Histoire de relancer un peu la rubrique et d’entamer l’année d’un bon pied, voici un bref et rapide aperçu des films que j’ai vus depuis le début de l’année : coups de coeur, déceptions,
indifférence…
J’ai adoré
Django Unchained de Quentin Tarantino
On aura beau dire que ce n’est pas le meilleur Tarantino (mais en même temps, c’est déjà ce qu’on disait d’Inglorious Basterds – et je ne peux être que
d’accord sur ce point – ou de Boulevard de la Mort), il n’empêche que le cinéaste américain n’avait pas été aussi inspiré depuis Kill Bill.
Drôle, dérangeant, grinçant, jouissif, le vilain garçon du cinéma américain revient sur une des parties les plus sombres de l’histoire de son pays en en faisant qu’à sa tête et en grattant là où
ça fait le plus mal : la relation entre esclaves et esclavagistes. Evidemment, on a taxé Tarantino de racisme (!!) pour ne pas avoir montré de point de vue manichéen : il n’y a
pas d’un côté les gentils esclaves et de l’autre les méchants esclavagistes. Mais ce sont justement ces zones d’ombre qui sont intéressantes : au travers du personnage du vieux noir qui sert de
maître de maison à DiCaprio, on perçoit une multitude de paradoxes ; sincèrement attaché à son maître dont il s’est occupé depuis sa plus tendre enfance, il a d’un autre côté
parfaitement intégré les préjugés des blancs à l’encontre des noirs. C’est ce côté poil à gratter qui fait tout le sel du film et rend nerveux le rire de nombreuses scènes.
Mais, outre ces considérations sur lesquelles on aura aucun mal à écrire une foultitude de choses intéressantes (il y aurait de quoi écrire une thèse – si quelqu’un ne l’a pas déjà fait – sur la
vision de l’Amérique dans le ciné de Tarantino), reste avant tout un grand moment de cinéma, un bel hommage au cinéma américain sur le thème, une BO d’enfer, des acteurs
déchaînés (Leo DiCaprio, qu’on aura rarement vu aussi déjanté, tour à tour touchant, cynique et machiavélique), des répliques qui tuent et une mise en scène – un poil plus sage
que d’habitude – qui décoiffe. En résumé : Une irrévérence qui fait du bien !
Möbius d’Eric Rochant
Cela faisait longtemps que je n’avais pas été voir de film français et encore moins de film d’espionnage français. Parmi les exemples relativement récents, il y avait eu évidemment
Agents secrets de Frédéric Schoendorffer et son point de vue hyper (trop ?)-réaliste, mais rien de bien palpitant ou glamour. D’où l’excitation
ressentie à la vision de Möbius, vrai bon film d’espionnage alliant suspense, émotion (une vraie histoire d’amour) et glamour (Jean Dujardin et
Cécile de France – qu’on avait jamais vue aussi sexy et fragile à la fois – à l’affiche). Une histoire sur le cordeau, entièrement portée par des acteurs de très haut niveau,
toujours à fleur de peau et la foi d’un cinéaste qui maîtrise son sujet avec simplicité et efficacité.
J’ai beaucoup aimé
A la merveille de Terrence Mallick
Alors oui, ce n’est pas le meilleur Mallick (on pourra même dire que c’est son film le plus dispensable si on tient compte de ses précédents chefs-d’oeuvre), oui, le cinéaste se
répète dans son utilisation de la musique, des cadrages, de ses thèmes de prédilection (relations homme-femme, parent-enfant, homme-nature)… Mais bon sang, si tous les films pouvaient receller
autant d’émotion le temps de quelques plans fébriles sur un visage de femme, d’enfant… Olga Kurylenko, belle,radieuse, libre et touchante vacille sous la caméra de l’Américain,
face à un Ben Affleck fantômatique qui prononce rarement un mot (quelqu’un se souvient-il d’une réplique prononcée par l’acteur ? Sérieusement ?), Rachel
McAdams, plus en retrait, s’interroge… L’intérêt du film ne réside pas dans son originalité ou sa singularité, mais simplement dans ces quelques beaux moments à fleur de peau où l’on
se sent partir, le vague à l’âme, vers un lieu utopique que l’héroïne appelle de toute son âme. C’est aussi un bel hommage à la France étant donné que la majeure partie du film s’y déroule,
jusqu’à son dénouement au mont St-Michel, la merveille évoquée par le titre (qui peut aussi désigner le personnage de Kurylenko, qui se ternit au fur et à mesure que son amour
pour le personnage de Ben Affleck et ses questionnements incessants l’enchaîne).
Passion de Brian DePalma
A chaque fois avec DePalma, c’est la même chose : il y a d’un côté la curiosité de voir ce que le plus français des cinéastes américains nous a réservé, l’espoir qu’il se
ressaisisse et nous offre de nouveau un vrai grand film et de l’autre, l’appréhension (voire la certitude) de le voir s’engoncer dans une prétention et une auto-référence sans fin.
Femme Fatale (2001) en était l’exemple type : un film à tiroirs d’une grande beauté plastique, à la mise en scène souvent impressionnante et inspirée pour un film à
prendre souvent au 10e degré, à l’histoire artificielle. Passionnant à étudier et analyser d’un point de vue intellectuel, mais difficile à suivre et digérer en tant que spectateur sans
haussements de sourcils.
Avec ce Passion, bonne surprise : si la mise en scène n’a rien de bien ébourifante, le cinéaste revient à davantage de simplicité et de sobriété. On pourra trouver ça
ennuyeux, mais cette humilité sert le film et le recentre sur ses deux actrices principales, dont la performance particulièrement riche et protéiforme porte littéralement ce remake d’un film
d’Alain Corneau. Noomi Rapace confirme son talent après la trilogie Millénium et la décidément très présente Rachel
McAdams prouve qu’elle n’est pas qu’une jolie blonde au visage de porcelaine. Là encore, ce n’est pas l’originalité du film qu’il faut retenir (oui, DePalma fait, encore
et toujours, du DePalma), mais sa simplicité et son efficacité.
The Master de P.T. Anderson
Un film de P.T. Anderson, c’est toujours un peu comme un cadeau de Noël qu’on a hâte d’ouvrir : le cinéaste, toujours rare, nous propose toujours un petit quelque chose à nous
mettre sous la dent, avec une mise en scène toujours magistrale et un jeu d’acteurs parmi les plus exigeants qu’on puisse trouver. The Master ne déroge pas à la règle,
malgré une longueur et une âpreté dans le ton et le propos qui ne le rendent pas faciles, loin de là. Il est assez dur, par exemple, de retrouver les touches d’humour grinçantes inhérentes à
Boogie Nights, Magnolia ou encore There Will Be Blood. Certains s’ennuieront ferme, mais pour ma part, j’ai apprécié
ce portrait fort complexe de personnages pas franchement très sympathiques et le retour en grâce d’un Joaquin Phoenix plus déjanté que jamais, après ses vraix-faux errements dans
le rap qui ont failli lui coûter sa carrière.
Mystery de Lou Ye
Présenté comme un thriller dans les salles obscures, Mystery est pourtant bien différent de cela : c’est un film onirique, souvent lent et pourtant empreint de tension,
d’émotion et de scènes coups de poing parfois durement soutenables. Ode à la liberté d’expression dans une Chine sous étroite surveillance, le film brille par ses performances d’acteur
hyper-réalistes et la mélancolie qui s’en dégage. On en sort à la fois hanté et secoué. Pas un film pour se détendre le soir (il suffit de regarder les têtes de nombre de spectateurs médusés
lorsque les lumières se rallument, entre bâillements et rires nerveux), mais un vrai film d’auteur, libre, touchant et exigeant.
Warm Bodies de Jonathan Levine
La tendance est aux films et séries TV vampiriques depuis la déferlante Twilight et True Blood. D’où un certain scepticisme dès qu’un nouveau
film « ado » sort sur cette thématique, avec en plus une histoire d’amour à la clé. Mais Warm Bodies est une vraie bonne surprise de ce côté-là : un film initiatique fort
bien écrit, très drôle (vraiment), grinçant et très touchant. Si les acteurs ne se démarquent pas forcément par leur charisme, l’alchimie est au rendez-vous. Surtout, le film de
Levine parvient à se démarquer et à convaincre à la fois en tant que comédie à la Shaun of the Dead (remplacez simplement les zombies par les vampires)
et en tant qu’histoire d’amour capable de faire s’écrouler les barrières entre monde des vivants et monde des morts… sorte de version fantastique de Fight Club, en
somme (voir le dernier plan à la toute fin).
Pas mal
20 ans d’écart de David Moreau
Bon, je ne suis pas fan des rom-coms françaises, mais il faut saluer la fraîcheur de Virginie Efira et les quelques bonnes idées qu’on retrouve dans cette comédie surfant sur la
mode des « cougars ». Petit plus : à la différence de La stratégie de la poussette, le personnage masculin est beaucoup plus complexe et mature qu’il n’y paraît, au lieu
d’être un simple grand gamin qui va être éduqué par l’amour d’une femme. Le jeu de ping-pong qui s’instaure entre les 2 devient du coup beaucoup plus intéressant…
La stratégie de la poussette de Clément Michel
J’étais allée voir cette comédie par curiosité en début d’année, sans grande conviction. Point positif : on ne s’ennuie pas, c’est bien joué, assez souvent drôle, même si on oublie assez
facilement les blagues. Charlotte LeBon convainc d’un bout à l’autre en personnage à fort caractère, drôle et piquante. Reste que le propos, plein de bons sentiments et le schéma qui se dégage
pose question : la séparation initiale du couple n’est dûe qu’au non-désir d’enfant de l’homme, artiste forcément immature, qui, forcément, mûrira au fil de l’histoire. Le parallèle entre
l’héroïne de 20 ans d’écart est du coup intéressant : on a d’un côté une héroïne indépendante, égoïste (du moins en apparence) et de l’autre une héroïne piquante et
attachante mais dont le désir d’enfant est le moteur entier du film.
Petite question au cinéma français donc : pourquoi toujours mettre d’un côté les femmes exubérantes et libres, qu’on considérera comme des égoïstes carriéristes jusqu’à ce qu’elles soient
« éduquées » par l’amour d’un homme et de l’autre les femmes maternelles qui « éduquent » les hommes immatures ? Cette segmentation, qui revient encore et encore, est un brin irritante. On passera
dessus parce-que, au final, les deux films fonctionnent et dépassent ces clivages dans le traitement des personnages. Mais, qu’aujourd’hui encore, le moteur des rom-coms à la française présentant
des personnages affichant la jeune trentaine soit le désir ou le non-désir d’enfant pose quand même sérieusement question, en matière d’originalité d’une part et de mentalité de l’autre : la
femme française se définit-elle avant tout comme une mère potentielle ?
Hitchcock de Sacha Gervasi
Les biopics se multiplient et, avant la version téléfilm de HBO avec Sienna Miller dans le rôle de Tippi Hedren (qui a récemment sorti un livre où elle accuse le
cinéaste d’harcèlement sexuel), il y a donc ce Hitchcock de Sacha Gervasi, véritable film à Oscars avec une affiche impeccable : Anthony
Hopkins dans le rôle du maître du suspense, Scarlett Johansson en Janet Leigh, Jessica Biel, etc. Académique et un peu plan-plan sur
les bords, le film éveillera surtout l’intérêt des amateurs néophytes de Psychose et du cinéaste. Se laisse regarder avec plaisir… mais un brin d’ennui.
Le monde fantastique du Magicien d’Oz de Sam Raimi
Le Magicien d’Oz hante l’imaginaire du cinéma américain depuis la fin des années 30. Il est une référence pour de nombreux cinéastes auquel il a donné envie de faire du
cinéma (Martin Scorsese et David Lynch en tête) et qui en ont gardé un tendre souvenir d’enfance… comme des millions de personnes dans le monde, pour lequel ce
conte reste une histoire de chevet incontournable. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre avec cette adaptation de Sam Raimi (que j’admire beaucoup) et j’ai en fin de compte été
surprise de m’apercevoir… qu’il ne s’agissait pas tant d’un remake que d’une vision très très libre à partir du conte. Adios donc, le personnage de Dorothy, le film se concentre sur le rôle du
magicien, escroc faussement cynique qui deviendra un vrai héros au grand coeur venu libérer le royaume d’Oz. Le film est (trop) long, on se demande parfois où on va, mais l’originalité est là, le
souffle visuel aussi et les interprètes donnent du coeur à l’histoire. Il s’agit aussi d’un bel hommage au cinéma (d’une manière assez similaire au Dracula de
Coppola ou du Elephant Man de Lynch) et, en cela, les adultes cinéphiles venus accompagner les enfants y trouveront aussi leur compte.
A voir dans l’état d’esprit adéquat, pour retrouver son âme d’enfant. La 3D, elle, est sans grand intérêt.
Déception
Hansel et Gretel : The Witch Hunters de Tommy Wirkola
Le cinéma et la TV surfent sur la vague contes de fées comme jamais, on le sait… Il n’est donc guère étonnant qu’une adaptation d’Hansel et Gretel ait vu le jour. Sauf
que… malgré le côté fun, léger, des scènes punchy, quelques répliques bien senties… on s’ennuie ferme et le film traîne en longueur. Les scènes de combat donnent parfois dans la violence
gratuite ou les mouvements de caméra nerveux pour au final pas grand chose (non, la multiplication de plans courts ou de mouvements ne signifie pas plus d’action ou de frissons pour autant),
l’émotion est absente (un personnage important meurt à la fin sans que cela ne nous fasse ni chaud ni froid)… Reste des interprètes sympathiques, une 3D décente et de quoi passer une soirée
pop-corn entre amis (on pourra en outre discuter et papoter sans perdre grand chose de l’histoire). Mais pour le frisson et la complexité de l’histoire originelle, il faudra repasser… Ou se
tourner vers un épisode de série TV : « Intolérance » de Buffy contre les vampires.
Adresse originelle : http://cecile-desbrun.over-blog.com/article-critiques-zapping-derniers-films-vus-116448777.html
116448777&ref=1735237
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http://cecile-desbrun.over-blog.com/article-critiques-zapping-derniers-films-vus-116448777.html