Caractéristiques
- Titre : Love Story
- Réalisateur(s) : Arthur Hiller
- Avec : Ryan O'Neal, Ali MacGraw, John Marley, Ray Milland, Tommy Lee Jones...
- Distributeur : Solaris Distribution
- Genre : Mélodrame, Romance
- Pays : Etats-Unis
- Durée : 1h39
- Date de sortie : 20 mars 1971 (France)
- Note du critique : 7/10 par 1 critique
Mélo tire-larmes ou beau film d’amour ?
Après vous avoir proposé la critique du célèbre roman d’Erich Segal, penchons-nous sur sa non moins célèbre adaptation cinématographique. Qui, en effet, ne se souvient pas du thème — lacrymal à souhait — de Love Story par Francis Lai ? La principale crainte en (re)découvrant le film d’Arthur Hiller aujourd’hui, est de faire face à un mélodrama ayant mal vieilli, ou en rajoutant sur le côté tragique de l’histoire par rapport au roman (très pudique), façon, « à vos marques, prêts, pleurez ».
En même temps, le film est bien noté sur Imdb et possède un atout de poids : son casting. Ryan O’Neal, s’il possède un physique assez lisse de jeune premier (mais quel charisme et quel sourire !) n’en demeure pas moins un acteur étonnant de justesse, surtout dans le Barry Lyndon de Kubrick où il interprétait le rôle éponyme. Quant à Ali MacGraw — qui ne doit sa gloire qu’à deux films, celui-ci et Guet-Apens avec Steve McQueen — il s’agit d’une actrice pour laquelle il est facile d’éprouver une réelle sympathie. Ce mélodrame ne pouvait donc pas être bien déplaisant, d’autant qu’Erich Segal a également signé le scénario.
Et, en effet, Love Story est un très beau film d’amour, bien joué et plutôt bien réalisé. Plutôt, car certains effets d’arrêt sur image ou de fondu enchaîné au ralenti ont très très mal vieilli et arrachent quelques grimaces à des moments peu opportuns. Mais, mis à part ces menus détails, il n’y a pas grand chose à reprocher au film d’Arthur Hiller.
Une adaptation fidèle et convaincante
Au cours de la première demi-heure pourtant, notre avis est plutôt réservé : si Ryan O’Neal est très juste dans le film, il semble de prime abord trop « gentil » pour le rôle. Comme nous l’expliquions dans notre critique du roman, Oliver Barrett IV est un jeune yuppie arrogant qui cumule les aventures sans lendemain et se cache derrière une carapace de gars costaud qui ne sait pas pleurer. Comme il s’agit d’une manière de se protéger, on devine vite que c’est un vrai tendre, mais le personnage reste étranger à ses propres émotions jusqu’à la toute fin de l’histoire, lorsqu’enfin, à la mort de Jenny, il parvient à pleurer dans les bras de son père, avec lequel il était fâché.
Or, Ryan O’Neal apparaît dès le départ comme un gentil nounours aux yeux doux qui se fait mener à la baguette par la sarcastique Jenny. Même si son côté plus brut apparaît un peu plus tard, il a souvent l’air au bord des larmes, que ce soit lorsqu’il demande à la jeune femme sa main ou après qu’ils aient fait l’amour pour la première fois. A ce moment-là, difficile de ne pas pester intérieurement contre ce parti-pris conventionnel. Néanmoins, à notre grande surprise, plus le film avance et plus le personnage s’endurcit, pour finalement coïncider parfaitement avec le héros du roman. Par ailleurs, si nous craignions que l’émotion ne soit trop forcée lorsqu’on apprend la maladie incurable de la jeune femme et, évidemment, lorsqu’elle meurt à l’hôpital dans les bras de son amour, il n’en est heureusement rien. Le film est en cela extrêmement fidèle au livre, d’autant plus que, fait rarissime pour une adaptation, la quasi-totalité des répliques du film sont celles, à la virgule prêt, que l’on trouve dans le roman !
Des larmes perdues dans la neige
Paradoxalement, le film reste moins émouvant que le livre. Arthur Hiller n’est pas en tort pour autant : peut-être que, par sa fidélité même à l’oeuvre d’origine, le spectateur peut éprouver le sentiment que ce film n’apporte rien de plus au texte original, mis à part la prestation (très convaincante) de ses interprètes et la fameuse musique. Ce drame est très beau, très réussi, mais nous n’avons pas pour autant été « scotchés. » Love Story n’est pas un chef d’oeuvre — ce serait franchement le surestimer — mais, par sa simplicité même, sa sobriété et le charme de ses acteurs, il s’agit d’un film qu’on savoure avec délice et émotion. Mélancolique plutôt que franchement triste, il possède la même fraîcheur que le roman, cette même volonté de prendre la vie avec légèreté tout en refusant l’auto-apitoiement malgré sa fin tragique.
Un élément néanmoins nous a surpris et confère à cette adaptation plus de pessimisme que l’oeuvre originale : alors que dans celle-ci, le héros parvenait à laisser libre cours à son chagrin dans les bras de son père et par la même occasion à se réconcilier avec lui, ici, Oliver pardonne à son père en lui révélant implicitement l’amour qu’il lui porte, mais se détourne de lui sans un regard (et sans s’autoriser à verser une larme) avant de rejoindre le stade enneigé où Jenny et lui avaient passé des moments romantiques avant son hospitalisation. Cette neige qui parcourt tout le film, tel un fil rouge, et où le héros choisit de se perdre pour de bon semble-t-il, comme l’atteste son regard éperdu qui semble fixer dans l’au-delà un bonheur terrestre disparu à tout jamais… S’ouvrant et se terminant sur ces plans identiques du jeune homme assis de dos sur un banc enneigé et le thème musical lancinant de Francis Lai, Love Story se révèle alors comme l’histoire d’un homme hanté à tout jamais par une histoire d’amour absolu, sans possibilité de rentrer un jour chez lui. Un homme qui se fait statue dans ce paysage figé dans le silence et la blancheur immaculée.