Alors que l’on sait depuis la semaine dernière que Lady Gaga enregistre de nouveaux morceaux avec le producteur RedOne responsable de ses plus grands succès comme « Poker Face », j’ai eu envie de me plonger dans ce Cheek to Cheek sorti en septembre 2014. Autant l’avouer tout de go, la musique de l’icône pop des années 2010 m’horripile assez : la faute à un son standardisé qui me laisse de marbre et à un manque d’originalité (écoutez plutôt Madonna) qu’elle compense par des costumes et clips extravagants. Malgré tout, il y a quelques années, j’avais écouté sa performance, seule au piano, de certains de ses tubes et là, j’avais été grandement étonnée : lorsque sa voix n’est pas passée au vocoder, celle-ci est très belle, avec une jolie puissance. D’où mon enthousiasme à l’idée de pouvoir écouter un album entier où elle aurait cette voix-là, un album de jazz avec le grand Tony Bennett, qui plus est !
Un bel écrin pour la voix de Lady Gaga
Et ma curiosité a payé puisque ce Cheek to Cheek est de très bonne facture. Faisant preuve d’un joli coffre et d’une aisance vocale certaine sur des standards pas aussi simples à interpréter qu’il n’y paraît, Lady Gaga fait instantanément oublier sa musique pour se fondre avec grâce dans cet univers qui ne lui est pas étranger puisqu’elle a interprété des standards de jazz dans des piano-bars avant de devenir célèbre. Sa voix se mélange avec bonheur à celle du crooner de 88 ans, qui est toujours intacte et ces deux personnalités que tout oppose vont nous faire swinguer le temps d’une dizaine de titres enlevés (16 sur l’édition deluxe exclusive iTunes). De Gershwin à Cole Porter en passant par Duke Ellington, ils revisitent un répertoire connu, auquel de grandes voix se sont déjà frottées et savent se l’approprier.
Si la plupart des morceaux sont interprétés en duo, Cheek to Cheek comporte aussi quelques jolis solos. A ce propos, sur « Lush Life », préparez-vous à être bluffé par l’interprétation de Lady Gaga, tout en retenue et en subtilité là où sa voix est davantage dans la performance durant le reste de l’album. A ce sujet, un seul titre pâtit vraiment de ce côté un brin trop show off : « I Can’t Give You Anything But Love », où elle n’hésite pas à en faire des tonnes, au détriment de la chanson. Pour le reste, si elle fait la démonstration de la puissance de sa voix, cela ne nuit jamais à la qualité de l’ensemble. Quant au grand Tony Bennett, rien à redire : il n’y a qu’à écouter son interprétation magistrale d’un titre comme « Sophisticated Lady » pour se souvenir pourquoi Frank Sinatra himself le considérait comme le plus grand.
Ce qu’on pourrait en revanche reprocher au disque, c’est de se situer un peu trop dans la grande tradition américaine des albums de duo et d’être un brin trop sage. Il manque en effet ce grain de folie qui donnerait un peu plus de substance à l’ensemble et le distinguerait d’autres très bonnes interprétations de standards de jazz. Les musiciens sont tous très bons, les interprètes doués… mais il n’y a pas de vraie surprise dans le fond et c’est un peu dommage. Mais si on le prend pour ce qu’il est, Cheek to Cheek est un album des plus plaisants, à écouter devant une bonne tasse de thé fumant un soir d’hiver.
Conseil : à écouter dans la version deluxe iTunes, qui contient notamment le très bon bonus track « Bang Bang (My Baby Shot Me Down) » interprété par Lady Gaga lors d’un festival de jazz.