impose, le film ne leur offre pas toujours l’espace nécessaire pour exister au-delà de leur fonction narrative. On sent des pistes intéressantes, des tensions latentes, mais elles restent à l’état de suggestion. Ce qui frappe surtout, c’est le mélange des tons. Zlotowski a toujours su naviguer entre réalisme et stylisation esthétique, mais ici, l’équilibre semble difficile à maintenir.

image virginie effira vie privée
Copyright Jérôme Prébois

Un mélange de tons qui fragilise le récit

Vie privée alterne scènes de comédie presque burlesques, moments d’enquête plus classiques et séquences oniriques très appuyées. Sur le principe, cette hybridité pourrait enrichir le récit en reflétant l’état mental instable de la protagoniste. Dans les faits, elle crée plutôt des ruptures de rythme et casse parfois l’élan dramatique. On passe en quelques minutes d’un échange léger entre ex-époux à une scène d’hypnose immersive filmée comme un rêve éveillé, puis à un interrogatoire semi-policier. À force de multiplier les registres, le film peine à en imposer.

Les séquences oniriques sont l’un des points les plus discutables. Zlotowski y met en scène des “régressions” dans des vies antérieures, des visions stylisées d’orchestre pendant l’Occupation, des décors surchargés de symboles. Visuellement, c’est soigné ; thématiquement, c’est ambitieux. Mais dramatiquement, cela manque de nécessité. Ces moments, qui auraient pu éclairer la psyché de Lilian, ressemblent davantage à des envolées esthétiques qu’à des révélations. Leur insertion semble plus décorative que structurante, et elles cassent la tension plutôt que de l’alimenter.

L’enquête elle-même souffre de cette construction. Le film promet un thriller psychologique, mais ne pousse jamais vraiment la dimension suspense. Lilian démarche, fouille, écoute, interprète, mais rarement avec une logique suffisamment précise pour rendre le mystère captivant. Les pistes s’enchaînent sans vraie escalade dramatique, et la conclusion, trop sage, prévisible et surtout anti climatique, manque de la puissance émotionnelle à laquelle on pouvait s’attendre. Il y avait matière à un thriller nerveux sur les limites de la perception, mais le récit reste souvent en surface, hésitant entre ironie, drame et introspection.

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|Copyright George Lechaptois

Des qualités visibles, mais un film qui peine à s’imposer

Pour autant, Vie privée n’est jamais désagréable. Le film est élégant, bien joué, parfois touchant. Zlotowski filme avec sensibilité les moments d’intimité, les doutes d’une femme qui perd pied dans un monde qu’elle croyait maîtriser. Jodie Foster porte le film avec un naturel étonnant, et certaines scènes — notamment celles où Lilian laisse tomber son masque professionnel — frappent juste. Il y a aussi un charme certain dans la direction artistique, dans les choix de lumière, dans cette atmosphère feutrée qui enveloppe tout.

Mais à trop vouloir embrasser plusieurs directions, le film finit par manquer d’empreinte. On ressort avec l’impression d’un objet séduisant mais fragile, ambitieux mais inabouti. Un film qui aurait pu marquer davantage s’il avait su choisir une voie plus nette ou pousser ses idées jusqu’au bout. Au final, nous avons un long-métrage intéressant, porté par une grande actrice, mais empêtré dans une structure trop flottante pour convaincre pleinement.

Article écrit par

Adore le cinéma en général, que ce soit les gros blockbusters ou les plus petits films, les séries TV et les jeux vidéo. Il réalise de nombreux tests de blu-ray et films en UHD 4K et couvre l'actualité cinématographique en salles.

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