Cette année, le Festival de Musique Universitaire de Belfort (FIMU) a réservé des instants mémorables à ses spectateurs, estimés au nombre de 90 000 au total. L’événement, qui s’est tenu du 1er au 5 juin inclus, en est à sa 31e édition, et a proposé 4 journées de concerts gratuits répartis sur 19 scènes dans le centre-ville, sans compter sa soirée hors-piste du jeudi, qui a permis au public de se chauffer avant le véritable début des festivités. Un public en grande partie local, mais également venu d’autres grands centres de la région Bourgogne-Franche-Comté, comme Montbéliard, Dijon ou Besançon. Les nombreux artistes venus se produire durant ces 5 jours étaient quant à eux aussi bien issus de la scène locale, française qu’internationale, avec une priorité donnée aux jeunes artistes et aux valeurs montantes. Le festival affirme son côté défricheur de talents, et ambitionne de créer des initiatives lors des prochaines éditions afin de renforcer cet aspect. Un prix du public, ainsi qu’une récompense remise par un jury, pourraient par exemple être mis en place, selon le nouveau directeur de l’événement, Matthieu Spiegel, qui travaille déjà d’arrache-pied afin de continuer à faire évoluer le festival lors des prochaines éditions. Cette 31e édition bénéficiait aussi d’un parrain prestigieux en la personne du jazzman Éric Truffaz, qui s’est produit sur la scène jazz le samedi. La ville avait également eu à coeur d’assurer au mieux la sécurité du public lors de cet événement le plus souvent en plein air et librement accessible. Des plots géants avaient été installés en extérieur, et, en dehors du traditionnel contrôle des sacs pour accéder aux lieux clos comme la cathédrale St Christophe, 6 équipes policières équipées de détecteurs de métaux effectuaient des contrôles aléatoires. L’idée étant de créer un climat de sécurité, sans que celle-ci ne soit trop visible, et donc étouffante, pour autant. Après tout, le FIMU est une véritable fête à Belfort.
Comme son nom ne l’indique pas, le FIMU n’est pas un festival de groupes étudiants, mais un événement organisé par la municipalité en compagnie de l’Université de Technologie de Belfort-Montbéliard (UTBM), financé par la ville en compagnie des associations étudiantes de l’aire urbaine, pour un budget total de 850 000€, dont 20% d’autofinancement par le biais de partenariats. Si l’on retrouvera en partie des étudiants parmi les artistes, ceux-ci ne sont pas forcément en majorité. Quoi qu’il en soit, le festival, qui anime chaque année la ville et fait battre son coeur au rythme de la musique, cherche toujours à élargir son rayonnement au-delà de ses murs, et ne se veut pas élitiste : tous les genres musicaux sont représentés, du rock au jazz, en passant par le classique, le rap, le reggae… Au total, c’est plus d’une centaine de groupes et artistes issus de 32 pays qui se sont produits sur l’ensemble des scènes du FIMU lors de 200 concerts cette année. Le spectateur curieux n’avait qu’à s’aventurer dans le centre-ville, fureter d’une scène à l’autre et s’arrêter là où bon lui semblait, passant d’autant plus facilement d’une ambiance à l’autre qu’il est aisé de relier les différentes scènes à pied. Si la journée de samedi était relativement tranquille en raison de quelques intempéries qui se sont abattues sur la ville dès le début d’après-midi, on pouvait constater partout une même effervescence, une même curiosité, qui ont culminé le dimanche, où les festivaliers avaient profité d’un après-midi particulièrement ensoleillé pour se réunir et venir écouter les nombreux groupes se produisant ce jour-là. Nous avons ainsi pu apprécier le groupe de reggae français Païaka sur la scène Corbis France Bleu, mais ce sont véritablement les Anglais de Huw Eddy & the Carnival qui nous ont conquis avec un spectacle de près d’une heure porté par une énergie folle, entre humour, mélodies accrocheuses et émotion. L’attentat du London Bridge ayant eu lieu la veille au soir, le leader du groupe a dédié l’avant-dernière chanson aux victimes, lors d’une performance poignante que le public a écoutée avec recueillement. Le reste du temps, les musiciens de Leeds ont mis l’ambiance et fait danser un public qui a progressivement grandi à mesure que le concert avançait. Avec son accent british et son air décontracté, Huw Eddy n’a pas son pareil pour chanter des paroles aussi sensibles que furieusement drôles avec un bel abattage. Si le groupe propose un rock alternatif assez simple, leur sincérité, leur engagement et leurs performances scéniques emportent définitivement l’adhésion et donnent envie d’en entendre plus que l’E.P. de 4 titres vendu au corner merchandising du festival.
La soirée fut également agitée, avec une énorme affluence jusqu’à minuit. A 22h, Amelie McCandless, sur la scène de la République, a recueilli les faveurs d’un public très large venu noircir la place. La jeune artiste, repérée par Les Inrocks Lab, a interprété devant des spectateurs conquis et de tous âges les titres de son répertoire folk évoquant la nature sauvage de l’Amérique d’une voix évoquant celle de la chanteuse Rosemary Standley du groupe Moriarty ou encore d’une Sophie Zelmani. Ce n’est que lorsqu’elle pris la parole, à l’issue du premier morceau, pour s’adresser au public, que nous avons pu constater que l’artiste était bel et bien française, en dépit d’un impeccable accent chanté. Entre douce mélancolie et morceaux bluesy plus enjoués, elle a suspendu les festivaliers à ses lèvres durant 1 heure, y compris durant sa reprise du récent tube de Rag’n’Bone Man, « Human », plus que rabâché sur les ondes au cours des derniers mois. Comme de nombreux artistes en représentation dimanche, elle a également chanté un titre en hommage aux victimes de l’attentat de Londres, « Stranger ».
Et puis, comment ne pas évoquer la performance de la rappeuse Moon, sensible, surprenante et magnétique ? Une voix à suivre lâchant des textes ciselés, avec un petit air d’IAM au féminin et une irrésistible énergie positive que le public a pu apprécier samedi et dimanche. A la cathédrale St Christophe, les étudiants de l’University Choir Mladost de Slovaquie ont quant à eux affiché complet à chacune de leurs jolies performances lyriques du week-end, tandis que le quintet bosniaque Bandoneon Square (batterie, guitare, contrebasse, violon, accordéon) a fait danser quelques étudiants dans un tango effréné sur des morceaux instrumentaux très référencés évoquant ici le thème du compositeur Paul Buckmaster pour le film de Terry Gilliam, L’armée des douze singes, là les sonorités bossa nova de Pink Martini. Si les morceaux interprétés étaient peut-être un peu trop proche de mélodies connues, cette performance, imparfaite, était malgré tout intéressante et plaisante grâce au talent évident des jeunes musiciens.
Evidemment, cela n’est qu’un petit aperçu d’un festival dans lequel on rentre comme dans un bain bouillonnant de créativité de toutes parts : on se laisse immerger progressivement, puis, tout à notre envie de découvertes, on se laisse porter, ne faisant une pause que pour aller se restaurer dans l’un des nombreux établissements du centre-ville, qui proposaient durant toute la durée du festival un menu spécial, généralement unique, à des tarifs fort corrects. En plein essor ces dernières années, le FIMU est définitivement plus qu’un petit festival régional et mérite définitivement de franchir les frontières de Bourgogne-Franche-Comté afin d’attirer à Belfort un public mélomane aux goûts éclectiques, avide de découvertes dans une ambiance conviviale.