Caractéristiques
- Titre : Jamais contente
- Réalisateur(s) : Émilie Deleuze
- Avec : Léna Magnien, Patricia Mazuy, Philippe Duquesne, Catherine Hiegel, Alex Lutz, Nathan Melloul, Axel Auriant-Blot, Mehdi Messaoudi…
- Distributeur : Ad Vitam
- Genre : Comédie
- Pays : France
- Durée : 89 minutes
- Date de sortie : 11 janvier 2017
- Note du critique : 7/10 par 1 critique
Adapté du roman jeunesse Le Journal d’Aurore de Marie Desplechin paru en 2006, Jamais contente est la chronique décalée de la vie d’une adolescente de 13 ans vive et intelligente, mais qui peut également se montrer terriblement rebelle et blessante envers ses proches. Aussi peu satisfaite d’elle-même que des autres, qui ne semblent être là que pour l’enquiquiner, dans sa vision des choses, elle commence cependant à s’intéresser à la lecture lorsque son nouveau prof de français (interprété par l’humoriste Alex Lutz) l’encourage après l’une de ses interventions en classe, et trouve également un exutoire dans la musique lorsque le frère d’une amie lui propose de devenir la chanteuse du groupe qu’il vient de créer avec deux autres garçons.
Léger, rythmé par des scènes drôles aux répliques percutantes et incisives, Jamais contente est aussi un film d’une vraie pertinence sur la jeunesse actuelle, pas celle des banlieues, ni des beaux quartiers, mais celle, lambda, issue de la classe moyenne et de familles sans histoires. Le côté social ainsi évacué, la réalisatrice Émilie Deleuze (qui s’est principalement illustrée à la télévision, notamment avec des téléfilms pour Arte) peut alors se concentrer sur la personnalité d’Aurore et le regard qu’elle porte sur la vie et ses proches, qu’elle malmène sans forcément s’en rendre toujours compte.
Capable d’une certaine lucidité, mais toujours enfant malgré tout, elle écoute avec intérêt les discours de sa meilleure amie Lola sur la frigidité et décide qu’elle en souffre, même si elle n’a fait qu’embrasser un garçon avec la langue sans rien ressentir. Et n’hésite pas à en parler lors d’un repas familial, en affirmant que comme les personnes frigides ont été abusées dans leur enfance, elle se demande bien qui a pu la violer petite… Sur cet esprit grinçant, cette comédie enlevée multiplie les scènes réussies et bien écrites, sans jamais se contenter de simplement aligner les gags. D’un bout à l’autre, on perçoit l’évolution d’Aurore, qui, de jeune fille à la forte personnalité mais un peu renfermée, toujours d’humeur bougonne, fait de plus en plus preuve de curiosité et finit par s’affirmer de manière positive.
Et si, bien entendu, Aurore s’intéresse aux garçons et se pose des questions, le scénario est suffisamment intelligent pour ne pas tourner autour de cette unique question. D’ailleurs, les adolescents les plus présents dans le film sont les membres du groupe de rock d’Aurore, des jeunes qui ont 4 ans de plus qu’elle et avec lesquels elle entretient une relation complice et purement platonique. L’affirmation de sa personnalité, trouver sa place au sein de sa famille, parmi ses amis, à l’école, sont autant de questions abordées avec humour mais une réelle finesse dans Jamais contente, qui évite les clichés inhérents à de nombreuses comédies françaises et enthousiasmera autant les adolescents que les adultes, qui se rappelleront avec vivacité ce que c’est que d’avoir 13 ans et d’avoir l’impression que personne ne vous prend au sérieux.
Une comédie percutante, où chacun en prend pour son grade
Alors bien sûr, par le côté positif qui s’en dégage ou l’absence de dimension sociale, le film d’Emilie Deleuze a un petit côté bobo. Il semble peu crédible, par exemple, que des ados de 16-17 ans demandent à une fille de 13 ans de devenir la chanteuse de leur groupe de rock, de même que les groupes d’ados ne sont plus vraiment monnaie courante de nos jours puisque le rock n’est plus du tout populaire auprès des jeunes, à tel point que la radio Le Mouv’, dédiée à une audience plutôt jeune et originellement orientée rock, a complètement remanié sa programmation en 2015 et passe aujourd’hui du rap et du R’n’B.
Cependant, cela n’est pas aussi important que cela car le scénario de Marie Desplechin, Emilie Deleuze et Laurent Guyot sonne toujours juste par son écriture, et établit des relations crédibles entre les personnages, de sorte que les situations décrites fonctionnent contre toute attente. On notera aussi que tout le monde ou presque en prend pour son grade dans le film, à commencer par le père gentiment bobo, qui s’insurge que sa fille lui demande innocemment une figurine de bébé Jésus à mettre dans la crèche de Noël. « C’est de la propagande religieuse ! » s’exclame-t-il. « Aurore, arrête de provoquer ton père », réplique sa mère, alors que, pour une fois, l’adolescente ne cherchait pas à envoyer de piques et souhaitait simplement faire un peu de décoration pour les fêtes.
Jamais contente est donc une excellente surprise, légère, détonnante et remplie de tendresse, portée par la prestation épatante de la jeune Léna Magnien, dont le charisme s’impose dès la scène d’ouverture pour s’épanouir pleinement tout du long. Habitée d’une véritable énergie, elle apporte à Aurore beaucoup de charme et de personnalité, et apparaît comme une jeune actrice très prometteuse que nous espérons revoir très bientôt sur grand écran. Le casting dans son ensemble fonctionne très bien, qu’il s’agisse des adolescents, dont c’était la première apparition au cinéma pour la plupart et qui sont tous crédibles, ou encore des excellents Alex Lutz, Patricia Mazuy ou Catherine Hiegel. Enfin, on notera que si le film est porté par l’humour sarcastique et grinçant de son attachante héroïne, la fin sait se faire émouvante sans en faire trop. Un joli moment à passer en famille.