Caractéristiques
- Titre : Sing Street
- Réalisateur(s) : John Carney
- Avec : Ferdia Walsh-Peelo, Lucy Boynton, Jack Reynor, Aidan Gillen,
- Distributeur : Mars Film
- Genre : Comédie dramatique, Musical
- Pays : Irlande, Grande-Bretagne, Etats-Unis
- Durée : 106 minutes
- Date de sortie : 26 Octobre 2016
- Note du critique : 7/10 par 1 critique
Après le remarqué Once (2006) et le plus méconnu mais peut-être plus abouti New-York Melody (2014), John Carney est de retour avec un troisième long-métrage centré sur la musique, Sing Street, qui se déroule cette fois-ci dans l’Irlande en récession des années 80, en pleine déferlante new wave. Le spectateur suit les aventures de Conor, un adolescent timide passionné de musique qui se retranche dans son monde pour échapper aux conflits familiaux qui déchirent son foyer. Lorsque ses parents l’envoient dans une école catholique publique, Synge Street, dirigée par un sévère proviseur en soutane, il fait la connaissance de la mystérieuse Raphina (Lucy Boynton) et décide de monter un groupe de rock pour l’impressionner, tout en cherchant à s’affranchir de l’atmosphère pesante de l’école et de sa famille.
Le Royaume-Uni et la musique pop-rock sont indissociables et, en conséquence, Sing Street s’inscrit dans une longue tradition de films musicaux ou, du moins, de films dans lesquels la musique est prépondérante pour raconter l’histoire. On pensera bien entendu à Good Morning England ou Billy Elliott, pour ne citer que deux exemples parmi les plus connus. Mais, dans veine différente, la musique n’étant pas le sujet, mais davantage un moyen d’exprimer les sentiments des personnages, c’est sans doute avec le film indépendant américain Le Monde de Charlie (2012) avec lequel le film de John Carney entretient le plus de ressemblances, tout en revendiquant une tonalité plus légère. Dans cette comédie dramatique bercée par des artistes britanniques comme David Bowie, The Smiths, New Order ou Cocteau Twins, un adolescent introverti s’ouvrait à la vie, l’amour et la musique par le biais de sa rencontre avec deux élèves plus âgés, dont une jolie fille au caractère bien trempé qui n’est pas sans rappeler à certains égards le personnage de Raphina incarné par Lucy Boynton dans Sing Street.
Désir d’émancipation et de rébellion en musique
Chronique de la jeunesse irlandaise dans les années 80, le film de John Carney se distingue par son ton enjoué et optimiste, où même le divorce des parents, la mélancolie et les chagrins d’amour sont traités avec une douceur assez révélatrice de la nostalgie du réalisateur pour cette époque, lui qui aurait rêvé, comme Connor, avoir son groupe de rock. L’écriture drôle et fine du scénario établit un équilibre délicat entre l’émotion se dégageant des situations et l’énergie brute émanant de la musique et de l’envie d’émancipation du jeune homme et Raphina. Aucune lourdeur dans le traitement des thèmes, même les plus sérieux, y compris lorsque le héros se languit de sa dulcinée, dont la situation amoureuse et familiale est assez sordide au demeurant.
Tout cela se fait bien évidemment en musique, puisque Connor et les camarades qui le rejoignent au sein du groupe passent beaucoup de temps à se chercher musicalement, prétexte qui permet à John Carney d’enchaîner les séquences musicales proposant un pastiche des différents courants musicaux de l’époque, principalement articulés autour de la new wave. Les Sing Street passeront ainsi par une phase Duran Duran pour le côté variété ou encore une phase The Cure pour la mélancolie qui se dégage de leurs morceaux. Les morceaux composés par ce groupe de débutants enthousiastes ont un côté assez naïf, ce qui les rend touchants en dépit de leur maladresse et de leur sentimentalisme adolescent, qui flirte parfois (volontairement) avec les clichés de l’époque.
De ce côté-là, le réalisateur, qui a également composé les titres originaux présents sur la bande originale, ne cherche pas à nous vendre la musique de ces adolescents comme quelque chose de novateur, il ne suggère pas que nous assistons à la formation de futures stars. Le film est avant tout centré sur l’émulation créative de l’époque et le plaisir d’expérimenter de ces jeunes qui cherchent à s’affranchir du regard des adultes et d’une certaine forme de déterminisme social. Le fait qu’ils copient adroitement le style des groupes de l’époque n’a finalement que peu d’importance, ce que dit d’ailleurs le grand frère de Connor, qui agit comme un mentor et un confident pour que son frangin évite de reproduire les mêmes erreurs que lui.
Pastiches new wave et scènes musicales inspirées
Sing Street bouillonne d’énergie et de désir à ce niveau, ce qui se retrouve dans les trépidantes séquences musicales, allant de la parodie de clip 80’s avec ses effets kitschissimes au fantasme adolescent où la fille dont est amoureux le chanteur fend la foule au cours d’une fête pour le rejoindre, sans compter un règlement de comptes avec l’autorité (qui prend ici le visage d’un homme d’Eglise, Irlande oblige) très gentiment punk. La réalisation de John Carney est au diapason avec les émotions de ses personnages et saisit les prestations aussi fraîches que convaincantes de ses jeunes acteurs, non-professionnels pour la plupart, sans jamais en rajouter. Classique mais pas plan-plan, dynamique sans recourir à un montage clippesque épileptique, Sing Street trouve le bon rythme, la bonne distance pour embarquer les spectateurs dans cette aventure musicale sans temps mort.
Si l’on regrette un peu qu’une bonne moitié du groupe de Connor soit évincée, se contentant de faire de la figuration en arrière-plan passé les premières scènes de recrutement et d’organisation du groupe (pour des raisons de durée et de structure du récit, suppose-t-on), l’intrigue du film est suffisamment forte et bien construite pour que cela ne créé pas de déséquilibre véritable au final. Ferdia Walsh-Peelo et Lucy Boynton (qui ressemble à une jeune Lana Del Rey en plus spontanée et naturelle) illuminent quant à eux l’écran grâce à des performances tout en nuances et une belle alchimie.
Au final, le film, principalement centré autour de ces deux personnages, leur doit beaucoup puisque c’est aussi la crédibilité de leur relation qui retient l’attention des spectateurs sur la durée. Sing Street pourrait être perçu comme un film musical assez classique sur la jeunesse irlandaise, réalisé dans la plus pure tradition britannique, mais cela n’apparaît jamais comme un handicap. Si quelques titres de films nous viennent à l’esprit, John Carney trouve un ton juste et personnel qui lui permet d’éviter la redite. Porté par une énergie bouillonnante et une sincère tendresse envers ses personnages, Sing Street, à défaut d’être un grand film sur la musique des années 80 qu’il ne prétend jamais être, se révèle un récit initiatique juste, drôle et touchant où les protagonistes se confrontent à l’autorité, à leurs rêves et, en définitive, à eux-mêmes afin de se réaliser.