Caractéristiques
- Titre : Valmont
- Réalisateur(s) : Milos Forman
- Avec : Colin Firth, Annette Bening, Meg Tilly, Fairuza Balk, Sian Philips, Jeffrey Jones, Henry Thomas…
- Editeur : Pathé
- Date de sortie Blu-Ray : 29 mars 2017
- Date de sortie originale en salles : 6 décembre 1989 (France)
- Durée : 127 minutes
- Note : 9/10 par 1 critique
Image : 5/5
Rien à redire sur ce master de haute qualité. La restauration du film par le laboratoire de l’Immagine Ritrovata à Bologne rend justice à la photographie de Miroslav Ondrícek, qui avait déjà travaillé avec Milos Forman sur Amadeus. Les couleurs et la lumière (lumineuse en extérieur, plus feutrée en intérieur) sont parfaitement retranscrites, avec un joli grain bien dosé, nous permettant d’admirer la beauté de la reconstitution et du travail pictural. Les contrastes sont par ailleurs très bons et aucun soucis de compression visible n’est à déplorer.
Son : 5/5
Proposé en version française ou anglais sous-titré, le film est également proposé avec des sous-titres destinés aux sourds et malentendants. La piste originale DTS-HD 2.0, parfaitement équilibrée et bien répartie sur les enceintes, fait preuve d’une belle précision. La musique de Christopher Palmer se trouve ainsi joliment mise en valeur, sans jamais prendre le pas sur les dialogues. Un rendu optimal pour un film de 1989 restauré.
Bonus : 4/5
Dans un entretien de 25 minutes, spécialement enregistré pour cette édition Blu-Ray, le scénariste Jean-Claude Carrière revient en profondeur sur sa rencontre avec Milos Forman, l’adaptation du roman, mais aussi la réception du film, quelques mois après la sortie de la version de Stephen Frears. L’occasion de souligner que sa volonté, comme celle de Forman, était de montrer toute la complexité humaine à l’oeuvre à travers cette histoire maintes fois adaptée à l’écran ou au théâtre, en appuyant moins sur les rouages stratégiques à l’oeuvre dans le roman. Un supplément intéressant et réellement pertinent.
Synopsis
Rien ne résiste aux entreprises de séduction de la Marquise de Merteuil et du Vicomte de Valmont. Unis par leurs complots et leurs secrets, ils règnent sur les salons et les boudoirs de cette aristocratie qui ignore que sa fin approche. Mais ces virtuoses de l’intrigue amoureuse finiront par s’affronter…
Le film
Alors que le film s’apprête à ressortir en salles le 29 mars, Valmont de Milos Forman a également droit à sa réédition en DVD et Blu-Ray dans une version restaurée de toute beauté. L’occasion de réévaluer ce drame historique mésestimé à sa sortie en raison de sa proximité de sortie avec l’adaptation des Liaisons dangereuses par Stephen Frears, dont l’approche plus accrocheuse fut préférée aux nuances se dégageant de ce Valmont. Car, là où Frears privilégie la perversion des intrigues et manigances entre la comtesse de Merteuil et le vicomte de Valmont, qui sont ainsi présentés comme de simples archétypes, en accord avec le roman épistolaire de Pierre Choderlos de Laclos, Milos Forman vient leur apporter complexité et profondeur, teintant leurs actions d’un trouble bien plus profond sans pour autant « trahir » l’oeuvre originelle.
Manipulateurs, Merteuil (incarnée ici par Annette Bening) et Valmont (Colin Firth) le sont sans aucun doute, mais il ne sont pas agités par le cinéaste comme de simples épouvantails destinés à mettre en garde contre les dangers du libertinage, ce qui était le but avoué de Laclos, militaire de carrière, lorsqu’il écrivit Les liaisons dangereuses en 1782. Si le roman est assez jouissif à lire, de même que Glenn Close et John Malkovich se révèlent être des méchants fort charismatiques dans le film de Stephen Frears, le but ultime de l’oeuvre était de montrer l’hypocrisie et, par-dessus tout, la pourriture de cette classe sociale intouchable, évoluant au sein de la cour en toute impunité en se cachant derrière le masque du raffinement et du respect de l’étiquette.
Valmont, scénarisé par Jean-Claude Carrière, conserve l’idée de manipulation, comme celle d’hypocrisie et décrypte également les double-sens derrière les dialogues ou comportements les plus anodins en apparence, mais il redonne leur humanité aux personnages, en montrant comment leurs sentiments refoulés ou contenus influencent leurs actions. Madame de Tourvel (Meg Tilly) est troublée par Valmont mais, étant mariée, elle se doit de conserver une attitude respectable ; Valmont, de son côté, n’ose s’avouer la réalité de ses sentiments à l’égard de la jeune femme par fierté, car il a une réputation de séducteur à maintenir et que cette soudaine perte de contrôle l’effraie ; de même, Madame de Merteuil sait qu’elle ne pourra jamais conquérir le coeur de Valmont, et sa frustration se répercute également dans ses actions. La grande force du film de Milos Forman, qui construit ses plans avec un regard de peintre et d’esthète et prend son temps sans jamais faire du surplace, tient également à sa retenue : pas d’hystérie, pas de lyrisme outrancier, ce qui n’empêche pas l’émotion du spectateur lorsqu’il voit poindre, dans le regard ou à travers le sourire feint des protagonistes, une déchirure véritable.
En refusant d’être démonstratif — jusque dans la chute du personnage, reléguée au hors champ et suggérée à travers le regard d’un autre — et en changeant la fin, le cinéaste s’est certes aliéné de nombreux critiques et spectateurs, mais il a permis à Valmont de gagner en force et de trouver une identité propre, aidé par un casting alors relativement peu connu, mais dont les performances permettent de saisir toute la complexité des rapports entre leurs personnages, tout en rendant ceux-ci plus crédibles, moins archétypaux. La scène centrale où Valmont danse avec chacune des protagonistes féminines (ainsi que sa vieille tante) est en cela remarquable — comme le souligne d’ailleurs Jean-Claude Carrière dans les suppléments — qu’elle parvient à condenser à travers quelques pas de danse les relations que le personnage entretient avec ces femmes, qui sont toutes de nature différente.
Et, malgré les critiques dont le film a fait ou fait même encore parfois l’objet, force est de constater que la vision de Jean-Claude Carrière et Milos Forman a également influencé d’autres adaptations des Liaisons dangereuses, comme le teenage movie Sexe Intentions de Roger Kumble, version contemporaine et très libre sortie en 1999. Un certain nombre de scènes de ce film s’appuient ainsi de manière assez évidente sur la version de Forman, en proposant des déclinaisons de passages absents du livre. Le scénario de Kumble reprend aussi le parti pris de montrer (de manière plus appuyée) que Valmont (Ryan Philippe dans cette version) est réellement amoureux de Madame de Tourvel, dont le prénom dans le film n’est autre qu’Annette, ce qui semble être un clin d’oeil à Annette Bening, tout en suggérant que Kathryn de Merteuil (Sarah Michelle Gellar), par-delà sa perversion assumée — et bien plus clinquante que celle d’Annette Bening et Glenn Close réunies — entretient elle aussi des sentiments plus que troubles envers celui qui est montré comme étant son demi-frère par alliance. Preuve que la version de Forman a bien plus marqué les esprits que ce que l’on a pu penser, en dépit de son relatif échec au box-office.
C’est donc avec un plaisir véritable que l’on redécouvre ce film où les flamboyants Valmont et Merteuil se retrouvent pris à leur propre piège, nimbant d’une douleur discrète et exquise, mais aussi d’une vraie tendresse, ces jeux d’amour et de pouvoir dans la France du XVIIIe siècle.